Algérie

Des vies en héritage



Des vies en héritage
Deux femmes racontent leur père respectif, leurs engagements, leurs convictions, leur combat pour la liberté et l'émancipation des hommeset des peuples opprimés l Michèle Audin, auteure de Une vie brève (Gallimard - L'arbalète, 2013) et Sarah Kaminsky, auteure de Une vie de faussaire (Calmann Levy en septembre 2009 et Casbah Editions en 2013) l La rencontre a eu lieu au Centre culturel algérien, samedi 1er novembre.ParisDe notre correspondanteAdolfo Kaminsky est né en 1925 en Argentine de parents juifs russes. La famille est arrêtée le 22 octobre 1943 par les Allemands, transférée à Drancy une semaine plus tard. En janvier 1944, ils sont libérés grâce à l'intervention du consulat argentin.Agé alors de 17 ans, Adolfo rentre dans la résistance dans un laboratoire clandestin à Paris, où il passe le reste de la guerre à fabriquer des faux papiers d'identité permettant ainsi à des milliers de juifs d'échapper aux persécutions. Il avait fait un calcul simple : «Rester éveillé le plus longtemps possible. Lutter contre le sommeil. Le calcul est simple. En une heure, je fabrique trente faux papiers. Si je dors une heure, trente personnes mourront...». En 1957, Marcelline Loridan, ancienne déportée, le fait adhérer au réseau Jeanson et à celui de Curiel, qui soutiennent l'indépendance de l'Algérie.A la fin de la guerre d'indépendance de l'Algérie, Adolfo est à nouveau sollicité par le réseau Curiel qui continue son action de soutien aux mouvements nationalistes d'Amérique du Sud, d'Afrique du Sud, d'Angola, de Guinée-Bissau, d'Espagne et de Grèce, qui cherchaient des fabricants de faux papiers. Il fait aussi des faux papiers pour les déserteurs américains qui ne voulaient pas faire la guerre du Vietnam.En 1971, il fabrique son dernier faux papier et met un terme définitif à son activité de faussaire.Son activité dans une clandestinité éprouvante (de longues nuits sans sommeil à fabriquer des papiers d'identité, de manipulation de produits chimiques des suites de laquelle il perd un ?il) n'a servi que des réseaux militants pour sauver des vies et en s'interdisant toujours d'être payé ou tout intérêt personnel. Il part en Algérie fin 1971, où il résidera jusqu'en 1981 avec son épouse algérienne, Leïla, ? qu'il rencontre à Alger ? et ses trois enfants.En 2009, sa fille Sarah, écrivaine et comédienne, a retracé son parcours dans Une vie de faussaire (Calmann Levy en septembre 2009 et Casbah Editions en 2013).Une vie brèveMichèle, l'aînée des trois enfants de Maurice Audin, avait trois ans au moment de l'arrestation de son père par les parachutistes du général Massu, le 11 juin 1957. Le jeune mathématicien, membre du Parti communiste algérien et militant de l'indépendance de l'Algérie, son pays natal, était âgé de vingt-cinq ans. Henri Alleg, ancien directeur du journal Alger Républicain, auteur de La Question, est arrêté le 12 juin 1957. A l'exception des militaires, il est le dernier à l'avoir vu vivant. L'enquête du comité Audin menée par l'historien Pierre Vidal-Naquet a établi que Maurice Audin est mort sous la torture.Malgré plusieurs actions judiciaires, l'Etat français ne l'a toujours pas reconnu. Le 1er janvier 2009, Michèle Audin, brillante mathématicienne elle aussi, refuse la Légion d'honneur que lui propose le président Nicolas Sarkozy en raison de son refus de répondre à une lettre de sa mère à propos de la disparition de son père. «Monsieur le Président, il y a un an et demi, vous receviez une lettre (ouverte) envoyée par ma mère, Josette Audin, qui vous demandait de contribuer à faire la vérité sur la disparition de mon père, Maurice Audin, mathématicien lui aussi, et disparu depuis le 21 juin 1957 alors qu'il était sous la responsabilité de l'armée française. A ce jour, vous n'avez pas donné suite à cette demande. Vous n'avez d'ailleurs même pas répondu à cette lettre. Cette distinction décernée par vous est incompatible avec cette non-réponse de votre part». Du livre Une vie brève (Gallimard - L'arbalète, 2013) qu'elle consacre à son père, Michèle Audin précise qu'«il est question d'une vie brève. Pas de celle d'un inconnu choisi au hasard, parce que j'aurais vu sa photo, son sourire, dans un vieux journal, mais celle de mon père, Maurice Audin. Peut-être avez-vous déjà croisé son nom. Peut-être avez-vous entendu parler de ce que l'on a appelé ??L'affaire Audin''. Ou peut-être pas. Je le dis d'emblée, ni le martyre, ni sa mort, ni sa disparition ne sont le sujet de ce livre. C'est au contraire de la vie, de sa vie, dont toutes les traces n'ont pas disparu que j'entends vous parler ici».Puis, au cours d'un débat avec la salle, de proposer que «d'autres gens écrivent d'autres livres sur la vie de disparus». La rencontre a été suivie d'une remise d'attestations de reconnaissance à Adolfo Kaminsky, Michèle Audin, au nom de son père, George Hadjadj et René Fanioni au cours d'une cérémonie suivie d'une réception auxquelles ont pris part Amar Bendjema, ambassadeur d'Algérie à Paris, Brahim Hassi, directeur du CCA, Mme Anissa Boumediene, veuve de l'ancien président de la République, des artistes, écrivains, intellectuels et universitaires algériens et amis de l'Algérie.




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