DESIRS ET HORIZONS

Dans la précipitation, on aura tort de conclure que le conséquent taux d'abstention au cours de l'élection présidentielle n'était dû qu'à une fronde populaire spectaculaire. Si effectivement les frondeurs se sont abstenus en masse, très nombreux ont été les absents qui ne voient dans une élection depuis bien longtemps qu'un acte aléatoire et informel sans sens et bonne justifiction. Le bourrage des urnes et leurs enfantements passés n'avaient produit en effet que le handicap d'un peuple qui ne voyait plus à travers un geste faussement civique qu'une contrainte ne servant que les opportunismes délurés. Bien qu'inscrits sur les listes électorales, une masse importante d'Algériens n'a jamais voté ou si une partie d'entre elle s'y est prêtée, elle s'y est pliée sous l'influence de rumeurs administratives et obligeances alambiquées.L'élection présidentielle contre vents et marées a eu lieu. L'Algérie a officiellement un nouveau président de la République. Aussitôt élu, le chef de l'Etat dans un langage que tout le monde comprend a ouvert une large porte pour laisser présager des bouleversements à ne pas dédaigner. La certitude qu'il ne pouvait en être autrement était irrémédiablement gravée depuis la chute de celui qui a dirigé le pays deux décennies durant. Sa mise à l'écart s'est effectuée avec une déflagration monumentale levant le voile sur une gouvernance gangrénée pour confirmer la fêlure de la société algérienne à la recherche d'une âme et d'une identité. Le rabâchage et la litanie des constantes dites nationales ne pouvaient à eux seuls préfigurer une solide architecture pour l'aboutissement d'un projet social rendant le progrès et la sérénité les maîtres mots. Sans doute faudrait-il s'avouer aussi que l'on a tort de croire que la hauteur de l'intellectualisme puisé des livres savants, du confort des terrasses et celui des salons permet sans erreur de connaître le réel profil d'une population majoritaire avec laquelle l'on ne partage ni les désirs ni les horizons.
Quels que soient les profils et les condensés attribués à ses différentes composantes, pour nouer avec la sagesse et la sérénité, le premier devoir est d'abord de s'écouter. La revue totale de la loi électorale et de la Constitution, annoncée par le nouveau président, est à considérer comme une salvatrice jonction pour emprunter ensemble la première marche d'un escalier en tout point de vue éreintant.