Algérie

Des partis et des personnalités expriment leur inquiétude



Le général de corps d'armée, Ahmed Gaïd Salah, n'a pas dérogé à la règle du discours qu'il prononce chaque mardi depuis plus d'un mois. Le contenu de ses interventions redondant et à contresens des revendications portées par l'insurrection populaire ne suscite presque plus de réaction du côté de la classe politique et de la société civile. Mais cette politique de la sourde oreille fait naître de grosses inquiétudes chez certains partis et personnalités qui redoutent une confrontation entre la rue et le pouvoir.Hakim Belahcel, Premier secrétaire du FFS
"L'armée n'a pas le droit d'imposer sa feuille de route"
Le Premier secrétaire du FFS évoque une propension, chez le vice-ministre de la Défense nationale, à "ne pas comprendre ou il ne veut pas admettre que le peuple algérien n'accorde aucun crédit et aucune confiance à ses discours hebdomadaires". Hakim Belahcel relève une contradiction marquante entre la parole et les actes du général de corps d'armée. "Il passe son temps à promettre de préserver la révolte populaire de toute pression et de toute répression. Sur le terrain (?) l'immense dispositif sécuritaire déployé à travers le pays était, au contraire, instruit de réprimer les marches des étudiants, malmener les manifestants et empêcher des centaines de milliers de nos compatriotes de se rendre dans leur capitale pour marcher librement." Au-delà, le principal responsable du plus vieux parti d'opposition n'accorde aucun crédit à la démarche de Gaïd Salah, qui ouvre des dossiers de corruption de manière sélective, entraînant l'appareil judiciaire dans "un labyrinthe de règlements de comptes et de luttes de clans. En l'absence d'une véritable justice indépendante évoluant dans un Etat de droit, ces campagnes judiciaires n'intéresseront que leurs acteurs". Il lui reproche aussi de maintenir, contre vents et marées, "un gouvernement illégitime et entretient des institutions factices (?), remettant en cause l'impérative urgence d'enclencher une véritable transition démocratique". Globalement, le FFS, qui met en évidence l'empiètement de la Constitution par l'incursion du général de corps d'armée dans le champ politique, considère qu'"il n'a aucun droit d'imposer sa propre feuille de route politique aux millions de citoyens qui manifestent une volonté inusable de mettre fin aux simulacres électoraux et de s'inscrire enfin dans un processus de transition démocratique".

