Algérie

Des Obamas arabes, est-ce possible ?



Tous les peuples arabes souhaitent l'alternance au pouvoir avec des présidents élus démocratiquement qui représentent effectivement et légitimement la volonté de leurs peuples. Cela est-il possible sous nos latitudes ?

Les électeurs arabes peuvent-ils espérer à des Obamas sortis droit des urnes parce qu'élus au suffrage universel à l'instar des pays où la démocratie est loi, où l'électeur est roi.

Ou... c'est encore et toujours la sempiternelle reconduction du même homme au même poste? Excédée jusqu'à épuisement par les fraudes électorales à répétition, la nation arabe n'accorde plus aucune importance aux votes. Toutefois pourra-t-elle un jour (proche ou lointain) aspirer à des Présidents (et non des Résidents) jeunes, compétents comme Obama, capables de rendre espoir aux jeunes désespérés de leurs pays ?

Si «yes, we can», c'est que l'avenir du monde arabe est en devenir. Ce qui pourrait prêter à un optimisme prudent. Les Algériens, entre autres, cesseront de prendre «leurs canots» pour tenter «leur hargate» loin du pays courant le risque de côtoyer les rivages brumeux de la mort dans l'espoir d'atteindre des rivages hasardeux - d'ailleurs, plus chimériques que véridiques - des pays de cocagne. Ils trouveront, alors chez eux, ce qu'ils cherchent: paix et prospérité.



Changement dans la mentalité des Américains

Ce qui attire l'attention dans les dernières présidentielles américaines est que les Américains ont décidé de rompre avec la mentalité ségrégationniste rétrograde entre Blancs et minorités (Noirs, Latino-Américains, Asiatiques...). Les Américains semblent se vider des idées reçues d'un autre âge, d'une autre génération à savoir la suprématie de la race blanche sur les autres. La nation américaine s'est rendu compte que sa composante humaine est, finalement, une et indivisible abstraction faite de la race, de la couleur de la peau, des yeux, des cheveux, du culte, du sexe...

Les électeurs américains ont misé essentiellement sur la jeunesse et la flexibilité d'esprit d'Obama et non sur sa peau et/ou ses origines. Conversion radicale dans la mentalité américaine. Des millions de Blancs ont voté pour lui. L'Amérique semble rentrer dans une phase importante de son Histoire: la volonté d'être de nouveaux citoyens gouvernés par de nouveaux dirigeants jeunes, compétents, performants à même de rendre espoir aux plus désespérés de leur pays.



Les politiques arabes peuvent-ils changer de mentalité ?

Les révisions, à répétition, de la Constitution selon la pointure des gouvernants risquent fort de la pervertir et finissent par lasser les citoyens. Elles peuvent provoquer une forme d'indolence chez les électeurs et faire passer les affaires publiques, même les plus urgentes, au second plan. Ce qui importe aux politiques, c'est la participation massive aux élections. Quant à l'Opposition, elle est réduite à l'alliance, l'obédience ou au silence. Elle n'a pas de plage horaire à la télévision pour s'exprimer à l'instar des pays réellement démocratiques. Celle-ci est devenue la propriété privée des hommes au Pouvoir. Pourtant, dans les pays effectivement démocratiques, l'Opposition est le baromètre de la bonne santé politique du pays. Le citoyen s'exprime, le Pouvoir écoute, l'Opposition surveille ratages et dérapages des dirigeants. Le pays est, ainsi, dirigé dans le sens que souhaite le peuple. Il est clair que lorsque l'Opposition est dynamique, elle empêche la sclérose d'une politique plombée et son corollaire l'immobilisme (politique et social) et donne, surtout, de la légitimité aux gouvernants en ce qu'ils sont les résultats des urnes.



Le mal du pays

Le mal qui ronge, actuellement, l'Algérie est le lobby des médiocres, auquel cas il faut ajouter le fait de rester enfermé dans le carcan d'un passé révolu qu'il faut transcender (sans le renier). Ce dernier risque de frelater l'originalité même du citoyen et d'entraver son évolution vers le progrès. Dans notre pays, les choses changent mais n'évoluent pas. Ce qui explique, peut-être en partie, que nous ne produisons rien (ou presque) et que nous importons tout (ou presque). La baisse vertigineuse du prix du pétrole inquiète tout le monde, les politiques comme les citoyens. Ce qui explique que notre société est désorganisée, voire désarticulée. Pourtant, la plupart des Algériens veulent rompre avec la gérontocratie et son système qui fonctionne hors du temps réel. Ils désirent un système politique où l'alternance est garantie, avec des dirigeants plus jeunes, plus compétents, plus performants qui seront la promesse d'un Etat droit, un Etat de Droits et surtout un Etat où les Droits de l'Homme et du Citoyen sont garantis, protégés et respectés. Mais aussi et surtout un Etat d'espérance pour les jeunes désespérados et «harraga».

Avec les changements dans la «même continuité», il y a un risque majeur de briser l'élan de l'espoir, notamment chez la jeunesse. Il faut rappeler que l'espoir est un carburant social. Sans lui, il y a lieu de s'attendre à une démobilisation quasi généralisée.

Par contre, les élections ne peuvent recouvrer leur valeur signifiante, en Algérie et dans le monde arabe, que si elles sont intègres, honnêtes et transparentes à même de satisfaire et rendre confiance à tous les électeurs. Autrement dit, elles ne peuvent être fiables que si l'électeur (re)devient souverain de sa voix sachant pertinemment qu'elle pèse son poids dans l'urne.

