Algérie

DETENTEURS DU PERMIS DEPUIS 30 ANS Les «vétérans» du permis de conduire



Ils ont obtenu leur permis de conduire il y a 20, 30 et même 40 ans. Ils ont vu changer totalement la configuration du réseau routier algérien, la signalisation, le code de la route et même le parc automobile.
F.-Zohra B. - Alger (Le Soir) - Ces automobilistes dont certains sont âgés aujourd'hui de plus de 70 ans s'adaptent comme ils peuvent aux nouvelles plaques de signalisation, aux nouvelles autoroutes, trémies et autres passages de tramway et sens de la priorité. Sur la route, ils sont souvent «taxés» d'être «trop prudents» et de rouler lentement. Agacés, on les dépasse en râlant, on fait mine d'être patient avec eux ou de prendre un air condescendant. La route, toutes les routes de l'Algérie, ils se les ont pourtant appropriées bien avant nous, depuis qu'ils ont obtenu leur permis haut la main. Eux ont dû pourtant vivre bien des changements et voir arriver des voitures du «futur» ainsi que des générations d'autres conducteurs avec lesquels ils ont partagé les chemins, routes et autres voies rapides. A ce jour cependant, la réglementation ne prévoit pas pour eux une nouvelle formation ou un programme de recyclage, ils ont eu à se débrouiller seuls pour prendre le changement comme il est venu au fil des années.
Fiers de s'adapter aux fringantes descendantes des dodoches !
Ils avouent qu'ils s'adaptent au jour le jour au volant de leurs voitures même si ces dernières peuvent aussi prendre parfois l'allure de «bolides effrayants» comme en témoignent beaucoup de «vétérans du volant». Boite de vitesse automatique, nouvelle ergonomie de la voiture, direction assistée et autres gadgets sophistiqués ont transformé les versions nouvelles des modèles de véhicules fabriqués il y a 40, 30 ou 20 ans en merveilles technologiques. Ce ne fut pas pour déplaire aux «vieux routiers» qui se sont fait une joie de profiter de la puissance des véhicules et de la conduite en souplesse. Mais encore faut-il qu'ils maîtrisent les fringantes «descendantes» des dodoches, Simca, Zastava et autres R16, Passat et Fiat 128. Au cours des dernières années, d'importants travaux ont été effectués au niveau du réseau routier qui a connu des extensions dans toutes les régions du pays. La réalisation de l'autoroute Est- Ouest a carrément changé le mode de déplacement des Algériens et les plus âgés avouent pour la plupart avoir un mouvement de surprise et surtout d'appréhension quand ils se retrouvent devant les plaques indiquant une limitation de vitesse à 120 km/h, eux qui se sont habitués à un maximum de 80 km/h. Sur la route, que cela soit au centre-ville ou niveau des voies rapides et autoroutes, le changement est aussi de taille. Les nouveaux aménagements et ouvrages mais aussi la signalisation routière qui les accompagne ont nécessité une adaptation graduelle pour les conducteurs. Mis à part l'aspect pratique du réseau routier, son nouveau visage impose le respect de nouvelles règles du code dont l'évolution avait déjà commencé à la fin des années 1980. Cela a été le cas pour la fameuse priorité à gauche au niveau des ronds-points et sens giratoires qui a été perçue comme une petite révolution dans les centres urbains notamment. Mais il y en a eu bien plus durant les vingt années suivantes. Panneaux indiquant la limitation de vitesse à 120 km/h sur l'autoroute Est- Ouest, mais aussi les panneaux installés à l'entrée des trémies et indiquant le sens à suivre à la sortie de l'ouvrage. Pour la vitesse imposée au niveau de l'autoroute, beaucoup de détenteurs d'anciens permis disent éviter de s'y conformer ayant choisi d'en rester au maximum à 100 kilomètres à l'heure par «prudence» mais aussi par «habitude». D'autres par contre, sûrs d'eux, s'en donnent à cœur joie et profitent de la liberté de la conduite le long de la voie qui serpente sur un tracé fluide allant de l'est à l'ouest du pays. «Vive la technologie et les voies rapides», témoignent des conducteurs qui ont appris à la longue à s'adapter à la nouvelle façon de conduire.
À nouveaux modes de transport, nouveaux comportements
