Des architectes venant d'un jeune pays du Nouveau Monde peuvent-ils construire une médina pour une ville vieille de 2.200 ans, berbère, phénicienne et romaine?
Le défi a été relevé avec succès par des Montréalais proposant une «médina nouvelle» à Constantine. Devant surgir d'ici cinq à dix ans sur le plateau d'El-Menia, un terrain en pente de 47 hectares face à la vieille ville dont elle est séparée par l'oued Rummel, cette véritable ville nouvelle doit accueillir à terme 20.000 habitants. Le coût de la construction est estimé à 2,4 milliards de dollars. Une médina évoque un quartier oriental ancien aux ruelles et cours étroites, parfumées et secrètes. La «médina nouvelle» que la firme d'architecture et de design urbain Lemay, l'une des plus importantes au Québec, a inventée pour son client algérien doit en garder certains charmes et atouts, telle la ventilation naturelle grâce à «l'effet cheminée» dans les cours et les patios chauffés par le soleil, explique l'associé principal création Michel Lauzon.
Mais en même temps, poursuit-il, elle se projette dans le XXIe siècle avec des automobiles quasiment invisibles, reléguées au sous-sol pour se garer, des jardins potagers dans des serres en forme de tours, des «toits verts», une éolienne, un téléphérique urbain et une installation permettant de récupérer l'humidité de l'air pour en faire de l'eau potable. Ou encore le traitement des ordures ménagères dans des bassins filtrants avec masse végétale, une solution écologique «à l'indienne». Et des coulées vertes qui traverseront la cité, reliant une forêt aux rives boisées de l'oued. «C'est nouveau pour les Algériens, plus sauvage, plus naturel», dit l'architecte. Les cours seront bien plus grandes - 60 m sur 60 - que dans les anciennes médinas. Elles accueilleront jardins semi-publics et aires de jeux.
PAS DE SOLUTIONS TOUTES FAITES
Comment les architectes et les concepteurs de Lemay ont-ils fait pour triompher de la concurrence européenne, plus proche des traditions nord-africaines et arabes? Michel Lauzon répond en évoquant son expérience en Asie. «Nous avons un regard naïf. On nous l'a dit en Chine: +Les Canadiens écoutent bien, sont sensibles à ce qu'on leur dit+. Nous ne sommes pas colonisateurs, impérialistes, nous ne venons pas imposer des solutions toutes faites. Nous sommes des colonisés nous-mêmes...». Les architectes montréalais ont pensé aussi à l'image qu'El-Menia offrira de loin aux touristes visitant la vieille ville. Ils ont tenu compte de la raideur des deux pentes de leur terrain pour créer un «faux plateau», la hauteur des bâtiments passant de 4 à 12 étages.Un «geste sculptural», dit Michel Lauzon, qui fera de la ville nouvelle «une estampe, une calligraphie». Juste à proximité de Constantine, la capitale culturelle de l'Algérie, promise à un grand avenir touristique. Les gorges du Rummel, où s'arrêtera le téléphérique d'El-Menia, abritent des ruines d'une ancienne poudrière et d'un moulin. Un circuit de promenade sur les rives de l'oued, qui avait été aménagé dans la première moitié du XXe siècle devrait être revitalisé par la ville. 'Notre projet s'arrête aux limites de la zone déterminée par le client. Mais cela ne nous empêche pas de réfléchir aux synergies avec tous les éléments du voisinage», souligne l'architecte québécois.Le concours a été gagné sur ce concept. Il faut maintenant élaborer un projet détaillé. Les premiers habitants d'El-Menia - venant de la classe moyenne ou moyenne supérieure - devraient emménager dans cinq ans.
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Posté Le : 28/01/2013
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo: algerie360.com ; texte: Michel Viatteau De L'afp
Source : Le Quotidien d'Oran du lundi 28 janvier 2013