L’inexorable avancée du désert...
A cause d'une mauvaise gestion des forêts, le desert progresse aussi sur les côtes (Sanhadja-Skikda)
Plus de forêts et d'arbres, voilà ce que l'on pourrait souhaiter de mieux à l'Algérie en cette journée mondiale de l'Arbre qui sera célébrée un peu partout à travers le pays. C'est un des rendez vous important figurant dans l'agenda de nombreuses associations et institutions environnementales algériennes. C'est aussi l'occasion de faire le bilan...
L’Algérie en manque de forêts
Les forêts algériennes, jadis si luxuriantes, n’ont eut de cesse de subir un grand nombre de dégradations. Au point qu’aujourd’hui, un reboisement durable du pays d’avère à bien des égards une nécessité autant écologique qu'économique.
Déjà du temps de l’occupation ottomane, certains sites forestiers du littoral avaient été fortement sollicités pour la construction navale. Pire, les 132 ans de colonisation française auront impliqué la disparition de plus d’un million d’hectares boisés. Un cinquième du patrimoine national. Depuis son indépendance, l’Algérie a elle-même laissé disparaitre des centaines de milliers d’hectares de forêts et n’a pas encore réussi à endiguer la disparition massive de son couvert forestier intervenue lors de sa colonisation par la France. Déforestations, incendies, décharges sauvages polluantes , urbanisation et agriculture anarchiques, la liste des crimes de l’Algérie contre ses forêts est trop longue pour être ici exhaustive…
Pourquoi cette extinction progressive de notre patrimoine forestier doit-il faire l’objet d’une attention toute particulière de la part de l’ensemble de la société algérienne ? En quoi de « simples » arbres pourraient-ils tant influer sur la santé écologique et économique du pays ?
"Là où les forêts meurent, le désert prend vie…"
C’est un adage séculier qui n’a jamais été démenti par l’histoire de l’avancée de l’aridité à travers la planète. Quel avenir économique pourrait-on espérer à une Algérie contaminée par la désertification ? Toutes les chances de diversifier l’économie nationale disparaitront en même temps que la biodiversité et, les ressources hydriques s’étioleront à travers un territoire algérien de plus en plus dénudé de ses forêts. Le pays est menacé par l’avancée du désert, le stress hydrique, l’extinction de sa biodiversité . L'arbre est son plus précieux atout naturel dans bien des cas.
A l’heure où le réchauffement climatique est un phénomène de plus en plus concret à appréhender au quotidien, la corrélation entre la déforestation et la montée des températures globales était pourtant connue des savants depuis déjà l’Antiquité. Les arbres sont nos meilleurs alliés dans la plupart des problématiques écologiques dont le pays souffre. Tout cela en produisant peu de déchets et en consommant une énergie hautement renouvelable : le soleil.
Ce dont nous protègent les arbres…
Prenons le cas de l'influence du vent, trop méconnue du grand public, sur la progression du désert à travers les terres fertiles. L’érosion éolienne est un facteur bien plus impactant que, par exemple, la température, quand il s’agit d’irrigation en zone aride. En effet, à moins qu'il ne soit freiné par un obstacle, le vent, déplace beaucoup d’eau avec lui. Ainsi, à certains endroits, parce qu’elles sont systématiquement emportées par ce dernier, des nuées de gouttes d’eau font défaut à certains terreau laissés à sa merci par l’absence de végétation haute. Il finissent par s’assécher. Les cultures sont arrosée inefficacement. C'est une perte en eau considérable...
D’autant que le vent peut également charrier avec lui du sel qu’il déposera ainsi sur des terres alors rendues infertiles, à force de tels dépôts. Les arbres sont de très bons brise-vent. Partout où les forêts ont disparus des zones touchées par de forts courants d’air, le désert a petit à petit pris ses marques, il s'installe, il progresse toujours un peu plus ainsi.
Qui maintient les sols ainsi que les nappes souterraines grâce à ses systèmes racinaires ? Cette fonction des arbres permet d’éviter les glissements de terrain, de garder l’eau présente dans les sous sols.
Par transpiration, ils alimentent les nuages et favoriser ainsi la circulation de l’eau à travers le globe. Pour un hectare de forêt feuillue, on estime l’évaporation dans l’atmosphère de 2 000 à 10 000 tonnes d’eau par an, selon les régions. L’eau est également filtrée par les racines et toute la végétation qui a évolué en symbiose avec ces arbres.