Souhila Hammadi
Saïd Sadi,ancien président du RCD
"Derrière l'illusion d'une lutte anticorruption, un coup d'état blanc"
Saïd Sadi a interprété, hier, dans un écrit publié sur son compte officiel sur les réseaux sociaux, le discours du chef d'état-major, qu'il a qualifié de "président de fait", comme une volonté d'imposer au peuple insurgé l'organisation du scrutin présidentiel par "les instances de l'ancien régime (?). Autant dire que dans ces conditions les appels au dialogue signifient que le système décrié par des millions d'Algériens depuis maintenant deux mois et demi a de beaux jours devant lui". Pour l'ancien président du RCD, il est incongru de "prétendre avoir entendu le peuple et se présenter en tenue léopard chaque mardi pour lire, à partir des quartiers généraux des différentes régions militaires, une fetwa annonçant le maintien des appareils et des pratiques d'un système qui a soulevé le rejet unanime des Algériens". Explicitement, il a soutenu que le projet du chef militaire est nettement plus dangereux pour l'Algérie que les tentatives de l'ex-président de la République de rester au pouvoir. "Les propositions confessées par l'ancien chef de l'Etat ­? juste avant d'être éjecté par son fidèle chef d'état-major, lui-même pressé par la rue ?, sont nettement moins contraignantes que l'entonnoir politique dans lequel ce dernier cherche à engager la nation", a-t-il analysé. Il a sérié, ensuite, les méthodes sournoises utilisées pour étouffer l'expression du mouvement populaire, dont l'empêchement des citoyens des autres wilayas de manifester le vendredi à Alger. De fil en aiguille, Saïd Sadi a mis en évidence les paradoxes de la démarche du vice-ministre de la Défense nationale, qui lui enlèvent tout crédit. Ce dernier outrepasse franchement les prérogatives que lui confère la Constitution, mais refuse toute perspective politique à la sortie de crise en dehors de l'article 102. "À la fois serpillière et étendard de l'oligarchie, la loi fondamentale du pays est foulée aux pieds sans état d'âme quand il faut imposer un abus ou satisfaire un caprice. Le même texte est opposé au peuple souverain comme un totem." Par ailleurs, l'homme politique a estimé que le général de corps d'armée justifie ses interventions intempestives dans la sphère politique de manière fantaisiste. "Nulle disposition de la Constitution ne donne le droit à un chef d'état-major, fût-il vice-ministre de la Défense, de dicter ses volontés à la patrie ni, d'ailleurs, d'instruire la justice pour quelque mission que ce soit." Il a décelé dans l'attitude d'Ahmed Gaïd Salah une "tentation autoritaire". Il a cité comme indicateurs la vague de limogeages et de nominations à des fonctions stratégiques et l'empressement des relais traditionnels du régime à lui prêter allégeance. Au regard de Saïd Sadi, le général de corps d'armée, derrière l'illusion d'une lutte contre la corruption, est en train d'opérer un coup d'Etat blanc. "L'artifice n'a rien d'inédit. L'empereur égyptien Sissi a fait emprisonner tous ceux dont il suspectait, à tort ou à raison, des velléités de contestation de son hégémonie politique". Face à un peuple édifié sur les magouilles du système, il a estimé que "la man?uvre accable d'abord ses promoteurs". Sans équivoque, l'ancien président du RCD a affirmé que "la meilleure manière de lutter contre la corruption est de ne pas entraver la transition démocratique pour laquelle se bat si intelligemment, si généreusement et si vaillamment le peuple algérien. Des mesures conservatoires sont possibles et suffisantes (ISTN, blocage de comptes, interdiction de vente ou de cession de parts, désignation d'administrateurs?) pour protéger ce qui peut l'être en attendant qu'un nouvel ordre politique séparant les pouvoirs et garantissant une justice indépendante voie le jour". Il ne nourrit, néanmoins, pas d'espoir sur la volonté du commandement de l'institution militaire à épouser les revendications de la rue. "Il se confirme qu'une rencontre féconde entre l'état-major et la révolution citoyenne a de moins en moins de chance de se produire. Si la raison ne prévaut pas (?), si les inclinations maladives à la ruse ne cèdent pas, le croisement, s'il devait avoir lieu, ne se fera pas dans le calme et la sérénité attendus par le mouvement."

S. H.
Abdelouahab Fersaoui, président du RAJ
"Dire que la crise a été inventée est une insulte à l'intelligence du peuple"




Le président du RAJ (Rassemblement actions jeunesse) a commenté, sur les réseaux sociaux, le passage du discours du chef d'état-major dans lequel il affirme que le mouvement populaire a été instigué, dès son déclenchement le 22 février dernier, par l'ancien patron du DRS, qui continue à infiltrer ses éléments dans les marches. "Dire que la crise a été inventée est très grave, c'est une insulte à l'intelligence des millions d'Algériennes et d'Algériens qui sont sortis dans les rues des 48 wilayas, rejetant d'une manière haute et forte ce système corrompu et machiavélique." Pour le militant politique, le pouvoir ne veut rien céder au détriment de l'intérêt du peuple et de la nation. "Il va continuer ses man?uvres et ses tentatives pour diviser et affaiblir le mouvement. Le peuple n'est pas dupe. Rien ne pourra arrêter sa marche vers le changement démocratique et pacifique. Nous avons le temps, la détermination et la patience nécessaires."

S. H.


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