L'idée est aussi simple qu'efficace. Sur le lieu d'une exposition, qui met en lumière des pages sinistres de la guerre de libération algérienne, versant français, plusieurs visiteurs prennent la parole. Cela donne un documentaire : La guerre et nous.LyonDe notre correspondantAppelés, militants FLN, descendants de l'immigration algérienne, rapatriés, harkis... Beaucoup sont pris sur le vif par la caméra de Béatrice Dubell. Ils paraissent étonnés, déclarent qu'ils n'ont rien à dire, mais parlent et racontent des choses qu'ils n'auraient jamais énoncées avant cette invitation à s'exprimer. D'autres sont volubiles. Cela fait longtemps qu'ils voulaient sortir ce qu'ils avaient sur le c?ur et ils ne s'en privent aucunement. «Le tournage s'est très bien passé», nous explique la réalisatrice de La guerre et nous, qui sortira le 4 novembre à Lyon, et que nous avons pu voir en avant-première. «Nous avons été surpris par la capacité des gens à s'exprimer. La grande difficulté tient au montage du projet. Comme ce type de démarche ne raccorde pas avec l'industrie audiovisuelle ou cinématographique, on travaille avec de tout petits moyens et il faut beaucoup de ténacité, d'engagement professionnel pour faire aboutir un projet comme celui-ci. Ce film a été tourné en 2012 et le montage n'a pu être réalisé qu'en 2014».Heureusement, en tout cas, que ce film existe à présent dans une grande ville de France comme Lyon, très concernée par la guerre d'Algérie. La diversité des récits reflète l'état des mémoires et des représentations de cette guerre, en 2012, pour les cinquante ans de la fin de la tragédie. Entre 1955 et 1962, Lyon avait été le théâtre d'une guerre clandestine menée par les organisations nationalistes FLN et MNA et de tortures dans les commissariats et autres lieux militaires. Le tribunal militaire de Lyon, juridiction d'exception, siège à Montluc, lieu symbole de la résistance française au nazisme. 112 condamnations à mort de militants indépendantistes sont prononcées. Onze Algériens sont guillotinés, alors que 22, au total, sont exécutés en France pendant la guerre. De nombreux Lyonnais font partie des réseaux de soutien aux militants algériens. Béatrice Dubell leur avait consacré son précédent film documentaire, très émouvant, intitulé El bir.«Cette guerre divisa profondément les Français »Il est intéressant de revenir sur cette histoire et ces parcours d'engagement, alors que la région lyonnaise, et par extension la région Rhône-Alpes, est l'une des plus peuplées aujourd'hui en France de résidents d'origine algérienne.Bien sûr, certains intervenants posent la question du silence, pensant qu'il ne faut pas rouvrir les plaies. Il s'ensuit de beaux échanges contradictoires qu'a captés Beatrice Dubell. Pour la réalisatrice, il est important d'en parler : «Cette guerre divisa profondément les Français et c'est un sujet qui est encore délicat à aborder. Un sentiment de méconnaissance reste prégnant dans la population, voire une impression de censure, alors même que le travail des historiens a produit un socle de connaissances communes qui pourrait être un bon étayage pour un débat apaisé».Selon elle, «nous sommes à un moment-clé où il faut assumer la responsabilité d'un ??devoir de mémoire'' à l'égard des générations futures afin d'éviter des cristallisations irréversibles».Le documentaire prouve que «les énergies constructives, la volonté d'apaisement sont bien présentes dans la société française, mais elles ont peu l'occasion de s'exprimer. Les médias s'intéressent plus généralement aux événements négatifs qu'à ce discret travail de compréhension mutuelle et de dépassement». Le film est plutôt diffusé dans un circuit éducatif, associatif et c'est le travail de fond de l'association «Grand ensemble» que de construire ces relais et ces réseaux qui permettent à ces films de rencontrer un public.Une plateforme internet«Après El Bir et La guerre et nous, nous travaillons actuellement avec un groupe de chercheurs en sciences humaines, à la mise en place d'une plateforme internet, consacrée à l'histoire et aux mémoires de la guerre d'indépendance algérienne, afin à la fois de diffuser les connaissances et de faire entendre de nouveaux récits mémoriels. Nous faisons aussi un gros travail en milieu scolaire, avec des ateliers ??Mémoires vives'', qui permettent à des lycéens de rencontrer et de filmer des témoins», précise enfin Béatrice Dubell. * En savoir plus sur www.grandensemble.fr. La guerre et nous sera vu en avant-première, le 4 novembre à 19h30 à Lyon, au CIFA St Denis -77, grande rue de la Croix-Rousse 69004 Lyon. Métro C, arrêt Hénon ou Croix-Rousse. Tél : 04 78 39 81 51. www.grandensemble.fr
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Posté Le : 28/10/2014
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Walid Mebarek
Source : www.elwatan.com