Algérie

«Dieu, pardonnez-leur, ce ne sont que des ustensiles !»



La polémique continue : la colère des lycéens est-ellemanipulée, créée, spontanée, préfabriquée, bio ou artificielle ? Journalistes,devins, médiums, observateurs ou neurasthéniques peuvent donc soliloquer àl'infini. C'est de coutume en Algérie, pays du soupçon essentiel et du regardqui regarde ce qu'il y a derrière les apparences. Passons donc sur la théorieet examinons les formulations.A chaque crise donc, en Algérie, il y a toujours unministre ou un Président ou un « Décideur » qui se sent visé par un tireur deballes ou de fils et qui réplique par les canaux lourds ou légers en affirmantconnaître ceux qui manipulent et tirent les ficelles. L'affirmation estsystématique mais s'arrête à chaque fois au meilleur moment de l'intrigue : leministre concerné ne donne jamais de noms ni de prénoms et n'indique jamais lesauteurs de cette formidable capacité à faire sortir les foules rien qu'enappuyant sur un bouton. Du coup, la théorie de la manipulation, mêmeofficiellement soutenue par un membre du gouvernement, perd de son sérieux etde sa crédibilité et retombe dans le statut de la feuille de vigne ou defiguier. La grande question est donc celle du « pourquoi ». Pourquoi ceux quicrient à la manipulation ne donnent jamais de noms et se contentent seulementde vagues sous-entendus ? Par peur ? Par peur de se tromper ? Parce que au fondils n'y croient pas ? Par manque d'informations crédibles ? Ou parce qu'ils seréservent le droit de rendre le coup par la même méthode anonyme ?Raisonnablement, il s'agit de la dernière option. Les grosses guerresproduisent toujours leur quota de traîtres, supposés, soit pour mieux souderles rangs soit pour mieux se débarrasser des adversités par les purges. EnAlgérie, la théorie du Harki inconnu a laissé dans les mentalités une culturedu « coup dans le dos » qui a eu des avatars divers : bourgeois ennemi dusocialisme, francophile ennemi de l'identité, laïc ennemi de l'Islam, évangélisteennemi de la religion, spéculateur ennemi des bas salaires...etc. Le toutmenant à la figure du Manipulateur sans nom, sans visage, reconnaissable parses seuls adversaires et discernable par les seuls initiés. D'où, cette réservesur les noms et les adresses dans les réponses des ministres confrontés auxévénements qui en veulent à leur pain ou à leurs réformes. Face aux lycées encolère, le ministre de l'Education a donc parlé de manipulateurs qu'il connaît,qui agissent selon leurs intérêts menacés.On peut le comprendre, car il fait partie d'un système quisait ce que signifie le mot « spontané » et qui a l'habitude de voir le peuplesortir dans la rue comme un ressort qui sort d'une boîte en appuyant sur unlevier. Pour lui, la colère est aussi « spontanée » que le sont les marches desoutien, les appels à un 3ème mandat, les grèves décidées par l'UGTA ou ledépart de Zéroual. Confronté à une réaction, un ministre du genre ne peut yvoir qu'une action. Et, faisant face à une colère, il ne peut y voir qu'un salecoup. Tout se passe donc dans une cuisine philosophique où des manifestants nepeuvent avoir que l'essence d'un ustensile incapable de penser par lui-même etqui ne peut entrer en action que par la main d'un cuisinier. Le ministre nedonne pas de noms parce qu'il estime qu'il n'y a personne à qui les donner : lepeuple n'existe pas.
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