Algérie

«Désormais, les journalistes ne toucheront plus aux sujets sensibles»


Ce projet, qui vise à  dépénaliser les délits de presse, n'est finalement qu'un «leurre». C'est ce que pense, en tout cas, le président de la LADH, Boudjemaâ Ghechir. Selon lui, cette loi est «une régression» dans la quête de la liberté de la presse dans notre pays. «Ces amendements demandent implicitement au journaliste de ne plus écrire, à  défaut de payer tout seul les frais de son courage et de son professionnalisme», lance-t-il. Et d'ajouter : «Désormais c'est au journaliste, condamné pour des écrits, de payer une amende excessive. Il assume lui-même la responsabilité de l'écrit sans la publication.» Pis encore. Selon Me Ghechir, le journaliste peut se retrouver encore une fois en prison. Il explique : «Celui qui est condamné à  payer une amende sera convoqué, par l'intermédiaire d'un huissier de justice, par les services financiers du Trésor public pour s'acquitter des frais de cette amende. En cas de non-payement, le procureur est sollicité pour appliquer la contrainte par corps. C'est-à-dire emprisonner le journaliste. Le procureur appréciera la durée d'emprisonnement selon le montant de l'amende et le retard de payement.»
Pour sa part, Mustapha Bouchachi, président de la LADDH, estime que l'annulation de «la peine de prison est un point positif à  retenir» mais que «les amendements restent toutefois insuffisants par rapport à  l'idéal de la liberté de la presse et d'expression». «Ce droit ne peut pas àªtre dissocié des autres droits individuels. Et comme vous le savez, nous vivons dans un Etat de non-droit, géré par un régime totalitaire. On ne peut donc pas espérer mieux sur le plan de la liberté d'expression car, de toute façon, l'Etat trouvera d'autres manières pour limiter la liberté de la presse et d'opinion tout en maintenant sa façade démocratique», note-t-il. Ces amendements, précise de son côté Belkacem Mestfaoui, enseignant à  l'Ecole supérieure de journalisme, inciteront désormais le journaliste à  l'autocensure : «On a allégé la charge sur les publications mais on l'a alourdie sur le journaliste. Du coup, les responsables de journaux seront obligés de choisir eux-mêmes les journalistes qui écriront sur des sujets potentiellement sensibles. Il y aura sûrement moins de journalistes qui prendront des risques pour faire éclater la vérité. L'autocensure régnera.» L'enseignant qualifie ainsi de «tromperie» et de «lifting» cet amendement du code pénal : «Le pouvoir ne veut pas vraiment d'une presse totalement autonome. Dans notre pays, on devrait parler plutôt d'un non-droit au droit de l'information au lieu de droit à  l'information. Si on veut régler cette question d'une façon à  la fois intelligente, raisonnable et démocratique, il faut revoir carrément la gestion des entreprises de communication publiques et privées. On a choisi de sacrifier le journaliste dans ce nouveau dispositif pénal pour protéger une majorité de patrons de journaux privés qui forment le maquillage démocratique. Le pouvoir a peur aussi de l'armée des jeunes journalistes qui est en train de monter. Il préfère alors les museler aussitôt.»
 
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