Des élections et des ondes de choc

Plus de 60 millions de votants turcs sont censés se diriger aujourd'hui aux urnes pour élire leur président et leurs représentants au Parlement. Des observateurs ont annoncé avec hâte qu'Erdogan, l'actuel chef de l'Etat sera le perdant de ces élections. Leur déduction repose sur la situation sociale désastreuse des couches populaires turques due à une inflation galopante et sur une montée d'une opposition politique qui s'est élargie. D'un côté, la population a été touchée de plein fouet par la fulgurante crise économique qui ne manquera pas d'influer sur le vote et d'un autre d'aucuns estiment qu'Erdogan a des penchants autoritaires appuyés pour que lui soit prêté un profil de dictateur. Tous les deux récolteront, en partie, en bien ou en mal les effets pluriels provoqués par le tragique tremblement de terre d'Antakya causant plus de 50.000 morts.Sans doute est-ce là des projections hâtives pour leur accorder du crédit car elles ne reposent pas sur la réalité d'un pays aux multiples facettes qui a permis à l'actuel président de se placer en acteur important sur la scène régionale et internationale. De ce fait, l'importance du scrutin d'aujourd'hui va au-delà des rivalités internes car les deux opposés et principaux candidats à la présidence seront acteurs impliqués dans un bras de fer qui oppose les grandes puissances mondiales.
De fait, l'enjeu des élections de ce dimanche place la Turquie au centre d'un réel conflit multidimensionnel mondial idéologique et civilisationnel de par sa riche histoire avec ses caractéristiques religieuses et culturelles, outre sa position géographique et de membre de l'OTAN.
Au vu des Occidentaux, Erdogan est souvent vu comme un mutin et un enfant terrible, peu propice à courber l'échine face à leurs lignes de conduite. Face à lui, Kiliçdaroglu, le candidat rival se disant s'inscrire dans une lignée moderniste, pourrait leur offrir une opportunité pour asseoir une stratégie conforme à leur politique dans la région.
A plusieurs égards, les deux élections d'aujourd'hui ne concernent pas seulement le peuple turc. Elles tracent en filigrane des enjeux autrement plus importants pour toute la région et leurs ondes de choc pourraient aller bien au-delà.