Algérie

Désertification industrielle : le CPE et le CNI en grande partie responsables


Le challenge officiellement annoncé par le Premier ministre à  l'Assemblée nationale consistait à  mettre un terme à  la désertification industrielle qui a réduit la contribution des entreprises de production à  la richesse nationale (PIB) à , à  peine, 5% et, de mettre en œuvre un train de mesures multiformes de nature à  augmenter sensiblement cette contribution qu'il souhaitait voir doubler en l'espace de seulement 5 années.Si l'ambition de sortir du marasme une industrie laminée par les effets d'une crise multidimensionnelle qui dure depuis bientôt trente années est louable en soi, le challenge du Premier ministre n'est, à  l'évidence, pas facile à  gagner eu regard à  l'état des lieux qui prévaut et s'exacerbe chaque année davantage en Algérie. Il est bon de rappeler qu'à quelques rares exceptions près, tous les chefs de gouvernement qui se sont succédé depuis 1989 ont affirmé vouloir faire du redressement industriel une priorité, mais ils n'ont, au bout du compte, réussi qu'à déstructurer encore davantage le tissu industriel algérien, à  coups de réformes bâclées et de décisions intempestives. Un tissu industriel en réalité insignifiant composé d'à peine un millier d'entreprises publiques empêtrées dans de graves difficultés financières et managériales et d'environ 200.000 très petites entreprises privées, en grande partie très jeunes et sans envergure qui éprouvent d'énormes difficultés à  se maintenir en vie. Exténués par les efforts surhumains que requiert l'activité industrielle soumise à  des tracasseries bureaucratiques permanentes, à  la concurrence déloyale et à  l'instabilité juridique, bon nombre d'industriels ont légitimement fait le choix de changer de statuts pour s'installer dans le confortable créneau de l'importation et de la revente en l'état. Les entreprises industrielles publiques ont, quant à  elles, été rendues exsangues par l'interdiction qui leur était officiellement faite, dès le milieu des années 1990, d'investir dans la modernisation, l'accroissement et la réhabilitation de leurs équipements de production. Les usines pour la plupart acquises durant les années 1970 et 80 ont ainsi eu le temps de vieillir et d'être passées de mode, au moment où la technologie et l'innovation progressaient à  grands pas à  travers le monde. La reprise des unités industrielles publiques par des opérateurs privés ne s'étant pas faite comme prévu, les actifs industriels algériens pour la plupart ayant plus de vingt années d'âge ont fini par tomber en ruine ou par àªtre déclassés. Les grands pôles industriels publics des années 1970 (Annaba, Sidi Bel Abbès, Tizi Ouzou, Tlemcen, etc.) ont commencé à  péricliter dès la fin des années 1980 tandis que le secteur privé encore fragile et empêtré dans la gadoue bureaucratique a du mal à  prendre le relai. Les institutions étatiques chargées de donner de nouveaux ressorts à  l'industrie en associant les promoteurs privés jusque-là maintenue à  la périphérie du secteur public se confineront malheureusement au simple rôle d'enregistreurs d'intentions d'investir chargés de tenir les statistiques des projets potentiels qui ne dépasseront pas, dans la majorité des cas, le stade de la déclaration d'intention. L'Etat n'ayant jamais affiché clairement une ferme volonté de soutenir ces projets, tous les opérateurs chargés d'accompagner ces projets industriels, à  commencer par les banques et les agences foncières, marqueront le pas, poussant les promoteurs au découragement et à  l'abandon. L'Agence nationale pour le développement de l'investissement (ANDI) et le Conseil national de l'investissement (CNI) qui seront créés quelques années plus tard dans le but, officiellement déclaré, de promouvoir les gros investissements ne feront pas mieux. Le CNI se comportera même, à  bien des égards, beaucoup plus comme un prédateur de projets d'investissement que comme un facilitateur. Le nombre de projets d'envergure qui ont sombré dans le trou noir de cette institution est considérable. Le montant global des investissements en attente d'agrément dépasserait allégrement les 20 milliards de dollars, selon les estimations d'un cadre du Forum des chefs