Les forêts sont de véritables usines organiques qui produisent de nombreux éléments végétaux et des sels minéraux essentiels au maintien de la santé des sols, ainsi qu’à l’alimentation d’un grand nombre d’espèces végétales et animales. La même forêt d’un hectare est capable de produire pas moins de 15 tonnes de matières organiques en un an. De plus, les arbres sont des habitats primordiaux pour la faune et des partenaires souvent très précieux pour la flore qui les entoure.
Quand ces éléments viennent parfois s’échoir dans les cours d’eau, beaucoup d’entre eux iront de ce fait un jour se mêler à l’eau de la Mer, en fin de cycle des eaux, quand les fleuves viennent lui rendre ce que le soleil lui a emprunté; pour que les nuages dispensent à leur tour toute cette eau à travers le vaste pays.
Les forêts sont capables de participer à améliorer la qualité de l’air. On estime qu’un hectare de forêt feuillue peut produire environ 6 à 20 tonnes d’oxygène par an, et fixer sous forme de bois 3 à 4 tonnes de gaz carbonique par an. L’apport olfactif, les délicieux parfums que ces arbres peuvent dégager, parfois même à des centaines de mètre, doit être également perçu comme une plus value quant à l’air que nous inhalons chaque jour.
L’arbre joue un rôle social et culturel
Particulièrement dans un pays chaud comme le nôtre, là où il y a de l’ombre et de la fraicheur, les gens se réunissent pour en profiter et donc, lier des liens sociaux. Les places les plus fréquentées dans nos villes et nos campagnes, sont souvent les plus boisées. Les forêts ont de tous temps été le théâtre de mythes et de légendes qui font partie de notre matrice culturelle. Les arbres étaient utilisés par nos anciens à bien des occasions ; que seraient l’artisanat, la gastronomie, les us et coutumes de bien de nos régions algériennes sans leurs arbres emblématiques ?
Imaginez à quoi, par exemple, pourrait ressembler la culture amazigh sans les oliviers, les figuiers, les chênes, les vastes et denses forêts de cèdres, de chênes, les cerisiers, ou bien les palmiers pour ceux installés dans le Sud?
Enfin, il est indéniable qu’une exploitation forestière intégrant un reboisement vital au pays serait un plus pour l’économie nationale autant que pour l’environnement. Il existe encore dans ce pays un know how dans le domaine forestier qui est encore peu, ou sous exploité. Cet apport financier potentiel pourrait, par exemple, permettre d’autofinancer le reboisement et l’entretien de nos forêts.
Mais planter le mauvais arbre au mauvais endroit, ne pas veiller pendant des années à son bon développement, c’est semer une chimère dans un désert...
Le cas de l’Eucalyptus en ce qui concerne notre pays, est de loin le plus criant. Cet arbre est certes très utile pour prévenir certains glissements de terrain, mais son vaste réseau racinaire est capable de détourner des cours d’eau souterrains, d’assécher des marais, il est même capable de provoquer, en diffusant des gaz dans l'air, des départs d'incendies. Cette espèce est très invasive, agressive vis-à-vis de ses concurrentes. En général rien ne lui résiste longtemps. Ces feuilles mortes sont toxiques pour le reste de la végétation. En zone urbaine, ses branches, très fragiles, peuvent se casser sous le poids de la neige et provoquer des dégâts importants. Le potentiel industriel de la prolifération d’une telle espèce exotique en Algérie n’a même pas été exploité… Il semble que l’introduction de cette espèce n’a pas été globalement bénéfique à l’environnement ainsi qu'à l’économie du pays. Alors que d'autres essences locales sont laissées en patûre à de petits traffics parallèles très dévastateurs pour ces denrières.
Il faut semer la bonne essence au bon environnement, apprendre à chaque génération comment perpétuer et exploiter ses forêts. Par excellence, l'arbre est un symbole de transmition générationel, de filiations ancestrales. Les arbres sont une part de l'histoire de l'Algérie.
Intérêts écologiques et potentiels économiques, voilà deux critères qu’il faudrait toujours garder en mémoire pour bien gérer notre patrimoine forestier. C’est ce que de nombreux spécialistes disent en Algérie.
L'urgence d'un reboisement raisonné du pays est d'autant plus d'actualité que la progression de l'aridité à travers le territoire algérien en limite chaque jour un peu plus les chances de réussite...
S’il est de bon ton de célébrer la journée mondiale de l'arbre aujourd'hui , il serait encore plus appréciable de consacrer toutes les autres des années à venir à reboiser intelligement notre pays et, cela animés par un bon sens écologique, certes, mais aussi pour des raisons économiques évidentes.
Karim Tedjani.
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Posté Le : 05/04/2015
Posté par : patrimoinealgerie
Photographié par : Hichem