Les faux fournisseurs en moutons de la 2e Région militaire
comparaissaient, hier, devant la cour d'appel d'Oran, sous les accusations
d'«association de malfaiteurs, escroquerie et émission de chèque sans
provision».
Un chiffre qui, à lui seul, donne le tournis : l'arnaque s'élève à 2.500
têtes ovines. Malgré la solennité du débat et la gravité du moment, on entend
de temps à autre des rires fusant du fond de la salle, provoqués par le
vocabulaire farfelu, les onomatopées délirantes et l'accent campagnard des
maquignons et autres éleveurs de moutons accoutrés de djellabas et de turbans,
canne à la main. Originaires de Aïn Kermes, Frenda, Souguer et Chahmia,
localités de la wilaya de Tiaret, les hommes aux accoutrements traditionnels
forment un groupe compact et un clan très solidaire, sur le côté droit du juge.
Ce sont les neuf victimes des actes reprochés aux mis en cause, la partie
civile venue en force réclamer devant la justice des dommages et intérêts pour
le préjudice subi. De l'autre côté de la barre, la partie accusée, visiblement
désolidarisée par la tournure des événements, composée de six hommes, entre 25
et 40 ans, en grand apparat, les quatre détenus depuis six mois compris. Les
deux groupes protagonistes sont entourés de toutes parts par une légion de
robes noires, dossier sous le bras, sur le pied de guerre.
L'affaire a atterri devant la
justice le 30 mars 2010, lorsque plusieurs maquignons et éleveurs de moutons
ont déposé, en commun, une plainte pour arnaque contre six personnes, auprès de
la section de recherche du groupement de la Gendarmerie nationale d'Oran. Les
faits dénoncés remontaient au mois d'octobre 2009. Une vingtaine de jours avant
la célébration de l'Aïd El-Adha, quatre personnes déployant un faste plein
d'éclat (costumes de griffe, voitures tape-à-l'Å“il, etc.) se sont présentées à
B.M., un éleveur et marchand de moutons habitant à Aïn Kermes et bien connu sur
le marché régional de bétail, et lui ont demandé de leur fournir 2.500 têtes
dans les plus brefs délais. Ils lui ont fait comprendre qu'il s'agissait d'une
commande urgente destinée à l'Armée à l'occasion du rituel de l'Immolation.
Plus précisément, «une fourniture d'ovins destinée à la 2e Région militaire et
qui allait être dispatchée sur ses différentes subdivisions à raison de 50
têtes par unité, à la faveur d'une convention signée entre la 2e RM et un
fournisseur agréé par cette institution», selon les faits rapportés par le
plaignant.
L'un des quatre négociants, B.A.,
s'est fait passer pour un officier de la sécurité militaire, un autre, M.N.M.,
pour le fournisseur de l'ALN. Les deux parties ont convenu pour un mode de
payement qui consistait en : «50% à la livraison de la marchandise, 50% quatre
jours après l'Aïd», et ce, «conformément aux démarches afférentes à ce type de
marchés suivies par l'institution militaire». Le maquignon de Tiaret avait
d'autant moins de raisons de s'en douter que ses interlocuteurs lui ont montré
des documents (bons de commande et des factures) frappés du sceau rouge de la
2e RM, lesquels papiers s'avéreront plus tard du pur faux. Les acheteurs ont
appâté leur «démarcheur» en lui disant que l'Armée était peu regardante sur le
prix, en revanche elle était exigeante quant à la qualité de la marchandise,
c'est-à-dire des moutons de race et de poids, et surtout, intransigeante en
termes de délais de livraison. Il n'en fallait pas plus pour convaincre le
maquignon qui a ratissé large pour rassembler les 2.500 moutons en temps voulu
en faisant du porte-à-porte chez les vendeurs potentiels, n'épargnant ni étable
ni marché à bétail dans la région.
Ne voulant pas rater le coche,
pas mois de huit éleveurs ont accepté de prendre part à la transaction. En une
semaine, un troupeau de pas moins de 2.060 moutons a été rassemblé, puis
transporté, en plusieurs voyages, vers une ferme à Aïn El-Beïda, Oran, louée
par un des mis en cause. A la livraison, les maquignons recevaient une première
tranche du quota remis, n'excédant pas les 30% du prix dans les meilleurs cas,
et une promesse d'encaisser le reste quatre jours après l'Aïd. Ils n'ont reçu
aucun sou depuis. Le montant total des redevances s'élève, selon l'accusation,
à plus de six milliards de centimes. Quand les maquignons ont commencé à
presser le pseudo-fournisseur de la 2e RM et consorts, au bout de plusieurs
mois de subterfuges et de manœuvres dilatoires, ils ont eu des reconnaissances
de dettes. Pas plus. L'un des multiples artifices utilisés par les mis en cause
pour faire patienter leurs créanciers, un engagement du faux officier de la
sécurité militaire de régler, à lui seul, la totalité des dettes, à condition
que le faux fournisseur conventionné lui hypothèque un commerce situé au
centre-ville d'Oran ainsi qu'un lot de terrain. Il s'est avéré que les deux
biens étaient déjà hypothéqués à une tierce personne.
Le procureur a requis la confirmation du verdict de la première instance,
entre 4 et 5 ans d'emprisonnement contre les six accusés. Au titre de l'action
civile, les six accusés avaient été condamnés à verser solidairement aux neuf
victimes un montant total de 6,2 milliards de centimes en réparation du
préjudice causé, plus 900 millions de centimes de dommages et intérêts.
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Posté Le : 06/10/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Houari Saaïdia
Source : www.lequotidien-oran.com