Sales et débraillés, entonnant des chants religieux, quelque deux millions d'enfants font la manche dans les rues de Kano, la « capitale » du nord musulman du Nigeria.
Leur nombre a presque doublé en 5 ans, selon les autorités, faisant craindre une « bombe à retardement sociale ». « C'est une génération perdue, toute une génération », déclare à l'AFP la sénatrice Eme Ufot Ekaette, qui dirige un comité sur la protection de l'enfance au parlement fédéral. Postés à la sortie des écoles privées, des centres commerciaux ou aux carrefours de Kano, ils tendent des bols en plastique dans l'espoir d'y voir tomber argent ou nourriture.« Ces enfants sont une bombe à retardement sociale (...). Ils ne connaissent pas l'attention parentale, l'amour et l'affection et donc ils perçoivent tout le monde comme un ennemi responsable de leur dénuement », estime Abdullahi Yusuf, un résidant de Kano, la deuxième ville du pays. Derrière lui, dans un centre commercial, une vingtaine de gamins dépenaillés tendent leur bols.« Chaque jour la situation devient plus pathétique », se lamente Aminu Ismaïl Sagagi, en charge du dossier au gouvernement de l'Etat de Kano, éponyme de la ville. Il évalue le nombre des petits mendiants à deux millions, le double d'il y a cinq ans. La plupart des enfants sont rattachés à des madrassas, des écoles coraniques. Traditionnellement, les parents y envoient leurs fils dès l'âge de six ans pour apprendre le Coran. L'enseignement est gratuit mais les enfants doivent subvenir à leurs propres besoins.Si le phénomène d'enfants mendiants n'est pas propre à Kano, il y est, selon les experts, plus important qu'ailleurs au Nigeria, pays le plus peuplé d'Afrique avec 140 millions d'habitants. Pour Ahmed Bello, de l'unité de police luttant contre le trafic d'êtres humains, le fait que ces élèves soient non seulement envoyés mendier, mais aussi réquisitionnés pour travailler dans les fermes de leurs enseignants, est de « l'exploitation pure et simple ».Mais ce sont avant tout les parents les responsables de cette situation, estime Bala Muhammad, qui dirige un comité de promotion de la morale et de la bonne tenue à Kano, favorable à une application stricte de la chari'a. Il leur reproche de faire plus d'enfants qu'ils ne peuvent en nourrir et de s'en débarrasser ensuite auprès des écoles coraniques. Face au problème, des citoyens se mobilisent et forment des groupes de soutien en fournissant aux madrassas, nourriture, vêtements, matelas. Ils mènent aussi des campagnes auprès des villageois qu'ils appellent à ne pas négliger leurs enfants. Le fondateur de l'un de ces groupes, Adamu Aliyu Kiyawa, rappelle que les enfants livrés à eux-mêmes peuvent devenir des acteurs des tensions ethnico-sociales, récurrentes dans la moitié nord du Nigeria. « Affamés et en colère, ils pourraient facilement être mobilisés pour tuer et voler durant ces crises », met-il en garde.
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Posté Le : 22/11/2009
Posté par : sofiane
Source : www.elwatan.com