Le projet de loi sur l’information, présenté pour examen au niveau de l’Assemblée populaire nationale, suscite scepticisme et questionnements des journalistes que nous avons interrogés. Pour Lyas Hallas du Soir d’Algérie, «le projet de loi sur l’information est une loi liberticide et rétrograde». Selon lui, «la dépénalisation du délit de presse n’est qu’un leurre». De même, il pense que «l’autorité de régulation qui sera instituée ressemblera plutôt à une centrale de renseignements placée sous l’autorité du président de la République puisqu’elle aura pour prérogatives d’abord de collecter le maximum d’information sur les entreprises de presse, de museler toute velléité d’expansion et d’empêcher la constitution de groupes de presse, ensuite de retirer l’agrément aux journaux qui s’inscrivent en faux avec la politique du gouvernement».
Au final, Lyas Hallas estime que «autrement dit, elle veillera à transformer les journaux en petites cellules de communication qui auront pour mission de promouvoir la politique du gouvernement et entretenir son image. Le gouvernement n’aura plus besoin de poursuivre les journalistes en justice, ils deviendront fonctionnaires. C’est un retour grave sur les acquis d’Octobre 1988. Les espaces de libre expression vont rétrécir encore plus. Le pouvoir vient, par là, exprimer ostensiblement sa volonté de ne pouvoir s’accommoder d’une presse développée et libre».
Même son de cloche pour Saïd Mekla, journaliste au Temps d’Algérie : «Bien que conçu pour, soi-disant, chambouler le paysage médiatique national, le nouveau code de l’information ne changera rien à la situation du secteur tant que les vieux réflexes demeureront. Même s’il annonce l’amélioration de la situation professionnelle des journalistes, il n’en demeure pas moins que la chape de plomb qui pèse sur nos têtes, lorsqu’il s’agit de traiter des sujets sensibles, est toujours brandie comme rempart à la vérité.»
Monopole sur la publicité
Toujours dans le registre des libertés, rien n’indique que les pouvoirs publics ont réellement l’intention de changer la donne, eux qui monopolisent toujours la publicité. Pour ce qui est de l’ouverture de l’audiovisuel au privé, nul n’ignore, aujourd’hui, les intentions des pouvoirs publics qui utilisent cette «image» uniquement comme argument d’ouverture destinée à l’opinion étrangère alors que les «balises» se façonnent déjà au niveau des cercles de décision de sorte que ceux qui vont en bénéficier ne seront que ceux qui savent faire «allégeance».
Dahmane Semmar, qui travaille pour le magazine Dziri, estime pour sa part que «la dépénalisation de l’acte de presse est une réelle avancée, mais je perçois toujours des mécanismes de contrôle qui étouffent la liberté du journaliste. Mais ce n’est pas le nouveau projet qui me dérange, c’est plutôt le fait que l’Etat laisse des patrons de journaux exploiter les journalistes. Il n’y a toujours pas de moralisation de la profession ; des barons de la presse agissent comme des voyous sans être inquiétés par les pouvoirs publics».
Pour Ali Boukhlef, de La Tribune, «le nouveau projet de code de l’information comporte, à mes yeux, des avancées considérables du point de vue du contenu. La suppression des peines d’emprisonnement est en soi une bonne chose». Cependant, souligne-t-il, «deux problèmes restent posés et pas des moindres. Le premier concerne les prérogatives de l’autorité de régulation de l’information. Il y a des vices de fond et de forme. Sur le fond, je constate qu’on attribue à des professionnels de l’information de suspendre ou carrément de fermer une publication. C’est une aberration, parce que cela doit être du seul ressort des juridictions. Le vice de forme est situé dans le fait que l’on parle de «régulation alors que dans ce genre d’opérations, il est plus approprié de parler deconseil supérieur de l’information. L’autre problématique est bien sûr celle de l’audiovisuel. Un grand trou noir entoure son ouverture. Mais là, il faut attendre les actes pour porter un jugement».
à «la tête du client»
Le journaliste du Quotidien d’Oran, Mehdi Mohamed, affirme, quant à lui, que «si la loi ne règle pas la question des agréments dans le cadre du régime déclaratif, elle n’apporte rien de plus. La transparence et le régime déclaratif dans l’octroi des agréments se feront toujours à la tête du client, avec connivences et autres jeux de coulisses». Il insiste sur «la transparence des règles et de leur application, puisque l’actuelle loi oblige les journaux à éditer un titre en arabe s’ils veulent éditer un autre en français, mais personne n’applique ce principe». Mehdi Mohamed estime que «si cette nouvelle loi ne prend pas en compte que nous sommes à l’ère des chaînes satellitaires et de l’internet, donc pas besoin d’être en Algérie, alors elle doit être versée aux archives dès à présent». Le rédacteur en chef d’El Watan Week-End, Adlène Meddi, indique pour sa part que «le problème n’est pas la loi, mais notre incapacité structurelle à nous organiser pour devenir une vraie force de proposition. La nature a horreur du vide, la loi aussi, alors le gouvernement travaille et réfléchit à la place d’une corporation désarticulée. C’est dommage vu les défis qui nous attendent (TV et radios indépendantes, presse en ligne, etc.)».
Enfin, Djamel Chafa, du Temps d’Algérie, juge que «le projet ressemble beaucoup à celui présenté par Khalida Toumi en 2003, du temps où elle était ministre de la Culture et de l’Information. De plus, c’est une copie conforme du code d’avril 1990, expurgé des clauses portant emprisonnement des journalistes en cas de diffamation». Il termine en indiquant que «la nouveauté réside dans le fait d’encadrer l’activité des médias électroniques et audiovisuels qui se sont imposés au paysage médiatique national ou sont en voie de l’être. Personnellement, la seule critique qui me semble pertinente est la suivante : une loi c’est bon, son application effective c’est mieux».
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Posté Le : 14/11/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Mehdi Bsikri
Source : www.elwatan.com