Algérie

Déstructuration du tissu économique, aucune perspective



Encouragés par les résultats de la révolte du peuple tunisien, les jeunes Algériens, y compris aînés, sont déçus. Ils veulent à  leur tour réoccuper les rues pour s'extirper de leur misérable quotidien.
«Maintenant, vous mettez les événements de la Tunisie à  la  Une de votre journal» (El Watan, ndlr), nous interpelle un jeune émeutier de Bou-Ismaïl. «La halte que nous venons d'observer n'est que de courte durée. Est-elle une bonne raison pour votre quotidien de cesser d'écrire sur nos problèmes '», s'interroge-t-il. Des jeunes commerçants adeptes de l'informel et des familles qui vivent dans des habitations précaires et illicites n'ont pas cru au revirement inattendu de la situation. Et voilà la réinstallation anarchique des commerces illicites le long des rues et des trottoirs, prolifération des clandestins à  proximité des stations de taxis, reprise des implantations d'habitations précaires autour des localités importantes et absence d'hygiène, y compris au chef-lieu de la wilaya. Tel est l'état actuel des lieux qui réapparaît dans les décors. La superficie agricole s'est rétrécie. Le tissu économique qui faisait travailler des milliers de pères de famille et des jeunes depuis les années 80 a été étrangement démantelé. L'entreprise nationale économique ECOREP qui produisait, entretenait et réparait les différentes embarcations de pêche et de plaisance est partie en fumée, après avoir été délectée de ses gigantesques moyens. L'opérateur économique privé TONIC qui s'est installé à  Bou-Ismaïl, un géant de l'industrie du papier reconnu dans le monde arabe et en Afrique, ayant bénéficié d'un financement de la BADR (Banque de l'agriculture et du développement rural) avait été mis à  terre. Des milliers de travailleurs ont été licenciés. Nonobstant les erreurs relevées, TONIC avait métamorphosé la localité de Bou-Ismaïl. «Dans très peu de temps, grâce à  l'acquisition d'un important équipement sophistiqué unique dans le monde, l'Algérie n'importera plus de papier, et nous allons recycler tous les papiers et cartons. Avec l'accord du ministère de l'Environnement, nous allons encourager des milliers de jeunes à  travailler dans tout le pays, en créant des coopératives de jeunes récupérateurs de papier», avait déclaré à  la presse Abdelghani Djerrar, ex-patron du méga complexe industriel Tonic.
Ce furent les mots fatals qu'il ne fallait prononcer. Quelques semaines plus tard, le complexe industriel du papier est soumis à  un acharnement, de surcroît harcelé par les enquêteurs. On lui a reproché les malversations dans sa gestion. «Je vous promets que les emplois de Tonic seront préservés, il n'y aura pas de licenciement», avait juré Ouyahia lors d'un meeting de campagne électorale à  la salle omnisport de Bou-Ismaïl, pour tranquilliser les travailleurs et calmer les esprits. Il n'en demeure pas moins que des milliers d'employés sont mis à  la porte et les projets de création d'emplois promis par TONIC se sont dilués dans la nature. Un grand complexe agro-alimentaire qui devait voir le jour à  Attatba peine à  se concrétiser. Un Algérien qui vivait à  l'étranger est rentré au pays pour investir dans le secteur de l'agroalimentaire. Il avait cru aux discours officiels mielleux. Depuis son arrivée, cet industriel algérien qui a sillonné l'Europe et les pays africains n'arrive plus à  surmonter les cortèges d'entraves qui se dressent une à  une face à  lui chaque année. Son complexe agroalimentaire n'a toujours pas vu le jour. La biscuiterie ERIAD de Oued-Bellah (Cherchell) qui avait fait l'objet d'une privatisation douteuse entre un opérateur turc et un ex-cadre de l'ex-Sempac devenu investisseur, se débat aujourd'hui dans des problèmes interminables. Hélas, aucune enquête n'a eu lieu sur cette usine de l'ex-Eriad.
Du matériel de cette biscuiterie a été vendu. Dans un autre volet, la superficie des terres agricoles s'amenuisait au fil des années depuis que Tipasa a été érigée au statut de wilaya. Les constructions illicites proliféraient sur les terres forestières et les superficies à  haut rendement agricole. Bizarrement, ces belles maisons construites dans l'impunité ne sont pas du tout lointaines des axes routiers. C'est le diktat de l'argent et de l'omerta. Les jeunes de la wilaya de Tipasa assistent ainsi avec impuissance à  ces dérives inhérentes aux disparitions des entreprises créatrices de richesses et aux multiplications des résidences. C'est dans cette atmosphère marquée par l'humiliation, le mépris, la bureaucratie, la malvie que les dernières émeutes se sont déclenchées depuis les quartiers populaires déshérités des communes des daïras de Fouka et de Koléa, avant de se propager à  travers l'Algérie. Les «élus du peuple» et de la «société civile» de la wilaya de Tipasa mis à  nu par ce mécontentement populaire, s'étaient mis dans leurs petits souliers.                    


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