«Le tout est
d'approfondir même un murmure». Céline
Dans de grandes
démocraties occidentales, des émeutes éclatent régulièrement au fil des années
dans de grandes villes. Les émeutes en question sont minutieusement
répertoriées et connaissent une communication massive en direction des
populations. Le nombre de voitures incendiées, parfois par centaines, les
commerces saccagés, les policiers blessés, les arrestations et les remises en
liberté sont déclinés dans les journaux, les radios et les chaînes de
télévision, privées et publiques. Les syndicats, les ministres concernés, les
associations, les témoins de passage, les services hospitaliers, la police ou
la gendarmerie, tous s'expriment et donnent des lectures, des points de vue,
selon les corps ou l'appartenance politique pour les élus. La transparence et
la communication sont dans ces cas des pauses, des respirations qui profitent
au pays et à la démocratie.
En Algérie, heureusement, la violence
urbaine, les manifestations, les grèves, la colère des jeunes n'ont aucunement
atteint le niveau observé en Europe et montré par tous les médias, sans oublier
l'internet, les films d'amateurs et les images récoltées et transmises par le
téléphone mobile. Toutes les sociétés, jusqu'à la fin des temps, connaîtront
des jacqueries, des confrontations plus ou moins violentes, des polémiques au
Parlement, des scandales financiers, du banditisme, des trafics de drogue,
d'armes, de la contrefaçon et des bourdes politiques grand format.
Tout simplement parce qu'ils sont «humains,
trop humains». Et l'Algérie, qu'on le veuille ou non, fait partie de l'espèce
humaine, en plus du terrorisme islamiste qui n'en finit pas de commettre
carnage sur carnage, barbarie sur barbarie. En Algérie, où le pluralisme et la
démocratie qui avancent, qui balbutient, qui reculent, qui sont manipulés, qui
s'expriment au Parlement, dans la presse et dans la rue, on s'évertue
épisodiquement à faire comme dans les régimes arabes et africains dont le monde
se moque souvent à voix haute. On essaie de cacher ce que les citoyens savent
et vivent et ce que les télévisions satellitaires qui règnent sans partage en
Algérie récitent à longueur d'année. Avec plus ou moins d'éthique, plus ou
moins d'objectivité.
Mais le monde est ainsi fait, chaque média a
sa ligne éditoriale, comme les journaux nationaux et les partis d'opposition.
Or, l'Algérie peut être emblématique et exemplaire dans le monde arabo-africain
en matière de liberté d'expression audiovisuelle, ne serait-ce que pour ne pas
passer son temps à geindre devant le travail de grandes télévisions qui n'ont
aucune vocation ou mission pour défendre l'Algérie, ses intérêts, son pouvoir
et les habitants de ce pays. C'est aux compétences et élites algériennes à le
faire. Elles existent dans la jeunesse et savent faire si les ouvertures et les
réformes incontournables sont faites. Et le temps ne joue pas pour les pays en
développement.
Aujourd'hui, le terrorisme qui trouve des
armes, de l'argent blanchi, un nombre incalculable de commerces informels (de
la nourriture, du tabac, des pétards et autres produits interdits mais vendus
sur le territoire), ne peut plus être contenu par les seules forces armées. Sa
logistique est composée d'un conglomérat d'acteurs aussi nombreux que
diversifiés et efficaces. Dans les mosquées, à l'école, dans l'espace public,
il est soutenu de mille et une manières par le verbe, le discours,
l'intimidation, le porte-à-porte pour verrouiller l'expression, rabaisser la
femme au seul ventre porteur de progéniture, masculine de préférence.
L'idéologie intégriste qui dope la barbarie ne trouve que peu de répondants
dans les médias lourds, dans la sphère officielle qui joue l'équilibriste à
armes inégales. Le terrorisme algérien exige des réponses idéologiques,
politiques, éducatives et médiatiques claires, fortes, sans répit pour être mis
hors d'état de nuire.
Au plan social, personne ne peut nier les
efforts énormes consentis dans les domaines du logement, de la santé, de
l'éducation, des infrastructures lourdes et durables. Leur impact est cependant
fortement diminué par la corruption, les détournements, les gaspillages et la
mise à l'écart des premiers concernés, la pauvreté qui s'étale comme le cancer
des bidonvilles dont la cartographie est à faire, sans fuite en avant, sans
fausse pudeur politicienne, parce qu'ils existent au su et au vu de tous les Algériens.
Faire parler à la TV, dans des émissions
audacieuses, les parties concernées par une grève, une manifestation, une
émeute, l'enlèvement des ordures, les coupures d'électricité crédibiliserait le
média, les pouvoirs publics, les cadres gestionnaires, tout en faisant retomber
les colères. La prise de parole, disent les psychiatres, est d'une grande
importance pour une thérapie. Ecoutons nos experts en la matière. Et quel
intérêt pour le pays d'avoir des associations, des jeunes, des ONG, des partis privés
de parole dans les médias ? Réduire au silence n'est pas une option d'avenir et
ne désarmera pas les colères.
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Posté Le : 29/10/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abdou B
Source : www.lequotidien-oran.com