Algérie

DES LENDEMAINS QUI DÉCHANTENT




Publié le 22.08.2024 dans le Quotidien d’Oran
par Belkacem Ahcene-Djaballah
Livres

Un si grand brasier. Roman de Kamel Bencheikh. Editions Frantz Fanon, Boumerdes 2024, 223 pages, 1000 dinars


Il est toujours difficile de panser les blessures d'un pays meurtri par 132 ans de colonisation (dont sept années plus que meurtrières).

L'Indépendance arrachée et les premières joies passées, faut-il s'étonner de voir surgir des luttes intestines ?

Certains voulant s'accaparer tout ou partie(s) du pouvoir politique, d'autres cherchant à profiter économiquement des « restes » coloniaux, etc.

La « course » (ou la lutte, c'est selon) est encore plus visible en milieux restreints, à l'image du village décrit par l'auteur. Ici, tout le monde connaît tout le monde. Ici, la vie bien que simple est vécue avec rudesse et souvent avec une violence heureusement contenue en raison des liens d'amitié de l'enfance ou familiaux. Bref, un village à part, un village en apparence paisible, un village uni. Il n'y avait pas de village pareil aux alentours. Seule différence avec le passé... sans pourtant oublier les anciennes brouilles, les villageois étaient tous devenus citoyens, libres et égaux. L'histoire dépeinte est simple. Une grande et belle forêt jouxte le village. Auparavant, son exploitation ou même sa fréquentation était sévèrement contrôlée par les autorités coloniales. Désormais, il faut « veiller » sur cette richesse. On crée donc une garde (une milice ?) forestière chargée d'empêcher, par la force et les armes si besoin est, les villages environnants, de venir exploiter la forêt. Tout cela au nom de la Révolution... agraire !

Une démarche qui va soulever tous les problèmes d'antan... et qui fini(ra) assez mal... selon l'auteur.

Malgré tout, le portrait d'un pays qui ne veut pas mourir et un hymne à la terre et à la nature !

L'Auteur : Kamel Bencheikh est poète, nouvelliste et romancier et écrivain. Né à Sétif en Algérie, il vit à Paris. Chroniqueur au Matin d'Algérie. Il a publié plusieurs livres, dont « Là où tu me désaltères », recueil de poèmes (éditions Frantz Fanon 2022), « L'Impasse », son dernier roman (éditions Frantz Fanon, 2020), « La Reddition de l'hiver », recueil de nouvelles (éditions Frantz Fanon, 2019). Il a aussi contribué aux ouvrages collectifs « La Révolution du sourire » (Éditions Frantz Fanon, 2019) et « Les années Boum » (Éditions Chihab, 2016), réalisé sous la direction de Mohamed Kacimi, organisé autour de textes personnels d'auteurs ayant vécu la période Boumediene.

Extraits : « Encore et toujours, la guerre de libération avait profité : c'était soit les fellahs âgés, soit légèrement éclopés, infirmes, bigleux, impotents, mais capables de commander. On les avait réformés et pendant la guerre, ils avaient eu le temps de relever leur exploitation, de se faire offrir un hammam ou une boulangerie ou une boucherie, ou un commerce quelconque, d'habiller proprement leurs femmes et leurs enfants » (p 17), « Je veux un pays normal avec des lois normales. La loi de la vie. Que l'on puisse l'atteler comme une paire de chevaux de trait et aller avec elle là où il faut » (p41), « Combien l'homme peut-il en faire (note : des choses) pour nuire à sa propre personne et pour qu'il se conduise à sa propre perte ? Il peut faire la guerre et donner la mort à des millions de gens, lancer des bombes du haut des avions, il peut lâcher des gaz sur autrui, un peuple peut anéantir totalement un autre, et tout ça au cri des you-yous. C'est héroïque. Mais se faire le moindre bien à lui-même, il ne le sait pas, l'homme » (48).

Avis - Un roman -assez engagé, pour ne pas dire militant- qui ressemble beaucoup plus à une longue chronique d'un temps que les jeunes ne peuvent ni ne veulent connaître. Dommage ! Ou, tant mieux ?

