Des vandales surgis des abysses

Un nouveau crime abominable a été accompli cette semaine en Syrie: la destruction, par le groupe terroriste Daesh [autoproclamé «Etat islamique»], de joyaux de la cité antique de Tadmor (Palmyre). Cet acte inqualifiable vient s'ajouter à d'autres de même facture en Irak, en Libye, au Mali et en Afghanistan. Là où les «jihadistes» de Daesh, Al Qaîda, taliban, ont eu le pouvoir pendant quelques semaines, mois ou années, ils se sont empressés d'effacer tout signe de civilisation antérieur. Ils ont eu ainsi pour première urgence de détruire des vestiges - villes antiques (telles Hatra en Irak, Palmyre en Syrie), temples et mausolées témoignant du génie humain - attestant de la grandeur des civilisations disparues. Or, ces hordes barbares sous des prétextes insidieux en effacent aujourd'hui les traces. Des trésors archéologiques - parfois plusieurs fois millénaires - ont de la sorte été pulvérisés, laissant des pays orphelins de joyaux qui ont fait leur réputation dans l'Histoire. Ces hordes sans culture - qui ont l'outrecuidance de se réclamer de l'islam - se sont aussi attaquées aux vestiges de la civilisation musulmane en Libye et au Mali. Au Mali, Tombouctou, ville musulmane unique par son architecture spécifique et ses manuscrits a vu son chef-d'oeuvre «la cité des 333 saints» - inscrite au patrimoine mondial de l'humanité - partiellement détruite en avril 2012 par des jihadistes se revendiquant d'Al Qaîda. La même année, en Libye, des groupes salafistes ont fait exploser le mausolée du cheikh Abdessalem Al-Asmar, un théologien soufi du XVIe siècle, le plus important du pays situé à Zliten (est de Tripoli). Cette manière abjecte de réécrire l'Histoire a commencé en 2001 quand les taliban afghans ont détruit les statues de deux bouddhas géants de Bamiyan, vieux de 15 siècles. Des trésors inestimables ont ainsi à jamais disparu. Des pays mutilés d'une partie de leurs antécédents historiques et civilisationnels à partir de leur patrimoine matériel sont ainsi châtiés au triple plan humain, culturel et touristique. L'Irak, la Syrie et l'Afghanistan, notamment tiraient une grande partie de leurs revenus du tourisme et de la présence sur leurs territoires de ces témoignages des temps anciens. Il n'y a pas de mots suffisamment forts pour qualifier ces actes infâmes. Question: qui a rendu possible l'apparition de cette engeance qui s'en prend aux vestiges d'un passé révolu' Or, ceux qui à présent poussent des cris d'orfraie sont ceux-là même qui ont ouvert la boîte de Pandore et à ses méfaits. Les Etats-Unis et certains pays occidentaux, doivent faire leur autocritique et se demander dans quelle mesure ils ont contribué à l'arrivée d'un intégrisme destructeur. En Afghanistan ce sont les Etats-Unis qui voyaient d'un bon oeil l'avènement d'un Etat islamique dans ce pays, étant même prêts à nouer des relations diplomatiques avec les taliban du mollah Omar - avant de se retourner contre eux après les attentats de New York en septembre 2001-, l'envahissement de l'Irak en mars 2003 a été aussi pour beaucoup dans la montée en puissance des groupes jihadistes. Dans l'un et l'autre cas, les Etats-Unis, dans leurs agissements politico-militaires, ont manipulé les groupes islamiques, avant d'en perdre le contrôle avec l'apparition de groupes jihadistes de combat. Le même processus - élargi à d'autres puissances occidentales telles que la France et la Grande-Bretagne et les monarchies du Golfe - eut lieu en Libye et en Syrie. La France et le Qatar en particulier ont joué un rôle prépondérant dans la chute d'El Gueddafi en Libye, et tenté de faire tomber le président syrien, Bachar Al Assad. Des rebelles syriens ont été formés par des agents occidentaux et des jihadistes financés par les monarchies. De fait, l'ancienne secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, avoue dans son livre «Hard choices» (Le temps des décisions) que Daesh (ou ledit «Etat islamique) est une création américaine. C'est ce Daesh, qui se fait gloire de détruire ce que, au long des millénaires, les civilisations anciennes nous ont légué. Les premières retombées directes et dramatiques, de ces ingérences étrangères sont les destructions de trésors inappréciables de la civilisation humaine. L'autre tragédie de ces ingérences est l'exode des populations syrienne, irakienne et afghane vers l'Europe. Par leurs ingérences et agissements irresponsables - qui ont favorisé la discorde en Syrie et en Libye en y induisant le chaos - ces pays sont en fait, indirectement, les commanditaires des crimes que commettent les jihadistes. Dès lors, les Occidentaux ont-ils le droit de condamner les forfaits de ces groupes terroristes' Il semblerait qu'ils ont surtout le droit de se taire!