Algérie

«Développer notre expertise dans plusieurs pays africains» Issad Rebrab. Président du groupe Cevital


«Développer notre expertise dans plusieurs pays africains»                                    Issad Rebrab. Président du groupe Cevital
Le président du groupe Cevital, Issad Rebrab, évoque dans cet entretien sa participation au forum et sa stratégie d'internationalisation du groupe vers l'Afrique.
- Vous avez été invité à participer à ce forum et à y présenter votre expérience en tant qu'entrepreneur algérien à la tête d'un groupe ayant bien réussi dans le monde des affaires. Quelle impression cela vous donne-t-il '

J'ai reçu l'invitation à participer à cette rencontre il y a huit mois déjà. Aujourd'hui, je constate qu'il s'agit véritablement d'un forum de qualité de par les interventions auxquelles nous avons assisté. Je tiens pour cela à féliciter le groupe Jeune Afrique et la Banque de développement africain (BAD) qui ont initié ce forum et qui ont réussi à réunir les managers africains, les financiers qui s'intéressent à l'Afrique et les responsables de la BAD. C'est une excellente initiative pour l'Afrique, pour les entreprises et pour le monde financier.

- Puisqu'il s'agit de l'Afrique, pouvez-vous nous parler de vos projets dans ce continent, sachant que vous avez déjà ciblé quatre pays africains, à savoir le Soudan, l'Ethiopie, la Tanzanie et la Côte d'Ivoire '

Vous savez que le groupe Cevital s'est très bien développé en Algérie puisque nous sommes devenus leader dans le secteur agroalimentaire. Nous avons fait passer notre pays du stade d'importateur au stade d'exportateur dans plusieurs produits. Nous avons acquis une expertise que nous voudrions aujourd'hui développer dans plusieurs pays africains. C'est surtout pour assurer la sécurité alimentaire des pays dans lesquels nous allons investir et la sécurité alimentaire de notre pays aussi. Les produits alimentaires que nous produisons sont aujourd'hui importés et nous ne faisons que les transformer. Notre idée, c'est d'essayer d'aller dans des pays où on pourrait produire, par exemple, de la canne a sucre, de la betterave sucrière, du sucre roux dont une partie serait destinée aux pays dans lesquels nous allons investir et une autre partie à nos raffineries en Algérie. Aujourd'hui, nous avons aussi l'intention d'aller en amont de ces activités dans notre pays. Le gouvernement algérien, à travers le ministère de l'Agriculture, vient de donner des instructions aux walis de Ouargla et d'El Oued pour dégager des terres au niveau des zones sahariennes pour lancer une agriculture industrielle et installer des unités industrielles intégrées. Dans les prochaines années, si nous ne faisons rien, il va y avoir une crise alimentaire majeure. Des pays comme la Chine, l'Inde, le Brésil ou le Mexique, qui représentent environ 50% de la population mondiale, ont augmenté leur pouvoir d'achat et consomment aujourd'hui plus. A cela s'ajoute aussi le problème de la croissance démographique mondiale, notamment en Afrique. Actuellement, il n'y a que 25 jours de sécurité alimentaire au niveau mondial et si des aléas climatiques venaient à survenir, des pays qui n'ont pas investi dans la sécurité alimentaire risquent de connaître des crises majeures. Aussi, nous avons remarqué, depuis 2006, que les prix des produits alimentaires ne font qu'augmenter, ce qui engendré une certaine tension sur ces produits. C'est la raison pour laquelle, d'une manière stratégique, nous voulons aller investir dans des pays africains qui ont beaucoup de terrains agricoles et de gros marchés.

- Rencontrez-vous des difficultés à mettre en 'uvre cette stratégie '

En Algérie, notre groupe est en surliquidités, il n'a pas de dettes mais on ne nous autorise pas à sortir de l'argent pour pouvoir investir à l'international. La loi sur la monnaie et le crédit existe, mais n'avons pas cette autorisation. C'est malheureux et regrettable. Il faut absolument que les pouvoirs publics fassent confiance aux opérateurs privés algériens. Sans cette confiance, nous ne pourrons pas développer notre pays et nous ne pourrons pas lui assurer la sécurité alimentaire.

