Déshabiller un enfant pour habiller un chien

Une inspiration pressante et saisissante éboule les idées et les mots à la vue d'une image sinistre, mais ingénieusement « photoshopée » par une âme bien née et où se juxtaposent deux scènes ahurissantes de chiens habillés en coton et de deux enfants non pas vêtus de haillons, mais carrément dénudés. L'aîné s'efforce de couvrir avec son torse chétif et tremblotant son petit frère en essayant, tant bien que mal, de lui transférer le peu de chaleur que la faim lui a laissé. Le petit s'enfonce dans les bras de son aîné et donne l'impression de vouloir rentrer dans son ventre pour redevenir un f?tus, puis un néant laissant derrière lui un monde cruel où une partie se permet le luxe éhonté d'investir des sommes faramineuses dans l'industrie alimentaire animale et les vêtements pour animaux et tous les autres accessoires tels que les colliers, les harnais, les gamelles, les muselières et autres habits que Dieu aurait semble-t-il- omis de fournir auxdits animaux, tandis que l'autre partie semble se détacher et s'éloigner comme par l'effet d'un séisme culturel gigantesque qui scinde Terre des hommes en deux parties distinctes: dans l'une les enfants sont gueux alors que dans l'autre le animaux sont rois. Rien qu'en France qui est le pays le plus accueillant pour les animaux domestiques, ils seraient plus de 60 million d'animaux de compagnie à bénéficier d'un budget qui dépasse 4 milliards par année dont plus d'un demi-milliard va aux vêtements et accessoires susmentionnés ainsi qu'aux jouets. Même les colliers GPS qui permettent de localiser les animaux perdus ou fuyards sont de la partie. En Amérique, les animaux de compagnie prennent des noms humains et sont quelques fois cités dans les testaments et deviennent d'heureux héritiers de fortunes souvent mal acquises. A défaut d'ami humain, on se rabat sur le meilleur ami de l'homme, le chien s'entend qui nécessite quelques accessoires dont la valeur et le prix donneraient sans nul doute le tournis aux enfants « d'en bas ». Selon le site ‘Toutout pour le chien.com', un couchage varie entre 20 à 140 ME, une laisse, de 10 à 80 ME, un coupe-griffes, de 5 à 15 ME, un shampooing oscille entre 10 à 20 ME, un vaccin va de 50 à 70 ME, et tutti quanti.Heureux que les chiens de l'autre partie du monde qui sont de plus en plus nombreux à errer et qui font partie du dépliant touristique, ne lisent pas et ne comprennent rien aux chiffres, sans quoi ils auraient, eux aussi, opté pour l'immigration illégale vu que le budget écorné du commun des familles ne fait pas de place aux animaux de compagnie quand bien même les caniches font leur apparition, çà et là, dans la plupart des capitales où la bâtisse coloniale continue à être en surplomb. C'est l'autre bout du monde, celui qui offre chaque jour l'image de désolation, de pauvreté endémique et indigente, un monde où les enfants guenilleux s'en vont, chaque matin, que Dieu fait, fouiller dans les poubelles, farfouiller dans les restes des caniches quand ils n'ahanent pas à travailler au noir, vendre la galette que la mère s'échine à préparer, sans jamais laisser une part aux autres mioches, collés au pan de sa robe délavée.
Les amoureux de l'animal de compagnie sont passés par là et après tant d'années de colonisation directe, sont passés à une autre forme de dépossession par le truchement d'un sous-développement durable entretenu par l'instabilité économico-politique, l'attraction de la crème intellectuelle et l'énergie de la jeunesse, la rétention de la technologie et toutes formes de stratagèmes, à même de perpétuer leur démocratie et profiter, le plus longtemps, aux animaux de compagnie qu'on continue à nourrir, habiller et soigner éhontement, au détriment des enfants d'ailleurs.