Algérie

Des ministres pour DG



L'étonnement peut gagner tous ceux qui ne connaissent pas le fonctionnement des entreprises publiques économiques algériennes, en écoutant les propos d'Amar Tou, ministre des Transports, à la Radio nationale. Selon le ministre, la flotte d'Air Algérie sera renforcée par l'acquisition de 16 nouveaux appareils, et celle de la Compagnie nationale algérienne de navigation (Cnan) le sera par environ une vingtaine de bateaux de transport de marchandises.
M. Amar Tou a exprimé le souhait de voir le Conseil des participations de l'Etat (CPE) étudier deux dossiers importants, à savoir l'extension du pavillon national de l'aviation civile et celui du transport maritime. Tout en précisant que la flotte d'Air Algérie sera renforcée par l'acquisition de 16 avions et celle de la Cnan par 20 ou 25 bateaux de transport de marchandises. Un véritable plan de développement de deux entreprises est défendu par le ministre sans que l'on sache réellement quel sera le niveau de rentabilité et pour quels objectifs ces investissements seront réalisés.
Il aurait été compréhensible que les directeurs généraux des deux entreprises présentent leurs projets à des investisseurs, dans le cadre d'un emprunt qui redynamiserait la Bourse d'Alger. Mais le fait que cela soit le ministre qui en fasse l'annonce démontre qu'il s'agit d'une décision politique sans aucun rapport avec la réalité des besoins économiques ou de la demande réelle en matière de transports de personnes ou de marchandises.
Ce programme peut être étendu aux chemins de fer, dont on sait que les lignes nord sont les plus utilisées mais ne permettent pas à la Société nationale de transport ferroviaire d'avoir des comptes équilibrés.
Ce qui vaut pour le ministère des Transports vaut pour d'autres secteurs.
La décision d'investir ou de changer d'activité ne relève pas des organes de direction des entreprises mais bien des ministres, qui se prennent pour les actionnaires uniques des EPE. La logique politique, populiste et électoraliste veut que plus on dépense mieux les électeurs nous perçoivent.
Que les entreprises se retrouvent dans des difficultés financières par la suite sera nécessairement de la faute du directeur général et permettra au ministre de tutelle de le remplacer par une «connaissance» encore plus docile.
Les entrepreneurs privés ont des difficultés à se projeter dans le long terme et ne sont pas enclins à lancer des investissements d'extension des capacités. Les entrepreneurs publics attendent que les politiques décident de ce qui est bon ou pas pour la gestion de l'outil de production dont ils ont la charge. Ces deux logiques font que le secteur économique algérien patine. Ceux qui savent quoi faire ont les mains liées, et ceux qui pensent savoir décident. Une logique qui a fait dire aux rédacteurs des propositions de Nabni que l'économie algérienne est tel le Titanic lors de son voyage inaugural.
Les investissements d'une entreprise ne peuvent dépendre du bon vouloir du politique. Soit ils sont nécessaires pour la pérennité de l'entreprise soit ils ont pour objet la conquête de nouveaux marchés.
Et pour cela, il s'agit de mise en perspective, d'emprunts, d'amortissements et tout ce qui est lié à l'atteinte des objectifs fixés par un business plan.
Les directeurs généraux devaient être contents d'apprendre qu'ils n'ont plus à passer par des avis d'appels d'offres pour acheter de la pièce détachée pour une machine dont la marque était connue. Ils doivent l'être moins d'apprendre que l'interventionnisme de leur ministre de tutelle va perdurer un temps encore.
A. E.


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)