Algérie

Des professeurs évoquent l'état de la santé dans le pays : Pour une stratégie efficace



Malgré des acquis indéniables, le dispositif de santé publique en Algérie connaît des dysfonctionnements importants. Tel a été le constat établi par six éminents professeurs lors d'une journée d'information sur la santé en Algérie organisée au Conseil de la Nation. Ces sommités sont intervenues pour expliquer la transition épidémiologique en Algérie, la greffe d'organe et de tissus, la santé et cancérologie : la réalité et le défi, et la santé mentale en Algérie.Pour Mourad Baghriche, professeur à  la Faculté de médecine de l'Université d'Alger, la décision récente de modifier l'organisation du système de santé et qui visait « en apparence » à  renforcer les structures extrahospitalières dites de proximité, pose depuis son application plus de problèmes qu'elle n'en résout.  Selon lui, la suppression des secteurs sanitaires (entités géographiques d'administration sanitaire correspondant aux «stricts»Â  sanitaires recommandés par l'OMS, depuis plus de 50 ans) risque de disloquer la pyramide des services de santé dont ils étaient la colonne vertébrale depuis les années 80 en Algérie. « La santé en Algérie a plus besoin d'une stratégie globale que d'équipements sophistiqués », conclut-il.Evoquant la transition épidémiologique en Algérie, le Pr. Rachid Bougherbal, président de la Commission médicale nationale explique qu'en 2004/2005, l'enquête étude Tahina (Transition and Health Impact in North Africa) a démontré le grand changement intervenu dans notre pays dans la répartition des causes de décès, du fait du vieillissement de la population et de la modification de la pyramide des âges : les maladies non transmissibles ont causé plus de morts que les maladies transmissibles. Et parmi elles, les pathologies cardio-vasculaires sont dominantes. Le vieillissement de la population, les habitudes alimentaires, la sédentarité, le stress expliquent largement ces faits. Le professeur relève aussi l'absence de stratégie préventive et curative. « La situation est d'autant plus critique que la prise en charge de ces pathologies dégénératives nécessite une stratégie préventive fondée sur l'éducation sanitaire associée à  une stratégie curative réaliste qui nécessite des moyens humains, matériels et des infrastructures que nous ne nous possédons pas », observe-t-il. Conséquence : une récente étude menée conjointement avec le ministère de la Santé sur les facteurs de risques des maladies non transmissibles dans deux zones pilotes des wilayas de Sétif et Mostaganem donne des résultats inquiétants : 29% des plus de 25 ans sont hypertendus et 8,9% de cette même population est diabétique. Côté maladies cancéreuses, le tableau est tout aussi peu reluisant. Le professeur Mansouri qui a abordé le thème de la santé et cancérologie a relevé, que les cancers du poumon, de l'estomac, du foie, du colon et du sein sont chaque année plus meurtriers. Pour sa part, le professeur Abdelaziz Graba, chef du service chirurgie au centre Pierre et Marie Curie (CPMC) de lutte contre le cancer  a exposé le problème de la greffe d'organes et des tissus en Algérie qui reste à  la traîne alors que les remplacements d'organes défectueux représentent la médecine du 21e siècle. « Avec l'allongement de l'espérance de vie, la demande ira augmentant », prévient-il. Une mise en garde qui n'est pas fortuite. « Notre société sacralise le défunt et n'intègre pas le don d'organes », précise-t-il. Mais à  la décharge de cette société, l'état de nos structures d'urgences n'incite pas les familles à  accepter que l'on touche à  leurs proches en situation désespérée en vue d'un prélèvement d'organe. Le professeur préconise, dans ce type de greffe, une organisation et une logistique absentes actuellement. Selon lui, l'opération d'une greffe rénale est estimée à  1,5 million DA (10.000 euros), la greffe de foie à  7,5 millions DA et la celle de la cornée et de la moelle à  400.000 DA chacune.MALADIES MENTALES, L'AUTRE DYSFONCTIONNEMENT« On évalue une civilisation à  la manière dont elle traite ses malades mentaux ». C'est avec cette citation que le professeur Farid Kacha, chef du service psychiatrie de l'hôpital de Cherga a entamé son intervention sur la santé mentale en Algérie. Pour lui, trois domaines méritent une attention particulière et  des programmes de développement. La psychiatrie infantile et juvénile constitue une préoccupation permanente pour les différents ministères, sans toutefois déboucher sur une stratégie de développement. Au sujet de la toxicomanie, le professeur a estimé qu'il est urgent d'organiser, parallèlement à  la répression, un programme de prévention puis de prise en charge. Evoquant la psychiatrie et la prise en charge des démences (Alzheimer), il a estimé que la tolérance familiale à  ces maladies est encore exemplaire dans notre pays. Mais l'urbanisation massive, les logements exigus, l'augmentation de l'espérance de vie va nécessairement s'accompagner de l'augmentation des troubles liés à  l'âge. Le professeur explique que pour cette dernière tranche de la population, il est également nécessaire d'élaborer des projets à  moyen terme pour aider et conseiller les patients et leurs familles à  travers des centres d'étude de la mémoire et des hôpitaux de jour. Dans sa conclusion, le professeur dira que rien ne pourra se faire en psychiatrie sans la mise en place d'une sous-direction chargée de la santé mentale auprès du ministère de la Santé. « Nos voisins Tunisiens et Marocains l'ont organisée et développée depuis des décennies ».Cette sous-direction doit àªtre performante car le problème de la santé mentale est un carrefour où se retrouvent cinq ministères : l'Intérieur pour les urgences, la Justice pour les hospitalisations récidives, la Santé pour les prises en charge, la Solidarité pour la prise en charge sociales des handicapés mentaux et des maladies chroniques invalidantes, du Travail pour mettre les psychotropes à  la disposition des malades et gérer les arrêts de travail de longue durée.


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