d'entreprises qui cite, entre autres gros projets en attente, des complexes pétrochimiques, métallurgiques, des cimenteries, des hôtels et de grandes infrastructures touristiques, un port d'envergure continentale, des usines de montage automobiles et d'importants projets agro-industriels. Remises à  flot d'EPE : un gouffre financier ! Le même problème se pose pour les investissements que doivent promouvoir les entreprises publiques, soumises au visa préalable du Conseil des participations de l'Etat (CPE). Là aussi, ce sont des dizaines de projets industriels que souhaitaient réaliser des entreprises publiques, seules ou en partenariat avec des opérateurs privés algériens ou étrangers, qui végètent, pour certains, depuis plusieurs années. Le Conseil national de l'investissement et le Conseil des participations de l'Etat étant tous deux présidés par le Premier ministre, toute porte à  croire que ce dernier œuvre volontairement à  entraver la ré-industrialisation du pays plutôt qu'à la promouvoir. C'est, en tout cas, la conviction des associations patronales et de nombreux observateurs de la scène économique algérienne qui ne comprennent pas pourquoi ces institutions, toutes deux présidées par Ahmed Ouyahia, font obstacles à  tous ces projets destinés à  produire de la richesse et des emplois au profit d'un pays qui en a tant besoin.
Le plus troublant dans cette posture franchement hostile à  la relance de l'industrie est que le gouvernement ne lésine pas sur les moyens financiers disponibles pour assainir et maintenir sous perfusion des entreprises publiques qui n'ont aucune chance d'être performantes ne serait-ce qu'en raison de leur mode de gestion archaïque et de leurs équipements de production obsolètes. Après les centaines de milliards de dinars déjà engloutis dans ces causes perdues dans les années 1990, plus de 400 milliards de dinars ont à  nouveau été injectés ces deux dernières années dans d'inutiles et coûteuses remises à  flot d'EPE insolvables qui ne parviennent même pas à  vendre les produits démodés et, de surcroît très chers, qui sortent de leurs chaînes de fabrication. Le gouvernement semble tout de même avoir la satisfaction d'avoir ainsi sauvé des milliers d'emplois avec l'argent des contribuables, oubliant que le rôle d'une entreprise n'est pas d'appauvrir la nation, mais, bien au contraire, de l'enrichir en contribuant du mieux possible à  son produit intérieur brut. Pour avoir plus de chances de réindustrialiser le pays, il aurait été mieux indiqué d'injecter cette masse de capitaux dans la nouvelle économie (réalisation de projets structurants, impulsion des nouvelles technologies, création de pôles de compétitivité, etc.) plutôt que de la dilapider dans la vieille économie constituée d'entreprises moribondes en total déphasage avec les exigences du système de marché. L'arrêt de la désertification industrielle passe également par le déblocage immédiat de tous ces projets industriels viables qui attendent depuis des années le feu vert du Conseil national de l'investissement ou celui du Conseil des participations de l'Etat, dont le nombre très réduit de réunions témoigne du peu d'intérêt que le gouvernement accorde à  l'essor de notre industrie. Tous ces blocages font qu'aujourd'hui il ne reste pratiquement plus rien de notre potentiel industriel. La situation risque même d'empirer dans les toutes prochaines années en raison de la désertion du secteur industriel par les quelques opérateurs restants de plus en plus nombreux à  investir les créneaux autrement plus juteux de l'importation et de la revente en l'état. En moins de quatre années l'Algérie a, en effet, perdu prés de 50.000 PME industrielles pendant que le nombre de sociétés de négoce progressait passant d'environ 12.000 entités en 2003 à  près de 40.000 aujourd'hui. Le récent recensement effectué par l'ONS confirme cette inquiétante tendance à  la désindustrialisation de l'économie algérienne, avec une très nette prédominance (plus de 90%) des petites entreprises de commerce et de services par rapport aux unités des secteurs de l'industrie et du BTP (à peine 8.000 entreprises) réduites à  portion congrue.                                          
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