Si les Chefs arabes parviennent à admettre que la politique n'est ni une vocation ni, moins encore, une carrière professionnelle mais une simple mission limitée à un mandat ou deux tout au plus, alors les peuples cesseront de désespérer puisque chaque nouveau mandat conduira, sans nul doute, un nouvel Obama arabe porteur d'espoir mais non un marchant de rêves. Ce qui donnera l'envie à tous les électeurs arabes d'aller voter pour choisir leur candidat. Autrement formulé, chaque électeur «apportera de l'eau à son espoir». C'est alors que la voix de l'électeur vaudra son pesant d'or car ce sera les urnes qui décideront et non plus les magouilles. De ce fait, l'Algérie sera fière d'être l'Algérie de tous les Algériens et non plus de la nomenklatura. Ceux-ci, à leur tour, se réjouiront et savoureront le goût ô combien exquis d'une démocratique réelle et non plus virtuelle. L'Algérie rentrera alors, de plain-pied, dans le développement, à la fois, de la science et de la conscience, voire du développement tout court. Il faut reconnaître que l'Algérie a toutes les chances de guérir de son cancer chronique des nations sous-développées pour rejoindre le concert des nations développées convoité par tous et par chacun. C'est la volonté politique, hélas, qui manque le moins. Sinon:

- Les Algériens apprendront «l'art» du savoir-vivre, du savoir-faire, du savoir-être et rompront définitivement avec le «ârt» du savoir-survivre.

- L'Algérie plurielle, antagonique et divisée d'aujourd'hui, redeviendra, comme par le passé, une Algérie unie et fraternelle. De ce fait, les électeurs pourront avoir un droit de regard sur les agissements de leurs élus tous niveaux confondus (APC, APW, APN, Président) et leur demanderont des comptes (au dinar, dollar, euro près) des deniers publics. Mais... nos dirigeants l'entendront-ils de cette oreille ?

L'Algérie d'aujourd'hui a, plus que jamais, besoin d'une autre Algérie, d'un autre souffle, d'un autre système, d'autres gouvernants qui incarnent visiblement le changement radical ambitionné par toute la société et non un faux changement dans une réelle continuité. La plupart, sinon tous les souverains arabes adorent ordonner et refusent d'obéir à quiconque, pas même à la volonté de leurs peuples respectifs. Ils se vouent un culte morbide autour de leur personnalité. Ils se comportent avec une arrogance telle qu'ils prétendent être d'une essence supérieure à la condition humaine de leurs compatriotes. C'est pourquoi ils concentrent tous les pouvoirs dans leurs mains et centralisent les décisions politiques et administratives. Quant à la séparation des pouvoirs, il ne faut même y rêver. Certains sont une force de nuisance en semant la division au sein de la même nation arabe au lieu de conforter son unité. Pourtant, les pays européens ont, depuis longtemps, compris qu'ils sont tenus à conjuguer «au présent de l'impératif», les efforts de tous pour constituer un bloc homogène contre certaines puissances compétitives comme les Etats-Unis, par exemple s'ils veulent continuer d'exister. Quant à l'Opposition chez nous, elle est si lige et si amorphe qu'elle semble inexistante vu qu'elle n'exerce aucun contre-pouvoir sur le Pouvoir. Ce n'est, certes, pas la voie royale pour rattraper le peloton des nations développées et évoluées. Seule une synergie coordonnée de la jeunesse et l'intelligentsia pourra imposer le changement souhaité par la nation.

De son vivant, Martin Luther King avait toujours rêvé d'une Amérique meilleure parce qu'il croyait dur comme fer à son rêve. Mais aussi, faut-il le rappeler, parce qu'il vivait dans le pays de l'Oncle Sam où le rêve est non seulement permis, mais a ses chances de se réaliser. Dans le monde arabe, le rêve personnel s'étouffe dans l'oeuf. On impose le rêve unique, la pensée unique, la voix unique et... le Chef unique. «Unique comme Dieu», disait Rachid Mimouni dans son roman «Le Fleuve détourné». Ainsi va notre monde (arabe): de l'absolutisme à l'immobilisme au... hold-up de la démocratie, à la régression, à la répression. Est-ce une fatalité ? En tout état de cause, ce n'est, certes, pas une fatalité divine mais exclusivement humaine.

Si Dieu (Gloire à Lui) nous a glorifiés, dans Son Livre: «Vous êtes la meilleure communauté qu'on ait fait surgir aux hommes. Vous ordonnez le convenable, vous interdisez le blâmable et vous croyez en Dieu»(1), nos clercs (Honte à Eux) nous livrent en pâture aux condamnables: guerres, misères, ignorance, sous-développement... Enfin... à tout ce qui est blâmable. De grâce lecteurs, si je dors ne me réveillez pas. Je «RÊVE» que les dirigeants arabes sont (re)devenus les meilleurs hommes surgis aux hommes. Ils exhortent au bien, interdisent le mal et... croient en la démocratie. Cependant, si mon rêve ne vient pas à se réaliser à l'exemple de Martin Luther King, au moins je vis dans mon rêve à défaut de vivre mon rêve.

Moralité: si le monde arabe rêve, c'est la preuve qu'il continue à dormir profondément. Oh grands rêveurs, réveillez-vous, pardi ! Nous sommes au 21e siècle. La nation cesse de vous bercer.



1- Sourat 03; verset 110



*Docteur ès lettres

Maître de conférences

Université de Chlef

 




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