Algérie

Deux chaînons forts d'un combat



Beaucoup se souviennent encore de cette époque où le symbole était l'unique résistance des citoyens ordinaires face au déni identitaire.L'une a été à l'avant-garde de la production intellectuelle en tamazight depuis l'avènement du Printemps berbère 1980 alors que l'autre a commencé bien avant à représenter une identité broyée par l'unicité régnant dans les premières années de l'indépendance. La JSK et la revue Tafsut. Beaucoup se souviennent encore de cette époque où le symbole était l'unique résistance des citoyens ordinaires face au déni identitaire.
En effet, en ces temps-là, les Kabyles n'avaient que ce symbole pour sortir la tête hors de l'eau. Face au rouleau compresseur idéologique déployé à grand renforts, les montagnards, interdits de parler en kabyle dans les villes, n'avaient que les vendredis pour parler avec leurs tripes en kabyle. Mais seulement sur les gradins du petit stade Oukil Ramdane. La JSK a pris la dimension d'un véritable symbole d'une identité oprimée.
Dans les années 1970, lorsque la question amazighe «n'était pas posée publiquement, la parole était bâillonnée. Evoquer le mot tamazight dans les villages était synonyme de rafle et un séjour dans la brigade la plus proche», souligne un ancien militant qui a enseigné le tifinagh dans son village dans les années 1970. Un autre témoigne du système hermétique qui ne laissait apparaître aucun germe de revendication. «Je me souviens de la peur de prononcer le mot amazigh. Comme si les murs et les arbres avaient des oreilles. Un mot sur le sujet et l'on se retrouve arrêté.» Mais bien heureusement, ce mur hermétique s'ouvrait durant quelques heures chaque week-end. Les matchs de la JSK étaient l'unique occasion pour crier haut son appartenance identitaire. Le slogan chanté aujourd'hui avait une résonance à donner la chair de poule dans les années 1970 et 1980. «Je frissonnais en chantant 'Anwawigui' Dhimazighen'', les jeunes supporters d'aujourd'hui le chantent aussi mais croyez-moi que ce n'est pas du tout la même chose», affirme avec émotion un vieil homme.
Un autre symbole a accompagné cette langue parlée qui découvrait enfin petit à petit le papier, la revue Tafsut. Un petit fascicule de papier rudimentaire mais qui portait dans ses entrailles des mots qui allaient changer le visage de toute l'Algérie. «Je me souviens encore de l'émotion qui m'envahissait en prenant ce petit livre tapé à la dactylo dans mes mains. J'avais les frissons rien qu'en caressant ses feuilles», témoigne Dda Mohand qui a été plusieurs fois arrêté à cause de ses activités «subversives» dans les années 1970.
La revue Tafsut a appris les premiers rudiments de la langue amazighe à plusieurs générations. Pourtant, ses concepteurs n'avaient comme moyens que des feuilles blanches, une dactylo et une ronéo. Bon gré, mal gré, Tafsut a fait son chemin et a produit un autre printemps.
Un printemps fait par les étudiants et qui ne tarira jamais car tamazight continue d'irriguer les racines d'une Algérie plusieurs fois millénaire.
Aujourd'hui, même si la revue Tafsut paraît vieux jeu comparée à l'Internet, il n'en demeure pas moins que toute la technologie actuelle ne peut produire ce qui sortait d'entre ses pages. Un combat abouti pacifiquement comme si à chaque page tournée sortait une colombe blanche. La JSK, qui a été le porte-flambeau et le porte-voix de la revendication est aujourd'hui une équipe de football avec ses lettres de noblesse dans le championnat d'Algérie mais il est impossible d'oublier ce «Anwa wigui' Dhimazighen».


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