Originaire de Tiaret, il est avec Kaïd Ahmed, futur membre de l'état-major de l'ALN, un des animateurs du comité local du Front algérien pour la défense et le respect des libertés, une expérience unitaire qui rassembla en août 1951, tous les partis algériens. Lorsqu'intervient en novembre 54 l'appel aux armes, Sixou, qui militait en France au Parti communiste, formula des réserves sur l'analyse qu'en fit sa direction et se rapprocha du FLN. En liaison avec la Fédération de France que dirigeait alors Mohamed Lebdjaoui, membre du CNRA, il crée fin 1956 avec une dizaine d'intellectuels dont le Dr Pierre Benkemoun, Jean Allouche, Pierre Attal, André Akoun, le Comité des juifs algériens pour l'indépendance de l'Algérie.
Son sursis d'étudiant venant à expiration, Joseph Sixou adresse une lettre au président français, René Coty, pour l'aviser qu'il ne répondra pas à l'appel de l'armée pour accomplir le service militaire. Déserteur, il rejoint Tunis et se met au service de la direction du FLN. Il collabore avec le Dr Francis, ministre des Finances, pour l'étude des dossiers économiques en prévision des négociations avec la France. Après les accords d'Evian, son expertise le signale à l'attention de Abdesslam Belaïd, qui, en charge de l'Economie à l'Exécutif provisoire, lui confie le dossier pétrolier.
L'indépendance venue, Sixou fait partie du cabinet de Bachir Boumaza et recrute à la direction de l'énergie nombre de cadres dont Sid Ahmed Ghozali. Le vote d'un code de la nationalité qui fait des patriotes non- musulmans des «minoritaires de service», selon l'expression utilisée par le Dr Pierre Chaulet dans un document adressé à Ferhat Abbas le 12 août 1960, blessa ses sentiments.
Le président Ferhat Abbas, auprès duquel il émit une protestation, le reçoit pour le rassurer et lui dit : «Sixou ce n'est pas toi que le code vise.» Le mal était fait et il pèsera lourdement sur le devenir et les orientations de l'Algérie indépendante.
Adversaire d'un socialisme autoritaire, partisan de l'autogestion, Sixou comprit, après le 19 juin, que l'Algérie faisait des choix qui la menaient à l'impasse. Il continua à la servir comme cadre supérieur et participa à l'aventure de la Société nationale de sidérurgie aux côtés de Mohamed Lyassine. Le statut d'exilé de l'intérieur ne lui convenait pas. Il quitte l'Algérie après mon évasion qu'il a aidée à préparer. Nous nous sommes rencontrés en 1953 dans la lutte pour la création d'un syndicat étudiant ouvert à tous les patriotes sans distinction de confession.
Depuis cette date, nous avons emprunté le même chemin. Il fut mon compagnon. Je fus le sien. Ensemble nous avons à Révolution africaine (1963-1964), puis à la revue Soual que nous avons créée ensemble et dont il a été le directeur, essayé de faire connaître, dans le champ algérien, la pensée critique. Nous avons évolué dans la difficulté, anathémisés par les «intellectuels faussaires», de pompiers toujours prêts à éteindre l'enthousiasme des combattants de la liberté au nom du réalisme. Joseph, Claude Sixou a été notre oxygène pendant les années de plomb. C'était l'homme des convictions inébranlables. Ses contradicteurs le redoutaient car ils le savaient matériellement désintéressé. Sa rigueur intellectuelle et son sang-froid vont nous manquer. Penser qu'il n'est plus là est difficile à accepter.
- Mohamed Harbi. Historien
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Posté Le : 15/06/2011
Posté par : sofiane
Source : www.elwatan.com