Il y a trois ans, le directeur général de la Sûreté nationale, Ali Tounsi, était tué par balle dans son bureau. L'auteur présumé de cet acte n'est autre que son ami et homme de confiance, Chouaïb Oultache, un ancien officier de l'armée de l'air auquel il avait confié l'unité aérienne de la police. En attendant le procès, la partie civile conteste le mobile du crime alors que la défense d'Oultache récuse une grande partie des faits.
Il y a trois ans, jour pour jour, Ali Tounsi, alors patron de la Sûreté nationale, était assassiné dans son bureau. Cinq mois ont suffi pour clore l'enquête préliminaire et l'instruction judiciaire.
Depuis l'été 2010, le dossier est en attente de procès, suscitant davantage d'interrogations. Les avocats de la famille du défunt ne croient pas au mobile du crime tel que présenté par l'instruction, alors que la défense de Chouaïb Oultache rejette «l'acte isolé», arguant du fait que les balles ayant ciblé Ali Tounsi ne provenaient pas toutes de son arme.
Pour le juge d'instruction, le crime a eu lieu suite à une altercation, juste avant la tenue d'une réunion-bilan avec tous les cadres de la police, en ce jeudi 25 février 2010. Oultache insiste pour être reçu avant ses collègues ; il entre dans le bureau du directeur, qui le reçoit avec froideur. Il demande le report de la réunion afin de permettre à ses collaborateurs d'achever leur travail. Tounsi refuse et lui lance sèchement : «C'est aujourd'hui que les comptes doivent être rendus.»
Une altercation s'ensuit, notamment lorsque les deux responsables abordent les marchés de la télésurveillance et des télécommunications qui accusent un long retard. Tounsi s'emporte contre Oultache : «Tu n'as rien fait. Ton service est resté à la traîne, tu m'as mené en bateau et tu t'es arrangé pour donner tous les marchés à l'armée. Vous êtes tous des traîtres !» Le ton monte. Oultache réagit : «C'est toi le traître, fils de harki.» Le défunt prend brusquement un coupe-papier, se lève de sa chaise et se dirige vers Oultache, qui le met en garde : «Attention ! Je suis armé, ne t'approche pas de moi.» Tounsi continue d'avancer. Soudain, Oultache dégaine son arme, un Smith & Wesson, et tire une balle en l'air pour stopper le défunt, en vain. Il le vise une seconde fois, puis une troisième fois son flanc droit. Mais sans résultat. Tounsi est toujours debout, tenant le coupe-papier dans sa main droite et cherchant à atteindre Oultache. Il tire une quatrième balle et Tounsi s'affaisse par terre, à plat ventre.
Se rendant compte de son geste, Oultache s'assied dans le fauteuil de Tounsi et retourne son pistolet contre lui. Celui-ci est bloqué. Il tente de le débloquer, en vain.
Il sort du bureau et se dirige vers le secrétariat particulier du défunt. Personne n'a entendu les coups de feu du fait des portes capitonnées. Oultache dit au secrétaire du défunt que ce dernier réclame le chef de la sûreté de wilaya d'Alger, le directeur de l'administration générale (DAG) et le directeur des moyens techniques (DMT).
Les trois cadres arrivent au bureau de Tounsi. Oultache assène un coup de crosse sur la tempe du chef de sûreté de wilaya, qui prend la fuite avec les deux autres. Le secrétaire arrive, puis repart en criant dans le couloir : «Il l'a tué, il l'a tué.»
Arme à la main, Oultache sort dans le couloir et, à voix haute, insulte tout le monde. La salle de réunion se vide. C'est la panique générale. Quelqu'un surgit de nulle part et lui tire une balle dans l'abdomen, puis une autre au rein. Oultache revient sur ses pas en direction du bureau de Tounsi.
Le tireur lui loge une troisième balle dans la jambe, puis une quatrième dans l'autre jambe. Malgré ses blessures, il arrive à atteindre le bureau. L'arme toujours à la main, il s'affaisse sur un fauteuil, face à la porte d'entrée qu'il a pris le soin de refermer. Il perd beaucoup de sang. Les gémissements de Ali Tounsi résonnent dans son oreille.
Quelques minutes plus tard, le bureau est investi par des policiers.
C'est là qu'il entend cette phrase très lourde : «Achevez-les tous les deux.» Il sombre dans un coma profond. A son réveil au service réanimation de l'hôpital de Bab El Oued, il parle de trou noir qui a effacé toute trace de cette matinée.
Son avocat, Tayeb Belarif, soulève de nombreuses violations de la procédure. Il récuse la thèse avancée par la police et le juge d'instruction et souligne que la scène de crime, qui aurait dû être protégée, a connu une grande affluence : «Toutes les règles de procédure ont été violées sans état d'âme ni conscience par la plus haute hiérarchie de la police, qui était présente sur les lieux et connaissait l'importance des détails d'une scène de crime. Les indices comme les balles et les douilles ont été emportés sans être mis sous scellés ou au moins sous le contrôle du procureur, qui était durant dix jours inscrit aux abonnés absents.» L'avocat rappelle que le bureau de Ali Tounsi a été «manifestement» laissé ouvert du 25 au 28 février, date à laquelle un procès-verbal établi par les enquêteurs de la police précise que ces derniers se sont déplacés en compagnie du procureur de la République pour mettre les scellés sur le coffre-fort du bureau du DGSN ainsi qu'aux portes et fenêtres.
La théorie des enquêteurs, dit Me Belarif, repose sur la seule thèse qui consiste à affirmer que le thorax, les poumons et le c'ur étaient intacts en précisant qu'une balle extraite du thorax a suivi une trajectoire très bizarre. Selon eux, ajoute-t-il, cette balle de calibre 38 semi-blindée à tête creuse, s'ouvrant au premier contact avec la peau, a pénétré la joue gauche, touché l'os orbital, traversé le palais, percuté le larynx, effleuré les vertèbres cervicales et l'omoplate droite en faisant une traînée de fractures, avant de se loger dans le thorax. «Pourtant, tous les spécialistes de médecine légale savent que dans le corps humain il n'y a pas de ricochet.» Pour leur part, les avocats de la famille Tounsi ne contestent pas les faits reconstitués par l'enquête de police et par l'instruction, mais rejettent totalement le mobile retenu par le juge, à savoir le report de la réunion- bilan. Ils s'offusquent du refus d'entendre plus d'une dizaine de témoins, dont le ministre de l'Intérieur Yazid Zerhouni.
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Posté Le : 25/02/2013
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Salima Tlemçani
Source : www.elwatan.com