Elle bouclera dans deux jours sa quatrième semaine de grève de la faim. Sa vie ne tient qu'à un fil. Un filet d'espoir. Aminatou Haïdar, l'égérie d'un peuple en lutte pour sa liberté, la « Gandhi sahraouie », comme la surnomme déjà la presse internationale, fait exploser à la face du monde la tragédie sahraouie. Une tragédie oubliée de la communauté internationale. Avec panache, le mot sobre et digne, elle va au devant du martyre.
Lanzarote (îles Canaries),De notre envoyé spécial « "Mi reivindicación es regresar al Sahara Occidental, con pasaporte o sin pasaporte, viva o muerta" ; "Morte ou vivante, avec ou sans passeport, je rentrerai chez moi, dans le Sahara occidental". » Le corps décharné, calée dans une chaise roulante, mais l'esprit vif, elle tenait jeudi dernier ce discours devant une nuée de reporters venus des quatre coins du globe, attirés comme beaucoup d'autres par « El Fenomeno Aminatu ». Jamais l'île de Lanzarote, la plus orientale des îles Canaries (140 km de la côte africaine) n'a vu débarquer autant de médias. La presse espagnole au grand complet. El Mondo, El Pais', presque toutes les chaînes de télévision ibériques couvrent l'événement, en continu ; des agences de presse, Reuters, AFP' les grands titres de la presse américaine, anglaise, française' Al Jazeera, le seul média arabe présent sur les lieux'Des médias mais pas uniquement. L'île volcanique qui a vu s'échouer en catastrophe, le 14 novembre dernier, l'activiste sahraouie des droits de l'homme, expulsée par le Maroc, accueille une valse interrompue de personnalités politiques de tous bords, des députés, des ministres, des représentants d'ONG, des syndicalistes, ou de simples militants et sympathisants du droit du peuple sahraoui à l'autodétermination, des personnalités du monde de l'art, etc., venus tous exprimer, publiquement, leur soutien à la pasionaria sahraouie. Une des loges du parking pour autobus de l'aéroport international de Lanzarote où est parquée Aminatou Haïdar depuis son refoulement de l'aéroport de Laâyoune occupée, ne désemplit pas. Journalistes, militants, sympathisants veillent sur place, nuit et jour, au grand étonnement des insulaires et des rares touristes qui se hasardent dans l'île en cette basse saison.« Le Maroc coupable, l'Espagne responsable ». L'affiche géante, trône au-dessus du QG de la plateforme. Le gouvernement espagnol est brocardé, critiqué pour le soutien apporté au Maroc. Les collusions entre le gouvernement socialiste de Zapatero et le gouvernement marocain, la complicité affichée dans la gestion de cette affaire ont choqué plus d'un observateur. « Vous ne pouvez pas imaginer le nombre d'Espagnols qui viennent ici nous dire : nous avons honte d'avoir voté en faveur de ce gouvernement. Les Espagnols ont fait le sale boulot », se confie Zmane Cheguaf, journaliste à TV-Rasd. Qu'à cela ne tienne ! Une chaîne de solidarité, sans précédent dans les annales de la cause sahraouie, a vu le jour. Une plateforme de solidarité est mise sur pied par des militants essentiellement espagnols, les « amis du Sahara occidental », Sahraouis, sous le contrôle des représentants officiels et officieux de la République arabe sahraouie, la RASD, dès les premiers jours de la grève de la faim. Une ruche dont l'acteur espagnol Willie Toledo est l'un des métronomes.Fernando Peraita, le porte-parole, est fier du travail accompli par la plateforme qui, souligne-t-il, en quelques jours seulement a réussi à emballer un grand nombre de médias à travers le monde, plus d'une trentaine de chaînes télé, suscité une foultitude de réactions, dans le vieux continent, l'Amérique latine, les Etats-Unis' des manifestations de soutien sont organisées dans plusieurs pays, en Espagne, notamment, Cordoba, Séville, etc. Un plan média des plus percutant. De grands noms de la littérature, du cinéma, Pedro Al Modovar, Carlos Fuentes, des prix Nobel, José Saramago' se sont joints au mouvement qui a propulsé au-devant de la scène la cause sahraouie. La plateforme reçoit une lettre de soutien toutes les deux minutes. Le succès, explique Fernando, tient surtout en la personnalité exceptionnelle d'Aminatou. « Elle est l'incarnation de la nouvelle génération de Sahraouis dont le c'ur n'a pas été conquis par la puissance marocaine.Elle donne un visage à la souffrance sahraouie. Un visage humain, celui d'une femme, mère de deux enfants, qui a une histoire de souffrance, de lutte pour la dignité, à raconter au monde. Avant, la souffrance se déclinait uniquement en chiffres, maintenant c'est tout autre. Aminatou n'utilise que la parole, parce qu'elle elle est pacifiste. Une parole forte, une parole qu'on ne peut humilier. Impossible. Même dans les conditions que vous constatez, un parking d'autobus pour une femme en grève de la faim. » Le porte-parole de la plateforme se dit optimiste quant à l'issue de cette grève. Les pressions diplomatiques exercées sur le Maroc, notamment celle de l'Union européenne qui fait jouer la carte des négociations du statut avancé pour le Maroc, pourraient contribuer au dénouement de cette affaire. « Rien n'est acquis pour autant », lâche-t-il en guise d'ultime réserve Il est presque minuit, en ce jeudi 10 décembre, Fernando tient à peine sur ses jambes. Comme c'est d'ailleurs le cas pour la plupart des hôtes et animateurs de la plateforme, tant la fatigue leur dévore le visage. Transis par le froid, ils scrutent à la belle étoile, sur un minuscule écran télé, un débat enflammé sur TV-Cannaria portant sur l'affaire Aminatou. Le coordinateur du Front Polisario auprès de la Minurso, M'hamed Khedad, est également sur place.Khedad, qui fut un des négociateurs de Manhasset, dit ne pas s'étonner des déclarations incendiaires du gouvernement marocain qui accuse vertement l'Algérie d'avoir fomenté le « complot Aminatou » et met ces allégations sur le compte de la « propagande » et « intoxication marocaine ». « S'il y a bien un complot, rétorque-t-il, il est certainement marocain. Ce n'est certainement pas l'Algérie qui a dépossédé Aminatou de son passeport et qui l'a déportée vers les îles Canaries. Ce ne sont pas les services algériens qui l'ont fait disparaître pendant plus de 4 ans, torturée' Ce sont les Marocains qui en sont les responsables. Aminatou n'est en réalité qu'un cas parmi tant d'autres. Dans les prisons marocaines, à Salé, Tiznit, des Sahraouis risquent la peine de mort. Le Maroc fait dans la chasse aux sorcières, surtout depuis le discours de Mohammed VI du 6 novembre et une telle attitude bloque assurément toute perspective de paix. »
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Posté Le : 12/12/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abdenour Si Hadj Mohand
Source : www.elwatan.com