Le chef de l'Etat mauritanien, Sidi Ould Cheikh Abdallahi, premier président démocratiquement élu du pays, a été arrêté mercredi à Nouakchott au cours d'un coup d'Etat sans effusion de sang mené par le chef de la Garde présidentielle qu'il venait de limoger.
Ce coup de force des militaires intervient 15 mois après l'élection présidentielle du printemps 2007 saluée comme un «modèle démocratique» pour l'Afrique et le monde arabe, et trois ans après le coup d'Etat militaire qui avait renversé, en août 2005, le président Maaouiya Ould Taya.
Le général Ould Abdel Aziz, chef d'état-major particulier du président et commandant de la Garde présidentielle, que le président avait démis de ses fonctions dans la matinée, est très vite apparu comme le chef des putschistes. Peu après 09H00 (locales et GMT) à Nouakchott, «des membres de la Garde présidentielle ont arrêté le Président à sa résidence, et le Premier ministre Yahya Ould Ahmed Waghf à son bureau», a indiqué à l'AFP le porte-parole de la présidence Abdoulaye Mahmadou Ba. «Cela s'est fait sans violence pour la bonne raison que ce sont des éléments putschistes qui assuraient la sécurité du Président», a-t-il précisé.
Le Président avait pris, mercredi matin, un décret nommant de nouveaux officiers à la tête de la Garde présidentielle, de l'état-major national et de la Garde nationale. «Trois généraux ont refusé d'obtempérer à l'ordre présidentiel et sont entrés en rébellion», a commenté le porte-parole. Les putschistes se sont ensuite organisés en «conseil d'Etat» dirigé par le général Ould Abdel Aziz.
L'aéroport international de Nouakchott était fermé mercredi, mais les frontières ne l'étaient pas, selon une source sécuritaire.
La situation semblait relativement calme dans la capitale, aucune violence n'ayant été rapportée.
A la mi-journée, la police a toutefois dispersé à coups de grenades lacrymogènes un groupe d'une cinquantaine de personnes rassemblées près du marché principal.
Des militaires étaient positionnés près de la présidence et aux environs de la radio et de la télévision publiques dont les émissions avaient été coupées pendant plusieurs heures dans la matinée.
Mercredi midi, la radio d'Etat a diffusé, entre des chants populaires, le premier communiqué du «conseil d'Etat», lu par le ministre de la Communication et indiquant que le décret présidentiel de nouvelles nominations était «nul et sans effet».
Une source proche de la junte a indiqué hier, à l'afp, qu'une élection présidentielle sera «probablement» organisée en Mauritanie dans deux mois. Selon cette source, la junte devait, dans les heures qui viennent, annoncer le maintien des institutions actuelles (Assemblée nationale, Sénat...) et la convocation d'une élection présidentielle dans deux mois, a-t-on précisé de même source. Selon la Constitution, une présidentielle doit être organisée dans les 90 jours après un cas de vacance du pouvoir. Le «conseil d'Etat» formé par les putschistes - dirigé par le général Mohamed Ould Abdel Aziz, ancien chef d'état-major particulier du président et chef de la Garde présidentielle - devrait être formé de «13 ou 14 personnes dont des civils». Sa composition devait être précisée en soirée, selon la même source.
Selon des observateurs, le général Ould Abdel Aziz était derrière la fronde des 48 parlementaires qui avaient claqué la porte du parti au pouvoir lundi. Ces 25 députés et 23 sénateurs avaient alors annoncé leur démission du parti présidentiel (le Pacte national pour la démocratie et le développement, PNDD). En 15 mois, le président avait progressivement perdu ses soutiens au sein de l'armée et du Parlement.
Le porte-parole des députés dits «frondeurs», Sidi Mohamed Ould Maham, a affirmé qu'en tentant d'évincer les généraux, «il s'est attaqué de front à l'armée qui a réagi pour le déposer et, en quelque sorte, il fait les frais de ses mauvaises décisions». L'Union africaine (UA) a condamné le «coup d'Etat» et «exigé le rétablissement de la légalité constitutionnelle». La Commission européenne a aussi «condamné fermement cette action militaire» et souhaité «que le président et le Premier ministre retrouvent rapidement leur liberté et leurs fonctions». Ancienne puissance coloniale, la France a souligné, mercredi, son attachement à la «stabilité» de la Mauritanie, pays pauvre en grande partie désertique, frappé depuis fin décembre par trois attaques de la mouvance d'Al-Qaïda et touché de plein fouet par le choc pétrolier et la crise alimentaire mondiale. Le dirigeant libyen, Mouammar Kadhafi, a, quant à lui, dépêché à Nouakchott le secrétaire général de la présidence tournante de l'Union du Maghreb arabe - dont la Mauritanie fait partie - pour «suivre l'évolution de la situation».
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Posté Le : 07/08/2008
Posté par : sofiane
Ecrit par : Hademine Ould Sadi De L'afp
Source : www.lequotidien-oran.com