Algérie

Dinou Zour, succulent et mordant



Dinou Zour, succulent et mordant
Il y a au moins deux façons de dénoncer la dictature : par le sérieux et la gravité ou par l'humour et la dérision...Et Hakim Laâlali, du Théâtre de Béjaïa, n'a pas mis beaucoup de temps à réfléchir et préférer la deuxième approche. Clouer de la sorte au pilori un dictateur se révèle être une thérapie pour évacuer le stress. Dinou zour, spectacle qu'il a monté en kabyle, a fait sensation à l'avant-dernière soirée du 6e Festival du théâtre international de Béjaïa. Costume rouge vif, képi frappé du signe nazi, moustache hitlérienne, le drôle de dictateur a des répliques pour tout. Le peuple, «ech-chaâb», il faut le maintenir hors d'état de revendiquer ses droits, qu'on le maintienne ivre «à bloc». Moqueur, notre dictateur chétif déclare : «Boire permet de pisser.Et pisser n'est-il pas un signe de bonne santé '» Le langage est tout ce qu'il y a de réaliste. «Naâ... Yem...!», n'est-ce pas ainsi que l'on parle de nos jours dans la rue et ailleurs. La pièce se fait le miroir de la société en puisant volontiers dans des répliques qui sont passées dans le domaine public, dont celles de nos Premiers ministres «beaux parleurs», en particulier Ahmed Ouyahia. «Je suis à bloc. Qu'on m'apporte du yaourt?Le peuple n'est pas obligé de manger du yaourt», lance-t-il dans un kabyle à l'accent sahli, de la côte est-bougiote. Un accent que Hakim Laâlali, scénariste, metteur en scène et personnage principal de la pièce trouve «mélodieux» et qui semble avoir contribué grandement à la réussite du spectacle. Un peu à la façon de l'accent jijelien pour l'inspecteur Tahar. Tout est enveloppé d'humour et du léger, y compris la musique dont les fameuses notes de la Panthère rose qui ont été convoquées à l'amorce d'une rencontre du drôle de tyran avec la presse étrangère. Les répliques sont brèves, tranchantes et croustillantes. Hakim Laâlali est magistral dans son rôle. On soulève au dictateur le problème du logement ' Il répond : «Yemma !».Dans un discours pour «ayuha ech-chaâb», il s'évertue à expliquer qu'«un pays qui n'a pas de problèmes n'est pas un pays» et de se féliciter que «el hamdoullah, nous n'avons pas de problèmes». Une répartie qui a survécu au président Chadli. La pauvreté ' Pourquoi la combattre ' «Si c'est Dieu qui a voulu faire de vous des pauvres, c'est contraire à Sa volonté que de vous rendre riche!». Aux revendications qui s'expriment, on ne peut pas dire que ce drôle de dictateur n'a pas le sens de la répartie : «Où sont les droits des artistes '», «Vas t'asseoir !», ou encore «Quel avenir pour le pays '» (en arabe classique), «Que sais-je. Vous me voyez capable de lire l'avenir '».«Où sont les droits de l'homme '», «Inaâ... Ye..!», répond le dictateur face à un public qui rit à se tordre. Un protestataire lui jette des souliers et s'ensuit alors une course-poursuite entre les rangs du public. Le pauvre opposant, attrapé, est tabassé et jeté au fond d'un cachot. Lui qui a «osé réclamer houkouk el insan (droits de l'homme)». Et puis d'abord «insan est singoulier (comprendre singulier), et singoulier sonne comme sanglier». «Et vous voulez que je donne des droits à un halouf (sanglier) '». Mais «Où sont les hommes '», lui est-il encore demandé. «Il ne reste que les artistes», répond-il, joignant à ce dernier mot le geste de danse.La déchéance ayant atteint le monde de l'art. Une référence est faite dans le dialogue à El Gueddafi avant qu'une révolte ne s'allume. Le tyran est tué dans un élan qui allait donner au spectacle sa déclinaison tragique. Il n'en fut rien, l'humour jusqu'au bout. Le dictateur est ressuscité à la fin de la pièce, permettant ainsi de comprendre que les dictatures peuvent renaître de leurs cendres. Le contexte est à son extrême absurdité. Grand prix de la 5e édition du Festival culturel national du théâtre amazigh tenue à Batna en décembre 2013, Dinou Zour est la première production qu'a montée le jeune Hakim Laâlali.«J'ai pris presque trois ans pour écrire le texte à Cap Carbon, en face de la mer. Un jour j'ai décidé de monter le spectacle. C'est la veille que j'ai décidé de le traduire et de le jouer en kabyle, la première version ayant été écrite en arabe classique, puis traduite en derdja. Nous avons répété pendant sept mois».




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