Algérie

Deux fers au feu



Deux fers au feu
Le Premier ministre s'est gardé de faire un passage en force en préconisant l'ouverture d'un dialogue avec l'opinion nationale.A partir d'Arzew où il était en visite de travail, le Premier ministre a fait deux importantes annonces, certains diraient qu'il a dégoupillé deux grenades. Certainement conscient de l'effet de «souffle» qu'auront ses déclarations, Ahmed Ouyahia a pris le soin de souligner tout le bénéfice qu'en tirerait la première entreprise du pays et au-delà, toute la société. Il faut dire qu'aborder la question du gaz de schiste et de la loi sur les hydrocarbures en un seul jet, équivaut à faire converger beaucoup de forces politiques contre la démarche du gouvernement. Les deux décisions gouvernementales ont reçu, faut-il le rappeler, un accueil, pour le moins catastrophique de la part d'une opinion partisane, franchement hostile à toute attitude «libérale» lorsqu'il est question d'hydrocarbures. Il faut dire que la fameuse loi déjà amendée en 2005 et en 2013, est systématiquement objet d'âpres débats à l'APN où les accusations de «bradage de la richesse» fusent de partout. La première tentative d'amendement de ladite loi, conduite par l'ancien ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil avait provoqué un tollé indescriptible au niveau de la classe politique, mais également au sein de l'Ugta. Le désaveu est arrivé jusqu'au perron du pouvoir, ce qui a amené le gouvernement à la retirer. Les quelques articles litigieux supprimés ont quelque peu vidé cette loi de sa sève et les appels d'offres qui s'étaient succédé depuis, étaient le plus souvent infructueux ou alors les «mieux- disant» étaient des compagnies de seconde zone.
Le pétrole et le gaz algériens ont perdu de leur attractivité et les principales découvertes étaient, le plus souvent, le fait de la Sonatrach, laquelle n'est pas outillée au plan technologique pour prospecter de grands gisements. Le tableau qu'offre présentement le secteur des hydrocarbures n'est pas très reluisant, estiment les observateurs, dont nombreux recommandent un amendement de la loi sur les hydrocarbures. La seule alternative possible à la situation de «dessèchement» que connaissent les puits, actuellement en activité. Tous les professionnels du domaine attestent de cette nécessité pour attirer des investisseurs sérieux.
Il reste que le point de vue des experts ne rejoint pas toujours celui des politiques de l'opposition, pour qui, la perspective d'un amendement peut constituer du «pain bénit» pour mobiliser l'opinion nationale contre le gouvernement.
En cela, Ouyahia leur offre une double occasion de monter au créneau, puisque dans la même visite, il évoque clairement l'intention du gouvernement de lever la suspension sur la prospection et la production du pétrole et du gaz de schiste. On se rappelle, qu'en 2013, juste après le second amendement de ladite loi sur les hydrocarbures qui autorise l'usage du schiste, l'opinion nationale a été «sensibilisée» contre cette option et un mouvement de protestation est né à In Salah avec un écho national, voire international. L'ampleur de la protesta, née dans la foulée des printemps arabes, a amené le Premier ministre de l'époque, Abdelmalek Sellal, a suspendre les opérations de prospection, d'ailleurs quasi définitivement abandonnées après la chute des prix du pétrole sur le marché mondial en 2014.
Ouyahia réveille le projet. Il prend le risque d'une montée en puissance des anti-schiste. Ces derniers convergeront certainement vers les anti-amendement de la loi et la «boule de neige» qui en naîtra pourrait grossir et devenir incontrôlable. On n'est pas encore là et le Premier ministre s'est gardé de faire un passage en force en préconisant l'ouverture d'un dialogue avec l'opinion nationale, et surtout local des régions concernées par les forages, pour la convaincre de la faisabilité des opérations, sans nuire à l'environnement. «Nous estimons que le groupe pétrolier national dispose de capacités nécessaires pour expliquer au peuple algérien qu'il ne s'agit pas là d'une démarche aventurière, mais d'une option visant à garantir l'avenir en matière énergétique», a expliqué Ahmed Ouyahia.
C'est dire qu'à partir d'Arzew, le Premier ministre a inauguré deux importants chantiers politiques qui ne manqueront pas de susciter des débats passionnés, tant au niveau de la classe politique, que celui de la société civile.


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