Algérie

Diar Echems: Une vive tension et de nouveaux affrontements



La tension au niveau du quartier Diar Echems dans la commune de Madania sur les hauteurs d'Alger était restée hier vive, même si aucun dispositif sécuritaire n'était déployé dans le secteur. Il est 13 heures quand nous pénétrons le quartier en arpentant la rue «les jasmins» qui a vécu la veille de violents affrontements entre d'un côté les forces de l'ordre et des habitants du quartier, sortis dans la rue pour réclamer des logements.

 Rien n'indiquait que des émeutes ont eu lieu dans ce quartier, sauf peut-être une énorme benne d'ordures qui obstruait toujours le passage vers le quartier en question. A notre arrivée sur les lieux, des jeunes au pied des immeubles dont les façades sont complètement défigurées par les paraboles. A notre vue des adolescents pointaient un doigt dans notre direction croyant avoir affaire peut-être à des policiers en civil. Nous essuyons quelques jets de pierres de la part des enfants âgés d'à peine 15 ans. Ils ne voulaient pas croire que nous étions des journalistes venus juste s'enquérir de la situation.

 Les jeunes commençaient à ameuter leurs camarades et puis un habitant du quartier, la quarantaine environ, est venu à notre rencontre pour connaître les raisons de notre venue. Mohamed a bien voulu répondre à nos questions. Durant plus de vingt minutes, il nous racontera les conditions de vie difficiles des habitants de la cité construite en 1958 par les colons. Notre interlocuteur jure qu'il y a des familles entières entassées dans une seule pièce dans la cité, délaissée, explique-t-il, par les responsables. Il faut savoir que la cité a été construite avant l'indépendance dans le cadre d'un programme initié par le général De Gaule au profit de personnes qui ne disposaient pas de revenus. Tous les logements sont de type F1 et F2.

 Mohamed affirme que certains logements sont occupés par plus de 10 personnes et que «les gens dorment parfois dans les toilettes». Les conditions de vie sont lamentables, poursuit cet habitant qui pointe du doigt les autorités locales qui les auraient, d'après lui, abandonnés à leur sort malgré l'urgence de la situation. Il affirme que le maire ne leur a jamais rendu visite et que malgré toutes les demandes, les habitants du quartier n'ont bénéficié que de 6 logements l'année dernière.

Selon lui, les émeutes qui ont lieu la veille, étaient le fait d'un «ras-le-bol généralisé» des familles et des habitants de Diar Echems.

 La version de Mohamed est pourtant battue en brèche par le président de l'APC d'El-Madania. Selon le maire, Moufak Abdrezzak que nous rencontrons au siège de l'APC, les véritables causes du déclenchement des émeutes dans ce quartier ne sont pas liées à la distribution des logements. Le président de l'assemblée populaire communale indique que «les habitants avaient tout le temps nécessaire pour faire des recours concernant les 13 logements sociaux dont a bénéficié Diar Echems l'année dernière mais ne l'ont pas fait».

 Le maire qui reconnaît qu'il existe une crise en matière de logements dans sa commune, affirme par ailleurs que les habitants du quartier Diar Echems ont eu la part du lion dans l'attribution en 2008 d'une soixantaine de logements. Le responsable de l'APC affirme que les problèmes au niveau de Diar Echems ont commencé vendredi dernier quand les services de la commune accompagnés de la police se sont rendus dans le quartier en question pour interdire à des citoyens d'ériger des baraquements au milieu du stade.

 Le maire soutient qu'il pensait que le problème était clos après la réunion qui a eu lieu samedi entre les habitants du quartier et ses services mais a été «surpris de voir dans la soirée que les mêmes habitants ont ramené des matériaux de construction pour construire sur le stade». Moufak Abdrezzak affirme que la tension est montée dans ce quartier lorsque les habitants ont découvert le lendemain que les briques ramenées pour la réalisation des baraques ont été enlevées par l'APC.

 Le maire est convaincu que la liste des logements attribués l'année dernière n'a rien à avoir avec les émeutes de lundi et que la véritable raison «c'est le refus de l'APC de fermer les yeux sur de nouvelles habitations illicites dans un quartier entouré totalement de baraquements de fortune dont la construction remonte à plus d'une dizaine d'années».

 Il est un peu plus de 14 heures, le maire reçoit un coup de fil et se lève subitement de son fauteuil. «Je dois appeler le secrétaire général, les jeunes du quartier sont encore redescendus dans la rue», nous dira le maire avec une voix un peu hésitante. Nous quittons le siège de l'APC pour aller directement vers Diar Echems mais le quartier était déjà bloqué. Pris au piège, les automobilistes rebroussaient chemin, ce qui a créé des bouchons. Il était impossible de se rendre en véhicule dans le quartier. Les groupes de jeunes ont encore pris possession des lieux en fermant à la circulation toute voie d'accès. La principale route située en bas du quartier Diar Echems et qui mène de Bir Mourad Raïs vers plusieurs destinations est obstruée.

 Les forces anti-émeutes arrivent sur les lieux et c'est l'affrontement. Les policiers ont été accueillis par un déluge de pierres. Plusieurs d'entre eux ont été blessés dès leur arrivée. Certains ont même reçu des blocs de pierres sur la tête jetés du haut des immeubles. Les renforts arrivent et les chasse-neiges de la police ont décidé d'entrer en action. La première bombe lacrymogène fut lancée et les policiers pénètrent dans le quartier. En fin d'après-midi, les affrontements continuaient.




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