Même des opposants seraient prêts à souscrire et cosigner une bonne
partie des déclarations du ministre de la Communication, Nacer Mehal, appelant à «codifier,
organiser, assainir» pour débarrasser la profession des «parasites». Qui
nierait d'ailleurs l'existence de pratiques parasitaires dans le secteur de la
presse écrite ? En matière de constat, il est difficile de le nier. Il suffit
d'observer la formidable aberration d'un paysage journalistique composé de plus
de 100 quotidiens «nationaux» et de faire des comparaisons avec les pays
voisins et ce qui se passe ailleurs dans le monde. La situation défie à tout
point de vue l'analyse économique. Tout simplement parce que l'inflation de
titres n'est pas régulée par l'économie mais dépend d'une gestion rendue
possible par le jeu des octrois - et des interdictions - politiquement motivés
des agréments et des affectations, tout aussi politiques, de la ressource
publicitaire publique. Quand la politique et la bureaucratie supplantent
l'économie, il ne faut pas être surpris de l'inflation de journaux que personne
ne lit. La «manne publicitaire» publique et des imprimeries publiques
contraintes à ne pas se faire insistantes sur le paiement des factures est le
terrain de ce parasitisme. On a entendu un haut responsable fustiger le
«commerce des agréments», sans se rendre apparemment compte que c'est le
pouvoir, en créant un goulot administratif - celui de l'agrément - qui a créé
ce marché parasitaire.
Quand la création d'un titre est purement déclarative, les agréments
octroyés à des «amis» ne sont pas transformables en produits «rares» à vendre. Pas
plus que des titres ne survivraient si la régulation économique fonctionnait et
n'était pas neutralisée par la gestion politique. Et en la matière, le double
agrément qui se profile pour les futurs médias audiovisuels n'est pas vraiment
rassurant. On risque de se retrouver avec des éliminations politiques non
affichées et des octrois d'agrément à des gens «politiquement» agréés. Ce n'est
pas faire preuve de pessimisme que de le dire.
DU BON USAGE DE LA «SOUPAPE»
La pratique en matière de presse écrite est édifiante sur la manière de
faire des autorités. La presse écrite privée, après des intentions initiales, a
été transformée en soupape et en un faire-valoir commode et la preuve, contestable,
d'une ouverture politique. Il n'est pas sûr que pour l'audiovisuel - que l'on
présume toujours «dangereux» -, l'on accepte qu'il joue la fonction de soupape.
On attendra de voir, sur pièces, la traduction de cette promesse d'ouverture. Il
faut cependant saluer sans hésiter l'idée de lancer des projets de formation
des journalistes et des autres métiers de l'audiovisuel. Dans ce domaine, le
retard est considérable. L'inflation très politique des titres a entraîné un
essaimage des journalistes bien formés et a empêché la fonction, essentielle, de
transmission aux nouveaux journalistes arrivants. Pour l'audiovisuel, le
blocage de l'ouverture a occasionné des retards considérables sur des métiers
importants qui vont cruellement faire défaut aux futures télévisions et radios.
En réalité, et sans entrer dans le détail des textes, il en va de la loi sur
l'information comme il en va de la Constitution: elle peut être belle, ouverte et
moderne sans que cela ne change rien à la réalité. M. Nacer
Mehal a été journaliste et donc il a une connaissance
qui n'est pas seulement théorique de l'impérieux besoin de mise à niveau du
système d'information national. On peut ne pas douter de sa sincérité non
seulement sur les constats, sur les changements nécessaires à apporter et sur
son attachement à l'exercice «plein et entier» des libertés. On reste beaucoup
plus circonspect à l'égard de la sincérité du processus d'ouverture politique
global promis par le régime. Or, c'est de la nature de cette ouverture que
dépend la sortie des faux-semblants algériens où les textes n'existent que pour
ne pas être appliqués. Ou pour n'être appliqués que dans leur volet répressif.
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Posté Le : 15/12/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : M Saadoune
Source : www.lequotidien-oran.com