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Des richesses à l'abandon



Des richesses à l'abandon
La remise en activité de cet ancien pôle de cultures céréalières, maraîchères sous serre et de dattes, aujourd'hui moribond, est tributaire du délogement d'indus occupants, qui ont spolié ses terres.
Le ministère de l'Agriculture et du Développement rural (MADR) a planifié la réhabilitation de 5 fermes pilotes réparties à travers le pays : Bouguatoub à El Bayadh, Taâdjamit à Djelfa, Si Naïli à Tiaret, Laâtar Lekhmisti à Khenchela et Driss Omar à Loutaya (23 km au nord de Biskra). Si les quatre premières sont pratiquement opérationnelles ou en voie de reprendre du service, il n'en est pas de même pour cette dernière. «Non seulement elle est dans un état de délabrement avancé, mais de plus elle a été spoliée de ses terres», se désole Tayeb Attaf, directeur du projet de réhabilitation de ce domaine. Nommé à la fin de l'année 2011 pour redonner vie à cet ancien pôle agricole placé sous la tutelle du complexe agricole zootechnique d'élevage (CAZEL) de Béjaïa, une filiale de la SGP PRODA, cet administrateur se dit confronté à un immense problème, celui des terres de la ferme squattées par des exploitants agricoles, lesquels, selon lui, ne veulent pas entendre raison: «Toutes les démarches auprès de ces indus occupants sont restées vaines.»
Il a eu beau aviser les autorités locales de la commune de Loutaya, de la daïra, les services agricoles et ceux de wilaya, et même de la gendarmerie, personne ne semble être en mesure de l'aider à déloger ces prétendus propriétaires et restituer les terres qui sont partie intégrante de la ferme Driss Omar. «J'ai sollicité l'aide de tous et chacun des responsables interpellés à répondu qu'il ne pouvait rien faire étant donné que l'imbroglio juridico-financier entourant les terres de la ferme était antérieur à sa nomination. Mon seul espoir demeure le recours à la justice. Je suis en train de rassembler des dossiers et des preuves contre 16 indus occupants qui ont spolié les meilleures terres de la ferme, celles qui sont en bordure de la RN3, dotées de courant électrique et irriguées par les eaux du barrage de Fontaine des Gazelles», a expliqué notre interlocuteur.
Les tourments de la ferme Dufourg
Anciennement ferme Dufourg, du nom d'une famille de colons établie en Algérie au XIXe siècle, cette exploitation agricole, rebaptisée Driss Omar, qui s'étendait sur une superficie de 12 500 ha, est célèbre dans la région. Ayant connu diverses fortunes au cours de sa longue histoire, elle s'est rétrécie comme une peau de chagrin. Les anciens affirment qu'elle produisait viande ovine et bovine, lait, blé, orge, légumes et dattes à profusion, et que plus de 100 ouvriers agricoles permanents y travaillaient dans les années 1950. Après l'Indépendance, elle a été restructurée en coopérative agricole polyvalente pour les anciens moudjahidine (CAPAM). Au début des années 1970, de grandes parcelles de ses terres sont confisquées au profit de la Révolution agraire et incluses dans les CAPRA, tandis que d'autres sont versées aux biens domaniaux.
Ainsi, plusieurs types de propriétaires et d'exploitants agricoles se partagent les terres appartenant initialement à la ferme Driss Omar transformée en domaine autogéré socialiste (DAS) jusqu'en 1980. Elle est ensuite placée sous la tutelle de l'Office régional des viandes de l'Est (ORVE) dont la direction était à El Khroub, dans la wilaya de Constantine. En 1996, l'ORVE est dissoute pour cause de faillite. Orpheline de toute tutelle, la ferme est démantelée et ses 40 employés mis à la porte. Cinq ans durant, elle est abandonnée à son triste sort. Ses bâtiments s'effritent et s'effondrent, le matériel agraire est volé ou laissé à la merci de la rouille, ses palmiers et ses arbres fruitiers se meurent inexorablement et ses terres sont parcellées, achetées, vendues et revendues par des affairistes et des exploitants agricoles de la région ou venus de lointains horizons. «La vache agonise, les couteaux se multiplient et des arrêtés d'exploitation, d'attribution, de jouissance et de propriété sont distribués à tire-larigot par les autorités concernées», synthétise T. Attaf. Au final, des immensités arables initiales de la ferme Driss Omar, il ne reste qu'un peu plus de 8 200 ha lui appartenant légalement. «Cependant, 60% de ces terres sont accaparées aujourd'hui par des indus occupants», insiste notre interlocuteur chargé de mettre en application le plan de réhabilitation de cette ferme dont les projections ont été établies par le bureau national d'étude pour le développement rural (Bneder).

Plan de réhabilitation
Selon ce plan, il est prévu la construction d'un bloc administratif sur une superficie de 100 m'2; et de 10 logements pour les cadres et les gardiens, la réalisation et l'aménagement d'étables et de hangars sur 1832 m'2; avec un mur d'enceinte autour du siège de la ferme et de 4 nouvelles bergeries de 1000 têtes dont une à l'air libre équipée d'abreuvoirs de 50 m'2;, l'équipement des forages existants et la construction de 3 bassins, la dotation de la ferme de matériel agricole moderne et hydraulique (lots de tuyauterie et kits d'aspersion) et enfin le recrutement de techniciens agricoles spécialisés en production animale. «Vingt-huit (28) anciens ouvriers agricoles de la ferme encore actifs sur les 40 recensés en 1997, auront la priorité dès le début des recrutements», a indiqué notre interlocuteur.
Outre la production de viande rouge, cette ferme a la vocation, selon les orientations stratégiques du MADR, d'être un important centre de production de céréales, de légumes sous serre et de dattes. A propos des dattes, le rapport du BNEDER note que la plaine de Loutaya jouit des mêmes conditions édatiques, climatiques et hydrométriques, que celles de la célèbre Tolga, commune voisine. Pour le moment, la réhabilitation de la ferme Driss Omar n'est que théorique car ses terres, sans lesquelles elle n'est rien, lui ont été confisquées. Qui pourra les lui restituer pour qu'elle revive effectivement' s'interroge-t-on.




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