La destination Algérie a perdu, ces dernières années, beaucoup de son attractivité auprès des touristes étrangers à cause, entre autres, des difficultés liées à l'obtention du visa algérien.Les étrangers qui souhaitent visiter notre pays se plaignent souvent : le visa algérien est l'un des plus difficiles à obtenir au monde et les démarches administratives sont l'une des procédures les plus compliquées. Les témoignages à ce sujet sont fréquents. «Le visa n'est pas le premier critère dans le choix de la destination d'un voyage, mais il peut influer dans le choix final. Il y a des destinations où le visa se fait à l'aéroport de destination, le visa pour l'Algérie c'est tout un dossier à déposer au consulat et le délai d'obtention est de 15 jours. Donc pour venir en Algérie, il faut être très motivé.
Le visa tel qu'il est délivré actuellement est un frein au tourisme, il faudrait revoir la façon dont il est délivré», affirme Messaouda Selmoune, directrice générale à La Maison du plongeur (Tènés) et vraie amoureuse de l'Algérie. «Je trouve le visa cher mais surtout l'histoire du papier à faire signer par une famille qui t'accueille ou l'hôtel, ou autre, c'est freinant ou même bloquant. On m'a dit que c'était la règle de réciprocité pour les Français»,témoigne Jean-Luc Galvan, réalisateur français qui est venu en Algérie l'année passée.
L'ambassade de France en Algérie a demandé au gouvernement de fournir des facilités aux Français qui veulent visiter l'Algérie et y investir. Le gouvernement britannique a également appelé son homologue algérien à apporter des «améliorations» pour rendre plus attractif le climat d'investissement en Algérie. En effet, les hommes d'affaires français ou les experts qui viennent dans le cadre des accords de coopération n'obtiennent au mieux que «des visas de très courte durée».
Les difficultés de l'obtention du visa pour l'Algérie sont contradictoires avec la volonté de promouvoir le tourisme en Algérie. Pourtant le contexte s'y prête : «Il y a en effet des signaux qui s'expriment s'agissant d'un intérêt renouvelé des Français pour la destination Algérie. Plusieurs articles de la presse française ont présenté l'Algérie comme une destination tendance. Le voyagiste français Voyageurs du Monde a classé l'Algérie dans les 10 meilleures destinations en 2018.
C'est positif pour l'Algérie, je m'en félicite car votre pays le mérite», souligne Xavier Driencourt, ambassadeur de France à Alger, dans un récent entretien au site web Visas & Voyages Algérie (23 janvier 2018). A l'issue de l'audience qui lui a été accordée en septembre dernier par Hassen Marmouri, ministre du Tourisme et de l'Artisanat, l'ambassadeur a fait l'éloge de cette destination : «Vous avez l'un des plus beaux pays au monde, je crois que c'est absolument nécessaire et extrêmement important de développer l'image de l'Algérie pour attirer des touristes français et européens dans votre pays.
Malheureusement, l'Algérie est souvent méconnue ou associée à des images qui sont un petit peu dépassées, c'est important de promouvoir une image nouvelle de l'Algérie.»«Il faudrait rendre plus rapide l'obtention des visas. C'est un énorme frein. Celui qui veut s'offrir un week-end en Algérie à la dernière minute, eh bien, il ne peut pas partir ! Du coup, il va à Rabat ou Marrakech», souligne Jean-François Rial, PDG de Voyageurs du Monde.
Si l'obtention du document se fait assez rapidement pour le nord du pays, il faut compter environ un mois d'attente pour un touriste qui envisage de se rendre dans le Sud ! Ces difficultés ont profité aux pays voisins, en l'occurrence le Maroc et la Tunisie. Le gouvernement algérien tient à appliquer «le principe de la réciprocité» dans la délivrance des visas, consistant à délivrer facilement des visas aux citoyens des pays qui font de même pour les citoyens algériens, et le contraire pour ceux qui refusent de délivrer des visas à nos concitoyens. Pourtant, l'Algérie souhaite relancer son tourisme.
