Les ministres arabes des Affaires étrangères, réunis au Caire pour discuter de l'Union pour la Méditerranée, n'étaient pas tous sur la même longueur d'onde. Le ministre égyptien, en dépit de ses efforts, ne pouvait le masquer. On connaît les objections: aspect encore flou, arrière-pensée de contournement de l'adhésion de la Turquie à l'UE et surtout normalisation gratuite avec Israël. La question ne se pose pas pour ceux qui ont des relations avec Israël, elle se pose pour des pays comme la Syrie, la Libye ou l'Algérie. L'offre de paix du sommet de Beyrouth de 2002 reste la ligne: normalisation contre retrait des territoires occupés. On est loin du « front du refus », mais il est souhaitable que cette ligne minimaliste soit réaffirmée. Ce n'est pas un secret que l'UPM est suspectée dans le monde arabe de servir de tremplin à la normalisation. La réorientation de la diplomatie pro-américaine de Nicolas Sarkozy est donc un élément qui renforce les doutes persistants à l'égard de l'UPM. L'évaluation est indirectement corroborée par les dernières déclarations d'Hubert Védrine, ancien ministre français des Affaires étrangères, qui défend de manière particulièrement limpide la nécessité d'établir des canaux de communication avec le Hamas palestinien. Ce discours, frappé au coin du principe de réalité et peut-être coordonné avec le Quai d'Orsay, est-il l'annonce d'un réajustement significatif de la diplomatie française ? En tout cas, il est révélateur du handicap induit par l'alignement français sur la stratégie des ultraconservateurs américains et Israël. La France y a perdu ce qui faisait sa force et son originalité: une certaine indépendance vis-à-vis des Etats-Unis. L'alignement est d'autant plus contre-productif qu'il se situe précisément au moment du reflux des thèses bellicistes des faucons de la Maison-Blanche et à la veille, fin de mandat oblige, d'une réévaluation annoncée de la désastreuse politique étrangère de Bush. Hubert Védrine a d'ailleurs énoncé quelques vérités premières. Il reconnaît au Hamas la qualité d'indiscutable émanation démocratique du peuple palestinien. Que l'on apprécie ou non ce fait, il n'en est pas moins avéré. Cette évolution est peut-être énoncée par les contacts officieux avec le Hamas, qui ont d'ailleurs déplu à Washington. Pourtant, il est clair que la question palestinienne - dont le Hamas est un acteur essentiel - restera au coeur de toute démarche visant à créer un espace euroméditerranéen commun. Les réserves formulées au Caire, et elles sont encore plus prononcées au sein des opinions publiques, montrent la nécessité d'un rééquilibrage des diplomaties française et européenne. Les propos de Védrine, qui a défendu les contacts avec le Hamas, mettent en débat les éléments fondateurs d'une politique étrangère dont les termes avaient été, on s'en souvient, lyriquement exposés devant les Nations unies par un autre ministre français des Affaires étrangères, De Villepin. Aujourd'hui, dans de larges secteurs de l'opinion arabe - et au-delà - l'image du pays des droits de l'homme et des libertés est brouillée. Ce retour à la réalité et aux principes essentiels suggéré par Védrine ne peut qu'être salué. Il reste à le traduire sur le terrain. Et pas seulement avec les Etats. Car si l'Union pour la Méditerranée est peut-être un projet novateur, elle ne peut échapper à la question centrale, celle du peuple palestinien. Et cette question est aussi celle des peuples arabes.
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Posté Le : 25/05/2008
Posté par : sofiane
Ecrit par : M Saâdoune
Source : www.lequotidien-oran.com