Algérie

Des instructions et des mises en garde: Bouteflika mécontent du gouvernement Ouyahia '



Le président de la République vient de procéder à une remise à plat des missions et actions du gouvernement Ouyahia, en précisant l'agenda qu'il lui a prescrit, depuis sa nomination à ce jour.Plus que des instructions, Abdelaziz Bouteflika a lancé de véritables mises en garde à son gouvernement, en lui rappelant les tâches qu'il se devait d'exécuter. Ceci, avec le sous-entendu que le travail n'a pas été accompli. Bien qu'il ait utilisé parfois le passé pour rappeler les instructions qu'il lui avait donné, il a, aussi, recouru au présent pour, certainement, souligner qu'il attend toujours l'exécution de ses instructions. Le chef de l'Etat a saisi la célébration du double anniversaire du 24 Février, à Oran, pour rappeler ainsi que «j'ai instruit le gouvernement pour prendre la mesure des enjeux et définir les grands axes d'une action structurante (…). » Il lui ordonne alors «d'agir en profondeur sur la gouvernance économique des structures de l'Etat et des entreprises publiques, de créer les conditions de la cohérence des processus industriels en encourageant les dynamiques d'intégration verticale des chaînes de valeurs, en stimulant l'innovation et en multipliant les synergies.» Bouteflika tient à (re)tracer, dans le détail, sa feuille de route, au gouvernement Ouyahia, pour, sans doute, lui noter que l'Economie nationale est, toujours, en attente d'une restructuration et d'une relance. «Le secteur public marchand doit jouer un rôle moteur dans cette dynamique, le secteur privé devra être encouragé et bénéficier d'incitations à investir et à innover, » lui recommande-t-il. Il semble, toujours, garder à travers la gorge, la première décision d'Ouyahia, dans le cadre du PPP, de céder les grands complexes touristiques à «ses copains.» L'on note, en haut lieu, que «si le président a apporté, par écrit, une précision de taille au sujet des entreprises publiques, éligibles au partenariat avec le privé, c'est que le Premier ministre avait dérapé. » Ouyahia avait, selon nos sources, instruit le ministre du Tourisme de dresser une liste des grands complexes touristiques «en réservant, en sus, la ‘Corne d'Or' et le ‘Set de Tipaza' à un de ses députés, un homme d'affaires connu dans le domaine des semouleries, et le Complexe touristique de Sidi Fredj et Mazafran de Zéralda à un homme d'affaires du milieu des concessionnaires de voitures. »
Une «exigeante attention» au gouvernement
Le gouvernement doit, exige le président, «veiller à promouvoir la production nationale, à travers la mise en place des conditions, à même, d'améliorer la compétitivité et la qualité des produits nationaux. » Bouteflika n'accorde ni de blanc seing ni de bon point au gouvernement Ouyahia. Il l'a instruit sur toutes les questions qui touchent à l'Economie nationale. Le discours qu'il a fait lire par un des ministres qui lui sont le plus proches, Tayeb Louh, a laissé penser à un président mécontent de son Exécutif. Preuve en est, il reconsidère ou ressasse, à son attention, toute sa stratégie de travail dans tous les domaines. Le président n'est donc pas content du gouvernement.
Son seul bémol, il l'accorde au monde du travail lorsqu'il dit «je sais que nos travailleuses et nos travailleurs s'y attellent (au développement du pays, ndlr) avec force et détermination, c'est pourquoi, je veux les assurer de tout mon soutien et de toute ma confiance, dans l'effort qu'ils sont en train de déployer, avec abnégation et un sens patriotique élevé. » Propos qui contrastent, clairement, avec ses reproches au gouvernement. «Beaucoup reste à faire, dans ce domaine (la révolution numérique ndlr), j'appelle tous les acteurs concernés à s'y investir, résolument, ils bénéficieront de tout mon soutien, mais aussi de mon exigeante attention,» a-t-il lâché sur le ton de la menace. Il défend, encore une fois, le monde du travail en soulignant que «le développement, tel que nous le concevons, n'a de sens que s'il vise à améliorer les conditions de vie des citoyens, à travers l'ensemble du territoire national, notamment la création