Depuis des années, le secteur peine à reprendre des couleurs. L'objectif des autorités est de multiplier le nombre de touristes d'ici 2020 ; en 2016, 2,5 millions de touristes, dont 1 million d'étrangers, ont visité l'Algérie, le Maroc en a accueilli 10 millions. Le gouvernement met en avant les indicateurs du secteur qui font ressortir l'existence de 1289 établissements hôteliers d'une capacité de 112 264 lits, 1946 projets touristiques d'une capacité de 258 560 lits, 2220 agences de tourisme et de voyages et 282 sources thermales.
Dans un pays classé au top 20 des plus beaux pays au monde, le tourisme n'a jamais bénéficié d'une prise en charge sérieuse. Des déclarations d'intention ou des séries d'actions désordonnées ne peuvent remplacer une véritable stratégie à long terme, selon Abdou Belgat, éminent expert en tourisme. Le tourisme est stratégique, c'est de la vision.
S'agissant d'entraves qu'auraient rencontrées des agences touristiques pour l'obtention de visas, Abdelkader Messahel, ministre des Affaires étrangères, a indiqué avoir demandé au ministre du Tourisme et de l'Artisanat d'ouvrir une enquête à propos de cette question. Les choses semblent avoir évolué positivement aujourd'hui, selon Hacène Mermouri, ministre du Tourisme, car «elles se sont simplifiées avec la création d'une commission spécialisée dans l'étude des dossiers au niveau du ministère des Affaires étrangères, qui n'excède pas un délai de plus de 48 heures» dans le cadre d'une agence touristique agréée.
En réponse à une question sur les obstacles et les procédures bureaucratiques auxquels sont confrontés les touristes étrangers pour l'obtention d'un visa, posée en marge de l'ouverture du Salon international des équipements et services pour l'hôtellerie, la restauration et les collectivités, le ministre du Tourisme a affirmé : «Il n'y a pas d'obstacles ou de procédures bureaucratiques mais les opérateurs doivent respecter les mesures prises à cet égard, en commençant par le passage par des agences de tourisme et la transmission d'une liste nominative à la direction du tourisme qui, à son tour, envoie une correspondance aux services du ministère des Affaires étrangères pour permettre aux touristes d'obtenir des visas touristiques.»
Obstacles et procédures bureaucratiques
Les procédures d'allégement annoncées par les autorités sont-elles respectées ' «Je ne sais pas s'il y a eu de nouvelles directives, mais les anciennes ne sont pas respectées et en plus trop bureaucratiques», souligne Brahim Hadj Nacer, général manager de Zyriab Voyages, l'un des plus anciens voyagistes sur la place d'Alger.
Donne-t-on aussi facilement les visas ou restons-nous un pays fermé ' «Oui, nous restons très fermés : la preuve, nous sommes incapables de délivrer des visas à l'aéroport pour les groupes. Pour ma part, j'ai cessé de faire du marketing car j'ai eu 2 refus de visa du consulat de Londres en 2015.
Depuis, mon partenaire ne veut plus entendre parler de l'Algérie», ajoute-t-il. Il y a même des voyages annulés à cause de la non-obtention de visas. Cela représente un frein au développement du tourisme en général. Aujourd'hui que le monde commence à parler de la destination Algérie, les agences continuent à se heurter à la bureaucratie et au mauvais service des consulats. Plusieurs touristes potentiels se rétractent.
Les difficultés de la délivrance de visas algériens posent une interrogation pertinente : pourquoi l'Office national du tourisme (ONT) participe aux foires et salons internationaux sans un assouplissement des procédures de visa ' La dernière participation a été celle de Fitur de Madrid (17 au 21 janvier).
Slimane Seba, directeur de la publication de Tourisme Magazine, a écrit : «Contrairement aux pays concurrents de la région, aucune action de communication n'a été prévue dans le cycle de conférences programmé par les organisateurs du Fitur. Et encore moins des rencontres B to B qui auraient pu déboucher sur la conclusion d'accords de commercialisation de certains produits touristiques susceptibles d'intéresser la demande internationale présente au Salon.
