Algérie

Détournements



«Le premier scandale provient de celui qui fait le mal, et non de celui qui le raconte.» Etienne Pasquier
La cascade de scandales qui s'est déversée sur plusieurs secteurs économiques de la République n'a pas du tout ému les éternelles voix autorisées, promptes à défoncer les portes ouvertes. Ce qui ne rassure pas du tout le citoyen qui doit se contenter des persiflages traditionnels des commentateurs ou des montées au créneau d'anciens commis d' Etat mis sur la touche. C'est la raison pour laquelle le chroniqueur averti doit faire tourner sa plume sept fois dans sa main avant de viser qui que ce soit.
N'ayez crainte! Aujourd'hui, je ne vous parlerai point ici de la douloureuse histoire des pays sous-développés, en général, et du nôtre, en particulier. Je ne vous en parlerai point pour plusieurs raisons. La première est que je manque cruellement, et, c'est ce qui me frustre le plus, d'informations précises et comptables car, tenez-vous bien, les petits scandales qui, actuellement ornent les premières pages de nos tristes feuilles de chou, ou se glissent brutalement dans une missive adressée à un homme de l'ombre, qui relèvent un tant soit peu d'un quotidien fade, ne doivent être que la partie à peine visible de l'immense iceberg qui doit être à l'origine de beaucoup de fortunes aussi rapidement établies qu'inexplicables et qui sont la preuve irréfutable de la théorie des vases communicants.
La deuxième est que: «Chat échaudé craint l'eau froide.» Pourquoi donc un modeste chroniqueur tel que moi irait-il se risquer à s'attirer les foudres d'une justice, bien que lente, n'en demeure pas moins vigilante. Et puis, c'est faire preuve d'ingratitude et de mépris que de manifester, encore une fois, son acrimonie envers ceux qui vous ont déjà pardonné une fois. La Charte de la réconciliation nationale que le pouvoir, dans son infinie mansuétude, a étendue jusqu'aux journalistes est digne de respect et surtout d'attention, donc, je n'irai point troubler, petit agneau que je suis, le breuvage des grands loups. Donc motus et bouche cousue. L'autre raison est que la tâche serait gigantesque, que même Hercule ne pourrait assumer: les écuries d'Augias à côté de la carambouille nationale feraient figure d'une cuisine proprette avec dalles de sol. Et puis aurais-je le temps (ah! le temps, ce facteur que nul ne peut dominer!) de tout raconter, comment faire pour rassembler tous les documents éparpillés par les courants d'air provoqués par les fenêtres qui s'ouvrent intempestivement, faisant un inexorable appel d'air qui emporte avec lui tous les gribouillis des ronds-de-cuir. Sans compter les portes qui claquent parce qu'un responsable bien épaulé vient d'être éjecté du nid douillet où il était confortablement installé, occupé à se bâfrer de petits avantages qui font les attraits des postes de responsabilité destinés seulement à ceux qui sont nés là où il faut, au moment où il faut. La porte a été claquée parce que le responsable, mécontent, a été muté ailleurs, loin du bruit et de la fureur que sa mauvaise gestion a déclenchés. Là-bas au moins, il pourra manger à l'aise, sous un ciel plus clément. Je ne pourrai pas aussi parler de ces mystérieux incendies déclenchés on ne sait comment: combustion spontanée, colère des manifestants, court-circuit opportun. Comme par hasard, les gens cités dans ces affaires scabreuses sont aux abonnés absents et font comme s'ils n'étaient pas concernés. Alors, pourquoi se risquer à écrire sur ces ténébreuses affaires dont les dossiers en justice seraient aussi volumineux que L'Iliade et l'Odyssée, Guerre et paix, Les Misérables, Crime et châtiment, Autant en emporte le vent, la Comédie humaine, Les Rougon-Macquart, Les Hommes de bonne volonté. Tous ces chefs-d'oeuvre réunis dans un ouvrage complet qui expliquerait, en fait, pourquoi certaines infrastructures sont toujours à l'état squelettique, pourquoi certains villages souffrent toujours de la soif, cinquante années après l'indépendance, pourquoi les enfants de nos responsables qui se font soigner à l'étranger commencent leurs études à l'étranger, pourquoi l'hôpital est à l'agonie et pourquoi les responsables des structures sportives sont à couteaux tirés pour élire, désigner, nommer, coopter des responsables: si les débats sont si houleux, c'est qu'il y a anguille sous roche. Pourquoi ne pas parler tout simplement de la commémoration du prochain anniversaire qui ne remplira pas mieux le couffin vide du smicard.


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