de richesses, c'est-à-dire les travailleurs, dans toute leur diversité. » Mais il rappelle au gouvernement que « l'étendue de notre territoire (…), nous impose une politique de développement inventive, soucieuse de justice sociale qu'il nous revient, aujourd'hui, de mener dans une situation de crise exceptionnelle où la diversification de notre économie, dans un contexte de crise, impose rigueur et moralisation de la gouvernance. » Avant de conclure, il fait un clin d'?il aux syndicats à l'origine des mouvements de grève, en déclarant : « j'encourage les travailleurs à veiller à ce que la défense légitime et vigilante de leurs droits aille de pair avec l'observation effective et régulière de leurs devoirs et obligations, dans cette phase si cruciale du développement national. »
Bouteflika tourne le dos au gouvernement Ouyahia, au regard de la fermeté avec laquelle il lui a rappelé ses obligations. Pas seulement. Il paraît développer un sentiment de rejet des partis politiques d'allégeance, au pouvoir. Si la scène politique nationale doutait de sa volonté de vouloir briguer un 5ème mandat présidentiel, elle devrait, en principe, en être fixée depuis le 24 février dernier. En autorisant l'UGTA à laisser appeler ses travailleurs syndicalistes à un 5ème mandat, c'est que Bouteflika boude, particulièrement, le FLN et le RND. Il a dû refuser qu'ils (re)deviennent ses porte-voix pour préparer l'opinion, au nouveau mandat présidentiel, qu'il veut encore décrocher.
Quand Bouteflika rejette les partis
« On n'oublie pas que dans l'UGTA, il y a beaucoup du RND et du FLN, » nous dit un responsable. Oui, mais souligne un proche de la présidence de la République «l'UGTA c'est le monde du travail et non les partis. » A voir dans quelles conditions, Abdelmadjid Sidi Saïd a poussé l'assistance du 24 Février à appeler à un 5ème mandat, l'on peut, d'emblée, penser que « le coup » a été bien réfléchi, bien préparé et bien cadré. Ce sont, faut-il le rappeler, les femmes travailleuses syndicalistes, représentant les 48 wilayas qui ont acclamé Bouteflika. Dans la salle, il y avait aussi les états-majors des organisations patronales qui, par leur présence, lui ont accordé leur quitus. Il y avait, entre autres présents, de hauts représentants des services de sécurité. Le secrétaire général de l'OUSA (Organisation de l'Union des Syndicats africains) avait, par son discours, chauffé la salle pour soutenir un président, qui a-t-il dit «a beaucoup aidé les mouvements africains de libération, (…), il a fait entrer Mandela à l'Assemblée des Nations unies.» Abdoullah Dialo a même suggéré aux Algériens de «le préserver.» Il semble ainsi que toute la rencontre d'Oran a été préparée minutieusement pour que l'idée d'un 5ème mandat soit lancée officiellement. Rompu aux intrigues, aux man?uvres et aux manigances des arcanes du pouvoir, Sidi Saïd n'avait pas besoin de beaucoup de temps pour se mettre dans la peau de celui qui tente de convaincre Bouteflika d'y aller. Il ne peut s'aventurer sur un terrain glissant et miné s'il n'en avait pas reçu le feu vert. « Il a bien été autorisé à lancer l'appel au 5ème mandat, » nous disent nos sources. Si des observateurs affirment que Sidi Saïd pense à céder la place en 2020, année de la tenue du congrès de l'UGTA, pour l'élection d'une nouvelle direction, « il se fait un point d'honneur de respecter le pacte qui le lie au président, il restera à ses côtés et l'accompagnera dans sa quête d'un 5ème mandat, on verra plus clair après… »
Un changement de gouvernement n'est pas à exclure, dans les prochains jours. Mais «la question n'est pas, encore, tranchée parce que Bouteflika doit, certainement, penser qu'une fois chez lui, Ouyahia aura les mains libres…, il faudra penser à lui enlever le RND…., » soutiennent des responsables. «Si le président ne change pas ces visages lugubres, arrogants et suffisants, dans le gouvernement, il aura de grandes difficultés à faire passer la pilule du 5ème mandat, c'est trop risqué de laisser les choses telles quelles, » nous disait, hier, un professeur en Sciences politiques.


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