La fameuse journée de l'Algérie, une journée de promotion par excellence, a été zappée par les organisateurs. L'austérité évoquée justifie-t-elle ces omissions de taille '» Il faut mettre des tableaux de bord, des évaluations et des mesures pour analyser les évolutions lors de ce genre de participation.
Il est important de calculer le retour sur investissement et de savoir si la participation a été couronnée de succès ou non. L'Organisation mondiale du tourisme (OMT) soutient depuis longtemps qu'il est nécessaire de faciliter encore plus les voyages si l'on veut promouvoir le développement du tourisme et en multiplier les retombées socioéconomiques.
D'après le dernier rapport de l'OMT sur les régimes de visa et l'ouverture au tourisme (Visa Openness Report), la part des touristes ayant besoin d'un visa avant d'entreprendre leur voyage continue de baisser et n'a jamais été à un niveau aussi bas : en 2015, 39% de la population mondiale pouvait voyager pour raisons de tourisme sans avoir à obtenir de visa traditionnel avant le départ, contre seulement 23% en 2008. Il est capital d'élever la facilitation des voyages au rang de priorité si l'on veut stimuler, grâce au tourisme, la croissance économique et la création d'emplois.
Plusieurs pays ont opté pour les visas à l'arrivée ou les visas électroniques
Plusieurs pays ont déjà entrepris d'offrir des facilités de visa d'entrée sur leur sol à travers notamment l'adoption du e-visa (visa électronique), un système qui consiste à effectuer toutes les procédures d'obtention du visa (y compris la délivrance) uniquement en ligne. D'autres pays permettent d'obtenir le visa à l'arrivée. Les politiques de visa ont un impact sur la fréquentation touristique. En réalité, le visa n'est pas le premier critère de sélection d'un voyage mais il peut influer sur la décision finale.
Lorsqu'une destination assouplit ses formalités d'entrée, elle envoie un signal d'ouverture aux touristes. Il a été démontré que la relation entre la facilitation du voyage et le développement du flux touristique est très étroite. Le lancement du visa électronique devrait apporter de nombreux avantages, dont la consolidation des flux touristiques et une diminution de la charge de travail du personnel aéroportuaire.
Salma Elloumi, ministre du Tourisme et de l'Artisanat tunisien, a précisé récemment que la Tunisie est consciente de la nécessité de la libéralisation des entrées aux frontières, tout en conciliant entre les impératifs de la sécurité nationale et les besoins de la croissance des flux touristiques, soulignant que déjà nombre de démarches ont été engagées pour la facilitation des entrées de certaines nationalités, notamment la Russie, la Chine et certains pays africains.
D'après des recherches menées par l'OMT, plusieurs pays ont apporté des modifications importantes à leurs politiques en matière de visa depuis 2010, remplaçant l'obligation de visa par des visas à l'arrivée, des visas électroniques ou supprimant l'exigence de visa. Cependant, la complexité des formalités de visa dans de nombreux pays, dont l'Algérie, continue de freiner considérablement le développement du tourisme.
Selon l'OMT, dont l'Algérie est membre effectif depuis 1976, les pays auraient tout intérêt à tirer le meilleur parti des technologies de l'information et de la communication afin d'améliorer les formalités de demandes de visa, leur traitement et les délais d'émission, et à analyser les possibles effets bénéfiques de la facilitation des voyages sur leur économie touristique.
En Algérie, le gouvernement doit absolument prendre conscience que la facilitation des voyages est en lien étroit avec le développement touristique et peut jouer un rôle déterminant pour accroître la demande. C'est un aspect particulièrement important dans le contexte actuel où le gouvernement cherche à faire redémarrer la croissance économique.
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Posté Le : 06/02/2018
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Kamel Benelkadi
Source : www.elwatan.com