Depuis que l'Algérie a décidé la fermeture de sa frontière avec le Mali, le 14 janvier dernier, les postes-frontières sont fermés et la situation
de centaines de Maliens en séjour régulier dans le pays se corse.
Oran.
De notre envoyée spéciale
Je suis pressée de rentrer, je n'ai pas envie de craquer dans la rue», lâche Fatimatou dans un soupir. Haï Khemisti, cette Malienne de
28 ans, donne le dos au tribunal d'Oran et hèle des taxis qui passent à toute vitesse. Son mari vient d'être inculpé pour trafic de faux billets. Il n'a pas eu droit à un avocat commis d'office comme le prévoit la loi, mais la sentence est quand même tombée. 6 mois de prison ferme. Un taxi finit par s'arrêter, Fatimatou monte et se permet enfin de craquer. Aucune larme ne tombe mais une colère sourde s'empare de cette Malienne installée en Algérie depuis presque un an. «Ils l'ont condamné sans preuve sous prétexte qu'il y avait un pot de colle suspect dans notre chambre !», lâche-t-elle encore. Elle a du mal à contenir sa rage, le chauffeur l'invite au calme.
Fatimatou fait partie des 320 réfugiés entrés en Algérie en mars 2012, portant le nombre de Maliens réfugiés en Algérie à plus de 30 000. «Je ne travaille pas, j'ai un enfant de 4 ans, je ne sais plus quoi faire sans mon mari, il me faut un cachet sur mon passeport avant le 15 février sinon je serai en séjour irrégulier», confie-t-elle en sortant son passeport de sa poche et en exhibant la date de sa dernière entrée en Algérie. Le 15 novembre 2012, il y a exactement trois mois. Comme le veut l'usage pour des milliers de Maliens établis régulièrement en Algérie, Fatimatou doit quitter l'Algérie chaque trois mois pour quelques heures et y revenir pour avoir le fameux cachet de la police des frontières qui rend son séjour régulier pour une durée 90 jours. Mais depuis que l'Algérie a décidé la fermeture de sa frontière avec le Mali, le 14 janvier dernier, les postes frontières sont fermés et la situation de centaines de Maliens en séjour régulier dans le pays se corse.
Des Maliens poussés à l'irrégularité
«On nous dit d'aller à la wilaya pour régulariser notre situation. J'y suis allée, on exige de moi un bail de location ou un certificat d'hébergement ! Je n'ai aucun moyen d'en avoir ! L'Algérie ne veut pas de nous, mais on ne peut même pas la quitter. C'est une situation chaotique !», tranche-t-elle dépitée. Fatimatou est loin d'être une exception. Ils sont nombreux à être dans la même situation. Pris au piège, poussés à l'irrégularité malgré eux.
A Oran où les migrants maliens, entre autres Subsahariens, sont de plus en plus nombreux à chercher du travail pour vivre avant de continuer leur traversée vers le Maroc puis l'Europe, la situation se complique. Tahtaha, placette mythique du centre-ville. Mamadou, 35 ans, Malien établi en Algérie depuis 6 ans, est installé sur un banc où il attend ses compatriotes, histoire de se tenir au courant des chantiers où ils peuvent travailler en ce moment. «Je suis actuellement en situation irrégulière parce que la frontière est fermée et que je n'ai pas pu avoir le fameux tampon auquel j'ai recours chaque trois mois», raconte-t-il d'un ton calme et résigné. Mamadou s'est présenté plusieurs fois à la wilaya d'Oran pour régulariser sa situation, on lui aurait demandé à chaque fois un acte de location pour régulariser sa situation.
«Je ne peux pas quitter l'Algérie (la frontière étant fermée) et je ne peux pas avoir de bail de location parce que les Algériens refusent de nous en faire, sans compter que c'est beaucoup trop cher pour nous», raconte-t-il en montrant du doigt l'enseigne d'un immeuble blanc, à quelques mètres de là. Hôtel Africa. «C'est dans ce dortoir que je vis à 250 DA la nuit. Alors, me demander un acte de location est totalement absurde !», ajoute-t-il. «On nous demande de prendre l'avion pour le Maroc ou un autre pays voisin, mais on n'a pas d'argent !», raconte pour sa part Tièba, qui vient de rejoindre la conversation. Cet autre Malien, la trentaine, est lui aussi en passe d'être en situation irrégulière malgré lui, justement à cause de la fermeture de la frontière. «On risque de se faire arrêter, emprisonner ou refouler à n'importe quel moment, c'est une situation insoutenable sachant qu'on ne peut même pas retourner au pays», a-t-il encore affirmé.
Une situation qui risque de perdurer
«Je me suis personnellement penché sur la question, j'ai pris attache avec la police nationale, la gendarmerie et des représentants de la wilaya. Et la situation est floue» confie maître Wadie Meraghni, avocat membre de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme (LADDH). «Les autorités se sont longtemps renvoyé la balle, mais ils semblent être tombés sur un consensus. C'est la wilaya qui doit régulariser la situation des Maliens établis en Algérie au vu de la fermeture de la frontière, sauf qu'ils exigent une attestation d'hébergement ou un bail de location pour délivrer le fameux cachet dont ils ont besoin tous les trois mois pour ne pas être inquiétés par la police», explique-t-il encore.
Un véritable déni de la réalité sachant que ces centaines de Maliens survivent dans la plus grande précarité. Ils vivent dans des dortoirs, des garages loués clandestinement en groupe. L'Algérie, pays de transit pour des milliers de Subsahariens en partance pour l'Europe via le Maroc, devient par la force des choses un pays de destination. Fatimatou, Mamdou, Tièba et bien d'autres ne devaient rester que quelques jours, voire quelques semaines à Oran avant de rejoindre le Maroc. Le temps de «se refaire'», mais la vie chère éternise leur transit. Avec la fermeture de la frontière, la situation se complique plus que jamais pour eux.
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Posté Le : 16/02/2013
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Fella Bouredji
Source : www.elwatan.com