Algérie

Deux faces d’une seule pièce



L'élection présidentielle du 7 septembre 2024 fut une occasion pour chacun des trois candidats en lice de proposer aux Algériens un horizon et des buts. Dans cette optique, les intentions affichées sont nombreuses et portent sur de grands accomplissements dans les cinq prochaines années.
Or, une transformation de cette ampleur prend forcément appui sur un diagnostic inattaquable qui soit ressenti comme provenant des profondeurs de toute la société et non d'une frange de la population ou d'un parti politique. De plus, le fait qu'un tel diagnostic puisse refléter exactement la réalité des atouts et des faiblesses de l'Algérie, servira de base à des solutions valables pour le futur. En outre, le programme qui en émanera échappera aux généralités et aux formules grisantes, pour s'en tenir aux faits, être explicatif et répondre à des attentes.
Comme pour tout diagnostic, il requiert donc une maîtrise préalable de l'information, laquelle passe par «un long travail d'expertise qui permet de faire le départ entre le conjoncturel et le structurel, de démêler les causes réelles des phénomènes identifiés dans l'opinion, de revenir à des problèmes-sources (...) et de battre en brèche des idées préconçues» (R. Rivaton, 2016). Cela signifie que dans un État naissant comme le nôtre où l'outil statistique est faible, seul un postulant rompu à la besogne dans des institutions étatiques où il a des facilités d'accès aux informations disponibles, est à même de dresser un diagnostic fiable avant d'arriver aux responsabilités. Faute de quoi, il n'aura pas d'autre argument à faire valoir face à ses concurrents et aux électeurs que ses promesses électorales, ou bien la doctrine de son parti.
D'où le rôle essentiel de l'expérience pour un candidat à la magistrature suprême, évoqué récemment dans ces mêmes colonnes. Car dans le monde implacable d'aujourd'hui, il est moins question de talent oratoire que de capacité d'agir sur tous les fronts grâce à de bonnes données. Voici pourquoi la candidature d'Abdelmadjid Tebboune a remporté l'adhésion de la majorité des acteurs de la scène nationale. Ce positionnement est d'autant plus sensé que, faut-il le rappeler, une stratégie adroite passe nécessairement par une triple voie: 1- un bon diagnostic;
2- un projet explicite;
3- les instruments d'une mise en oeuvre suivie d'une évaluation. Concernant le projet du Président, il montre que celui-ci a tiré les leçons de son premier mandat. Car, au lieu de multiplier les cibles, il a choisi les plus pressantes pour la société, l'État et l'économie, à savoir: le secteur social; l'urbanisme; la rénovation urbaine; la gestion urbaine; le logement; l'aménagement du territoire; la réorganisation territoriale; la décentralisation; le développement local; la lutte anti-corruption; l'extirpation du favoritisme; la participation; les finances; le commerce; la gestion publique; l'industrialisation; l'agriculture; les mines, l'énergie et la transition énergétique; les TIC et la numérisation; l'éducation; la formation; l'eau; l'appel à ceux qui savent; la diaspora; la socialisation des jeunes; la promotion sportive à tous les paliers; la régulation de la vie politique; la politique extérieure; la défense nationale; soit 30 choix stratégiques au lieu de 54 pour changer les choses au cours de la période 2024-2029.
Ces choix laissent transparaître un souci d'efficacité et de résultat dans un temps non extensible.
Chacun d'eux est à la fois un combat et un élément utile à l'agencement de l'édifice projeté d'une nouvelle Algérie qui implique une maîtrise d'ouvrage, c'est-à-dire un dispositif de mise en oeuvre et des outils. Qui peut s'en charger si ce n'est l'administration publique? Or, celle-ci ne semble pas en mesure de s'acquitter convenablement de cette redoutable mission en raison de sa mentalité, de ses méthodes désuètes et de ses carences avérées qui appesantissent la marche de la société et les processus d'exécution des politiques publiques, comme c'est d'ailleurs souvent le cas dans les pays en développement. En Algérie, ce problème est chronique, même si les tentatives d'amélioration abondent, allant des réformes structurelles des années 1960 aux propositions du comité Sbih (2001), en passant par les mesures conjoncturelles des années 1980. Mais jusque-là, la façon de le résoudre, c'est-à-dire les questions du «comment procéder» et du passage à l'acte, butent sur une résistance passive manifeste de nos appareils bureaucratiques qui demeurent obstinément fermés sur eux-mêmes et réfractaires à toute réforme malgré la qualité de bon nombre de leurs membres et un discours politique ostensiblement centré sur la notion de «rénovation».
C'est pourquoi le projet présidentiel susmentionné sollicite implicitement les agents publics de se faire à l'idée de «ne plus considérer l'administration comme une organisation équivalente à une entreprise privée. Elle n'est qu'une machine qu'on optimise. Sa finalité est de créer de la valeur, du bien public, que ce soit du lien social, de la construction de l'avenir, de l'innovation»(C. Rochet, 2010). Il sous-entend également que le renouveau du pays et celui de ses appareils administratifs vont de pair et sont deux faces d'une seule pièce.
Nous y reviendrons parce que le thème de la gestion publique est d'une brûlante actualité et qu'il occupe une place à part entière dans la feuille de route 2024-2029.
*Membre du Conseil de la nation
Hachemi Djiar



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