Algérie

DEUIL ET DIGNITE



Une marche blanche a été organisée, hier, dans les rues étroites du village Ichekaben dans la commune de Feraoun, à plus de 50 kilomètres du chef-lieu de wilaya de Béjaïa.Près de 2 000 personnes ont pris part à cette marche silencieuse en mémoire des deux victimes de "l'obscurantisme, de l'exorcisme et de la magie noire", Manel et sa mère Rahima, âgées de 5 ans et de 44 ans.
La douleur et l'émotion étaient encore intenses hier à Feraoun. Des carrés composés de femmes, d'hommes et même d'enfants ont commencé à se former une heure avant le coup d'envoi de la marche que les organisateurs voulaient réussir et contrôler de bout en bout. Ils ont été rejoints par d'autres personnes, qui arrivaient des quatre coins de la wilaya.
Le lieu de rassemblement choisi n'est pas fortuit : les environs immédiats de la maison des deux victimes. Ce sont les femmes qui ont ouvert la marche, suivies des enfants et derrière eux, les hommes. Des manifestants portaient des pancartes où on lisait : "Je suis Manel, je suis Rahima" ; "Justice pour Manel et sa mère" ; "Non à l'obscurantisme" ; "Non aux pratiques et aux rituels sectaires" ; "Non aux féminicides, non aux infanticides".
Présentes à la marche, les s?urs et les filles de Rahima arrivaient difficilement à contenir leurs larmes. Tous les habitants du village Ichekaben, hommes et femmes, petits et grands, sont sortis pour rendre un ultime hommage aux deux malheureuses victimes et pour dire halte à ces "pratiques obscurantistes, sectaires et d'un autre âge", tout en exigeant que justice soit rendue.
Il faut dire que la tragédie vécue au c?ur de ce village était dans toutes les discussions et les villageois ont fait preuve de solidarité envers la famille des deux victimes. "C'est tout le monde qui s'est impliqué", affirme M. Kemacha, un membre actif du collectif créé pour organiser la solidarité en faveur de cette famille. Quand la foule est arrivée à la grande place du village, une minute de silence a été observée en mémoire aux deux victimes et une prise de parole a été organisée. Le père de famille, El-Khodir, déclare qu'il n'arrive pas à comprendre ce geste. Et sa fille Lydia de lancer : "Celui qui a tué et ses complices doivent payer. Moi, je ne pardonnerai jamais."
Après quoi, une déclaration du collectif a été lue, où l'acte ignoble, soit le double homicide, y a été fermement dénoncé. Tout en annonçant se constituer partie civile dans cette affaire, les membres du collectif se sont interrogés : "Pourquoi les complices de l'assassin présumé ont-ils été relâchés '" S'ils ont dit compter sur le magistrat pour "faire toute la lumière sur ce crime", les villageois ne se sont pas empêchés de s'interroger sur le silence du procureur et du groupement de la Gendarmerie nationale.
Celui-ci a, justement, rendu public un communiqué dès la fin de la marche, en parlant de "raqi qui ne maîtrise pas les règles de la roquia" avant d'assurer que "l'enquête est en cours". "On dit que quatre personnes ont été placées sous mandat de dépôt et un dossier judiciaire a été établi à leur encontre", a-t-on souligné dans le communiqué.

M. OUYOUGOUTE


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