Algérie

Détresse et inquiétude des cancéreux



Détresse et inquiétude des cancéreux
La plupart des malades ne vivent pas à Alger, ils sont des milliers à venir des quatre coins du pays pour des soins au CHU Mustapha.Attendre pour vivre». Salim n'en peut plus d'être assis dans la salle d'attente du service de radiothérapie du Centre Pierre et Marie Curie. Les bras ballants entre les jambes, il scrute les murs, pensif. Puis son attention se porte sur le petit garçon au bonnet qui, quelques rangées devant lui, trépigne sur son siège. Sous son bonnet à lui, le quarantenaire cache une profonde cicatrice qui lui parcourt le haut du crâne. «Tumeur. L'opération a marché. Mais pour la radiothérapie, ça a été compliqué d'avoir un rendez-vous ici et d'organiser mon transfert de Sétif à Alger», raconte-t-il. Comme la plupart des malades ne vivant pas à Alger ? ils sont des milliers à venir des quatre coins du pays pour des soins au CHU Mustapha ? il vit «chez de la famille» durant ces semaines où il doit subir ses séances de radiothérapie.Fadila ne rentre, elle, que le week-end, voir ses enfants, à Béjaïa. «Au début, on se dit qu'on pourra y aller plus souvent, mais avec l'état infernal des routes, on réduit les allers-retours au strict minimum», explique-t-elle douloureusement, les yeux humides. «Surtout lorsque vous arrivez le plus tôt possible et que l'on vous annonce que les séances de radiothérapie sont annulées et reportées, comme cela a été le cas dimanche», peste-t-elle faiblement en arrangeant le foulard qui dissimule sa mâchoire ravagée. Au même moment, une femme en blouse blanche se pointe dans la salle d'attente, avec à la main les «cartes vertes» des patients. Elle appelle les malades qui avaient rendez-vous le matin même, mais qui, de par le débrayage du personnel, n'ont pas pu effectuer leur séance. «Machine en panne !», dit-elle en rongeant un bout de pizza. On tombe des nues dans la petite salle.Une jeune fille se lève et, à bout de nerfs, lâche : «C'est une mascarade, un scandale.» Puis elle attrape la main d'une femme, sa mère, et l'aide à se lever. Elle a 23 ans et a tout laissé tomber pour s'occuper de sa maman, malade. «Nous nous sommes levées à 4h pour pouvoir être ici à 7h. Hier c'était la grève, aujourd'hui, on nous fait poireauter toute la matinée pour nous dire, à 13h, qu'on doit partir et revenir demain. Déjà que nous avons attendu près de huit mois pour avoir ces rendez-vous», souffle-t-elle, au bord des larmes. Car au-delà de cette grève ou des pannes de machine, «fréquentes» selon les patients, le domaine de la radiothérapie et de la rise en charge des personnes atteintes du cancer connaît une réelle «crise structurelle». «Il y a un réel problème qui persiste pour la radiothérapie. Des améliorations pour ce qui a trait à la chimiothérapie sont tangibles. Mais pour le reste, c'est la croix et la bannière», insiste Lamia.La croix et la bannière? mais unique recoursD'autant que c'est leur unique recours. «Si vous n'avez pas de coup de pouce pour avancer votre rendez-vous ou obtenir une place à Aïn Nâadja, il y a un centre de radiothérapie privé aux environs de Blida», explique-t-elle. Mais à des prix prohibitifs. «C'est entre 9000 et 12 000 DA la séance. Et lorsqu'on sait qu'un malade a besoin d'un minimum de 25 séances, qui peuvent souvent aller jusqu'à 40 séances, l'on s'imagine bien que ce n'est pas à la portée du plus grand nombre d'entre nous», affirme Fazia, assise à côté d'elle. Toutes deux en sont à leur première série de séances. «Le problème, c'est que c'est un protocole strict, qui veut que la radiothérapie soit faite deux mois après la chimio, afin de rendre le traitement efficient et de multiplier les chances de guérison.Avec tous ces retards, l'on ne fait que diminuer l'espérance de vie des malades», souffle Lamia. Cette dernière confie attendre qu'un «technicien vienne réparer la machine», comme le lui a confié l'infirmière un peu plus tôt. «La dernière fois, ils ont dû ramener un technicien par avion de Constantine», rétorque Fazia, dubitative. Mais en dépit de l'improbabilité de cette remise en route de la machine, les deux femmes attendront. «Nous n'avons malheureusement pas le choix. C'est notre unique espoir. Quitte à attendre des heures, à devoir faire des allers-retours. Si l'on me demandait de venir au milieu de la nuit, je le ferais», dit-elle dans un haussement d'épaules résigné.




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