- L'on dit souvent que vous êtes contre l'idée de vous associer à l'Etat pour réaliser des projets de grande envergure, alors que les spécialistes, lors de ce forum, encouragent les entreprises à aller vers des partenariats public-privé (PPP)'

Si c'est dans le cadre de projets d'infrastructures, nous sommes favorables à des investissements sous cette forme de partenariat. Mais s'il s'agit de projets proprement industriels, je ne vois pas la raison pour laquelle on fait la différence entre une entreprise privée et une entreprise publique. Il faut savoir que la majeure partie des richesses générées par l'entreprise privée, tout en créant de l'emploi, est versée au budget de l'Etat. Notre groupe verse aujourd'hui 59% de sa création de richesse au budget de l'Etat ; 40% sont réinvestis et 1% seulement sont distribués comme dividendes.
Dans nos investissements, nous voulons absolument avoir les mains libres pour ne pas être obligés de rendre des comptes à personne et pour être libres de choisir notre technologie, d'acheter nos équipements et gagner du temps. Quand on est associé à une entreprise publique, surtout si elle détient la majorité du capital, on tombe sous la coupe du code des marchés publics et là, pour acheter une pièce détachée, on est obligé de passer par l'appel d'offres. Cela handicape le fonctionnement de l'entreprise. Du fait d'avoir une entreprise publique comme actionnaire, le coût de réalisation du projet devient plus important et les délais de réalisation plus longs. Nous avons remarqué aussi que les travailleurs employés dans les entreprises publiques réclament toujours leur part de la rente. C'est l'esprit rentier. En revanche, nous sommes prêts à nous associer et investir avec l'Etat pour la réalisation d'infrastructures comme les ports, par exemple. Ce n'est pas l'infrastructure elle-même qui nous intéresse et, à la limite, nous pouvons même la céder à l'Etat. Ce qui nous intéresse, c'est sa fonctionnalité de plateforme logistique, qui est la base assurant la compétitivité aux industries que nous allons installer sur place.

- Certains se demandent comment votre groupe est parvenu à réaliser une telle performance'

D'abord, nous investissons tous nos résultats et cela fait un effet boule de neige sur nos activités. Nous investissons aussi dons les dernières technologies et nous avons une veille stratégique pour le suivi des marchés au niveau mondial. L'investissement dans la formation de notre personnel est aussi pour nous capital. En matière de transparence financière, nous sommes audités par un cabinet d'audit international, ce qui nous permet aujourd'hui, même si on est en surliquidités, de lever des capitaux à n'importe quel moment. Enfin, nous cherchons toujours à investir dans des secteurs où nous avons des avantages comparatifs. Quand vous avez un avantage comparatif, vous êtes concurrentiel face à n'importe quelle société, même multinationale, et vous n'avez aucun problème à placer un produit. Et c'est le meilleur moyen de protéger votre marché.
Aujourd'hui, on ne doit pas investir juste pour investir. L'investissement doit faire de l'entreprise une entité concurrentielle sur le plan international. Les entreprises algériennes bénéficient de beaucoup d'avantages comparatifs et pourraient être concurrentielles pour peu que l'Etat leur fasse confiance et les laisse travailler. Je suis vraiment frustré du fait qu'il faille demander la permission pour investir, créer des richesses, des emplois. Il n'est pas normal qu'en Algérie, le plus grand pays du continent africain, une entreprise éprouve du mal à accéder au foncier industriel. En ce qui nous concerne, nous avons plusieurs projets bloqués, depuis des années, soit parce que nous n'avons pas encore d'autorisation pour les lancer, soit parce que nous n'avons pas de terrain.

- Un accord pour la création d'une société algéro-qatarie a été récemment signé en vue de réaliser un complexe sidérurgique à Bellara, alors que vous en aviez déjà proposé sa réalisation tout seul. Un commentaire '

C'est quelque chose que je regrette, bien sûr. Nous avons déposé notre dossier pour ce projet il y a de cela trois ans. Le capital est 100% algérien, mais le projet a été bloqué puis donné aux Qataris. C'est une question qu'il faut poser aux autorités.
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