L'arrivée du tramway a aussi imposé un comportement nouveau chez l'automobiliste. Ceci d'autant que depuis les essais de ce moyen de transport à l'est de la capitale, les riverains et autres utilisateurs de cette route se sont habitués au fur et à mesure aux nouvelles règles de sécurité et aux nouveaux panneaux de signalisation. Il s'agit notamment du panneau indiquant le passage du «tram», un triangle sur lequel est dessinés la machine et qui a fait son apparition un peu partout à proximité des rails du côté de Bab-Ezzouar et de Bordj-El-Kiffan. Le panneau, toutefois jusque-là méconnu, n'attire pas systématiquement l'attention des automobilistes et un policier se trouve sur place en permanence pour empêcher que le pire n'arrive. Mais pour le tramway perçu comme une grande nouveauté aussi bien pour les nouveaux conducteurs que pour les anciens, un comportement particulièrement prudent est adopté. Ceci en attendant que les usagers de la route se trouvant de part et d'autre du circuit du «tram» ne voient ce moyen de transport comme faisant partie du décor et n'apprennent à «cohabiter» avec lui.
L'expérience «des vétérans de la route» rassure…
Côté autorités chargées de la sécurité sur les routes, on compte plutôt sur «l'expérience» et la «prudence» des détenteurs d'anciens permis pour faire la balance avec les autres automobilistes. Ceux qui sont relativement nouveaux à prendre le volant sont, selon les statistiques officielles, à l'origine du plus important pourcentage d'accidents de la route. «Les conducteurs anciens sur la route sont pour la plupart avancés dans l'âge et ont acquis une expérience dans la conduite. Ils provoquent ainsi moins d'accidents par rapport aux détenteurs de nouveaux permis. On pense aussi qu'ils se sont adaptés aux amendements du code de la routes de 2001, 2004 et celui de 2009», explique M. Boutalbi, directeur du Centre national de prévention et de sécurité routière. Il précisera aussi que ces anciens détenteurs du permis n'ont pas besoin de recyclage mais qu'ils bénéficient comme l'ensemble des autres automobilistes des campagnes de sensibilisation et d'information de la sécurité routière. Il évoquera de ce fait les campagnes à travers la presse écrite, les médias lourds et les affichages de brochures dans les lieux publics. Ces campagnes concernent aussi, selon notre interlocuteur, les nouveaux réaménagements. M. Boutalbi dira à ce propos que plus de 50% des personnes qui sont à l'origine des accidents ont un permis de moins de cinq ans. «Les jeunes en général ont envie de se montrer à travers une conduite “musclée” et osent même l'imprudence en raison de leur esprit aventureux», explique M. Boutalbi, mettant aussi le manque d'expérience et les lacunes dans la formation des détenteurs de nouveaux permis. Même formation et l'ancienneté fera la différence ! Le directeur du Centre de prévention routière mettra aussi l'accent sur les importantes lacunes dans la formation des prétendants à l'obtention du permis de conduire. «La formation se fait à la chaîne et sans méthodologie.» Et qui, rappelle le responsable, bénéficiera bientôt du nouveau programme adopté par le ministère des Transports. Il citera de ce fait les résultats d'une étude réalisée par l'université de Bouzaréah à la demande du Centre de prévention et de sécurité routière suite à une convention entre les deux institutions. Il s'agit d'une étude scientifique sur le système de formation et qui en a d'ailleurs démontré les importantes lacunes. Des propositions ont aussi été avancées en vue de la modernisation de ce système de formation jugé défaillant. D'après les résultats de cette étude, le ministère des Transports a déjà commencé les amendements et la révision des programmes de formation pour l'obtention du permis de conduire. Il s'agira selon M. Boutalbi «d'un programme moderne, unifié et complet. » Finies donc les séances d'apprentissage du code à l'ancienne où les candidats faisaient face à l'instructeur autour d'une table dans un local étroit et devant un livre de code aux pages écornées. Finis aussi les cours, les cours de conduite pour lesquels les élèves s'entassent à trois dans un même véhicule pour conduire à tour de rôle au niveau de circuits de fortune. Les examens devraient aussi s'appuyer sur des moyens modernes et la notation se fera par le biais d'un logiciel qui sera chargé de noter les élèves. La tutelle promet ni plus ni moins «une révolution» dans les méthodes d'obtention du permis de conduire. Ceci alors que des centres du permis de conduire ont déjà commencé à voir le jour comme cela est le cas dans la wilaya de Bouira, comme le précise la chargée de la communication du CNPSR. En attendant cette modernisation tous azimuts, et mis à part l'augmentation du volume horaire des cours, les candidats passent l'examen du permis de conduire à peu près dans les mêmes conditions que leurs aînés. Un éventuel perfectionnement des personnes ayant d'anciens permis de conduire pourrait cependant venir avec l'instauration du permis à points et avec les stages de sensibilisation prévus à la suite d'effractions commises sur la route, souligne par ailleurs M. Boutalbi.


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