Algérie

Des fous dangereux



Des fous dangereux
La France risque-t-elle de devenir un pays fasciste ' Ou, à tout le moins, de connaître une guerre civile ' Célébration de l'«identité nationale», expulsions quotidiennes d'étrangers, affirmation par le ministre de l'Intérieur que les Roms ne sont pas intégrables et conviction, chez beaucoup, que les Maghrébins et les Noirs ne le sont pas davantage : autrefois gêné (je ne suis pas raciste, mais?), le rejet des étrangers, y compris des naturalisés, se généralise et s'affiche agressivement. Mais pour certains, ce rejet verbal ne suffit pas : la vraie solution serait de les renvoyer tous, de détruire ce qui reste de démocratie et de mettre en place un régime fort, à la Franco ou à la Staline. Quelques-uns s'y préparent activement, comme le montre Matthieu Maye dans un document effrayant, Voyage au c?ur d'une France fasciste et catholique intégriste(1). Journaliste, Matthieu Maye apprend en 2008 qu'un groupe extrémiste, Dies Irae, se forme à Bordeaux autour d'un ancien candidat du Front national et décide de l'infiltrer.Muni d'une caméra cachée, se présentant comme un jeune homme éc?uré par ce que devient son pays et résolu à le sauver, il rejoint ce groupe qui, d'abord méfiant, l'adopte et le prépare au «grand jour». Cette préparation est d'abord idéologique. Il assiste avec de nombreux jeunes à des conférences où le responsable du groupe expose les grandes lignes du programme de Dies Irae : condamnation de la Révolution de 1789, suppression de la démocratie et du suffrage universel, nouvelle alliance de l'Eglise et de l'Etat ? «Il faudrait décréter que la France est chrétienne et catholique? Les droits de l'homme, quelle horreur !», expulsion de toutes les «races» qui défigurent le pays ? «On me vire tous les bougnoules, tous les gitans, tous les Roumains, les Ukrainiens», on «vire» les musulmans, les Arabes, «pires qu'une merde», les «nez crochus», les Noirs, les curés de gauche. «ça ne me dérangerait pas de fracasser un prêtre moderne. Lui coller mon pain dans la gueule et lui exploser les dents, ça ne me dérangerait pas.» Que restera-t-il ' Des «vrais» Français, blancs et chrétiens, qui rétabliront la monarchie ? une monarchie forte, comme l'était l'Espagne de Franco.Des fous ' Sans doute, mais des fous dangereux. Les membres de Dies Irae ne se contentent pas de rêver la France de demain, ils se préparent très activement à la construire. Et s'initient, en particulier, au krav maga, un combat de rue inventé par les instructeurs de Tsahal. Sous la conduite de militaires en activité, qui leur consacrent leurs loisirs, ils s'initient au combat de rue, aux attaques par surprise, à l'élimination rapide de l'adversaire. Evoquant un épisode de l'Espagne franquiste, quand des campagnards, pendant trois semaines, ont massacré des immigrés, l'un des responsables de Dies Irae déclare : «Je ne sais pas si demain nous serons capables de reprendre un village, de le nettoyer à la fourchette en jetant les immigrés par la fenêtre, mais je veux y croire. Demain, nous vivrons une guerre plus ethnique que civile, mais il se pourrait que l'on se retrouve face à des amis, des cousins, des voisins?, qui auront décidé de marcher avec l'ennemi? Il faudra alors choisir.»Ces fascistes savent que leur pays n'est pas encore prêt à se soulever et que, même si d'autres groupes, dans d'autres régions, se préparent à la guerre civile, il n'est pas sûr qu'elle éclate de leur vivant. Il leur faut donc préparer la relève et dès maintenant, dans leurs écoles, donner aux enfants une véritable formation. Il existe en France 488 écoles hors contrat, 188 d'entre elles sont des écoles religieuses, tenues par des membres de la fraternité Saint-Pie X. Indépendantes du pouvoir, ces écoles appliquent une discipline très stricte ? dans l'une d'elles, baskets, jeans, chewing-gum sont interdits ?, recrutent comme enseignants qui bon leur semble, des mères de famille, des étudiants, sans considération de diplôme ? le critère principal est une «bonne» orientation idéologique ? et gèrent les programmes comme elles l'entendent. «Dans ces écoles, explique l'un des enseignants, on t'apprend à être un bon chrétien et à devenir un homme plus tard? Oui, on défend la monarchie? La Révolution a détruit des églises, déporté des prêtres, massacré, guillotiné tous les nobles. On ne peut pas l'accepter.»Chargé d'une classe, Matthieu Maye est accueilli par des gamins de 12 ans qui lui chantent, pour le tester, un chant : «Si tu es juif, si tu es radin/ Sache qu'il existe, au sud de Berlin/ Un camp magique appelé Auschwitz/ Tu peux y prendre des douches gratuites?». Un autre élève enchaîne, en allemand, sur un chant militaire composé en 1938, qui glorifie «l'honneur de mourir au combat pour la grandeur du Reich». La diffusion à la télévision du reportage de Matthieu Maye provoqua un véritable choc. La presse, unanime, en fit l'éloge. Des inspecteurs d'académie furent dépêchés dans ces écoles, constatèrent que, dans l'enseignement de l'histoire, «aucune part n'(était) laissée à l'esprit critique» ? et repartirent. Seul un collège fut fermé. Les autres écoles fonctionnent toujours. Une nouvelle s'est même ouverte dans le Cher : l'Angelus. Ed. du Cherche Midi, collection Documents, 2013




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