Citations : « Quels que soient le pouvoir ou l'ordre établis, ce sont les plus forts qui auront toujours le dernier mot et ils fourreront en taule tous ceux qui osent dire un mot qui ne leur convienne pas » (p 51), « Il n'y a déjà pas tant de biens sur terre. Qui ne comprend pas ce que cela vaut, ne comprend pas sa propre valeur » (p59), « Une révolution se prépare, se programme puis s'effectue. Pour quoi, pour qui ? Pour ne pas laisser le champ libre à l'égoïsme. Pour que l'individu n'ait pas la propriété en tête. Pour établir enfin l'égalité entre les hommes. Et celle, plus ardue chez nous, entre les femmes et les hommes. La voici, la science de tous les temps » (p 134), « Il n'y a rien de pire que de vivre dans la misère. Eh bien, ne pas travailler au maximum de ses forces, c'est aussi la misère. Laisser se perdre les capacités que nous avons tous en nous, c'est la même chose » (p137), « Pour vivre libre, dans sa manière de se présenter aux autres et dans sa tête, il faut s'en donner la peine de toutes les forces que l'on a, et même que l'on n'a pas » (p 217).


La Révolution du sourire. Ouvrage collectif .Editions Frantz Fanon, Alger 2019, 600 dinars, 198 pages (Fiche de lecture déjà publiée en mai 2019. Extraits pour rappel. Fiche de lecture complète inwww.almanach-dz.com/vie politique/bibliothèque dalmanach)


Dix textes qui décrivent et chantent, chacun à sa manière et dans son style une révolution en marche. Une démarche pas facile du tout ; cette révolution étant en mouvement continue et rapide avec ses vendredis et ses mardis pacifiques (...)

Il est vrai qu'après près de vingt ans de règne sans partage par un groupe restreint de «gouvernants» plus prédateurs que gestionnaires... et près de cinquante ans de quasi-unicité idéologique et politique (période accompagnée, elle aussi, il ne faut pas se leurrer, d'une prédation plus soft et moins visible) le pays et une bonne partie de son peuple (du moins les plus de cinquante ans... les enfants du populisme et de la rente) s'étaient retrouvés totalement formatés pour ne plus contester et encore moins désobéir.

Hirak, mouvement populaire, révolution... peu importe l'appellation. L'essentiel étant la détermination et surtout un comportement pacifique accompagné d'amour du pays et de l'autre... les «ripoux» de la République exclus, cela va de soi. Accompagné, aussi, d'un humour décapant, certainement pour remplacer la rage et la violence contenues. Dix textes donc, accompagnés à chaque fin d'une sélection de slogans en plusieurs langues : arabe, amazigh, anglais, français... pour que le monde entier voit et comprenne que c'est du sérieux.(...)

Les Auteurs : El Mahdi Acherchour, Kamel Bencheikh, Hédia Bensalhi, Salah Guemriche, Mohamed Kacimi, Amina Mekahli, Said Oussad, Mohamed-Anis Saidoun, Rabeh Sebaa, Mynda-Nawel Tebbani, Sarah Slimani.

Extraits : «Comme c'est haut le désir de monter en faisant monter tous les désirs jusqu'au désir de voir ce que maintenant deviendra la résurrection, l'insurrection !» (El Mahdi Acherchour, p 30), «Je sors de mille deuils, et ce qui m'anime c'est la joie qu'accompagnant les grands changements» (El Mahdi Acherchour, p 38), (...)

Avis - Des textes, courts ou longs, qui vous font passer par tous les «états» de la révolution populaire. Et, si vous vous en éloignez, les slogans repris en fin de chaque texte vous font replonger... dans la réalité dont on veut, peut-être, se débarrasser...et dans le rêve (de jeunesse pour les plus âgés qui ont, peut-être, raté le coche dans une «autre vie») enfin réalisé.

Citations : «Plus on se moque de lui, plus je l'aime, mon peuple, ce bel ouvrier des premières fondations ;et je l'aime encore plus quand il s'en moque, quand il ne se moque que de lui-même» (El Mahdi Acherchour, p 42), (...)

(Quelques) slogans : «Marcher. C'est bon pour la santé. Manifester. C'est bon pour la dignité», «Vous êtes la pluie et on est le beau temps»,(...), «Fab. :avril 1999/Exp. : avril 2019. Bouteflika –Périmé, utilisation dangereuse», «Macron, t'as le droit d'épouser une vieille. Par contre, t'as pas le droit de nous imposer un vieillard», «Vous allez vous confronter à une génération qui vous connaît bien et que vous ne connaissez pas du tout», «Non à la prolongation. On n'est pas dans un match de foot», «Ils ont des millions, nous sommes des millions», «Nous sommes blancs d'espoir, verts de dégoût et rouges de colère «(...)




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