Il y a un an, le
monde ne parlait que de subprimes. Que reste-t-il de la crise et quelles leçons
en a tirées l'Algérie ?
Un an après la
faillite de Lehman Brothers, considérée comme le moment symbole marquant le
début de la plus grave crise économique que le monde ait connue depuis bientôt
un siècle, l'économie mondiale donne de sérieux signes de reprise. Malgré les
menaces qui continuent de planer, la situation semble s'être stabilisée, quand
elle n'a pas connu une reprise, dans la plupart des pays, comme les Etats-Unis,
l'Allemagne et la France. Certains pays émergents, comme la Chine, l'Inde et le
Brésil, continuent de leur côté de fonctionner à un régime soutenu. Malgré une
diminution de deux à trois points, la croissance dans ces pays reste élevée.
En Chine, par exemple, le taux de croissance
se situait à 11 pour cent avant la crise, avant de redescendre à 8 pour cent.
Tout ceci semble avoir autorisé le patron de la Réserve fédérale américaine à
estimer que la récession est très probablement derrière nous.
La crise a eu des effets politiques et
symboliques majeurs, dont le monde ne mesure pas encore toute la portée. Les
plus spectaculaires ont eu lieu chez les deux premières économies mondiales,
Etats-Unis et Japon, encore en convalescence. Les Etats-Unis ont vécu un
évènement spectaculaire dans leur histoire, avec l'élection d'un Noir à la
présidence, alors que le Japon vient tout juste de mettre fin à l'hégémonie du
parti libéral, qui domine la vie politique du pays depuis plus d'un
demi-siècle.
Les grandes puissances économiques ont aussi
su innover et se concerter pour faire face à la crise. Des mécanismes destinés
à atténuer le choc ont été mis en place de manière concertée, et des dogmes
sont tombés. Nationaliser ou mettre de l'argent public dans une banque privée,
considéré comme une aberration en temps normal, est devenu un acte de gestion
banal dans les pays qui ont inventé le moins d'Etat et la dérégulation.
FMI et Banque mondiale ont, de leur côté, mis
de côté certains principes dont ils ont fait une religion depuis plusieurs
décennies. Le déficit budgétaire n'est plus un péché, et le recours aux fonds
publics pour investir dans les grands projets constitue, désormais, un choix
honorable pour ces vénérables institutions.
Mais s'il fallait retenir les aspects qui ont
dominé cette crise, on retiendra, de manière arbitraire, trois traits dominants
: d'abord, la capacité des pays occidentaux à se concerter pour faire face de
manière collective à la crise ; ensuite, les effets dévastateurs de la crise
sur les pays pauvres, plus touchés dans leur vie quotidienne que les pays
riches ; enfin, le maintien de l'Algérie hors temps, malgré l'opportunité
offerte par la crise pour tenter de s'adapter à l'économie moderne.
Les pays occidentaux ont développé des
mécanismes insoupçonnés de concertation, réussissant tous à agir dans la même
direction, malgré quelques ratés au départ. L'injection massive d'argent public
dans des banques privées, par le biais de plans de relance mobilisant des
montants gigantesques, ont permis de maintenir le système en vie. Tout en
critiquant ce système et tout en promettant de le rénover en profondeur, ce qui
apparaît comme un simple discours destiné à justifier cette aide massive aux
riches, les dirigeants des grandes puissances économiques ont réussi à
maintenir une certaine cohésion. La Chine elle-même, qui détient pour deux
mille milliards de dollars en bons du Trésor américain, a été contrainte de
jouer le jeu, pour sauver ses réserves de change et maintenir à flot l'économie
de son principal client, les Etats-Unis. C'est là le signe d'une imbrication
totale de l'économie mondiale, d'une part, et une preuve que la Chine est plus
dépendante des Etats-Unis qu'on ne le croyait.
Quant aux pays pauvres, ils ont subi la crise
de plein fouet. Mais comme on ne s'intéresse guère à leur sort, les dégâts qui
y ont été causés par la crise ne sont pas encore médiatisés. On s'intéresse
davantage aux vingt millions de dollars perdus par Enrico Macias dans une
banque islandaise qu'aux quelques milliers de dollars perdus par une
coopérative de paysans du Niger dans la faillite d'une banque belge.
Enfin, un phénomène mérite qu'on s'y arrête :
les dirigeants algériens ne semblent guère s'être rendus compte qu'il y a eu
crise. Leur comportement sur le terrain économique est fait des mêmes
aberrations qu'avant la tempête. Après avoir prétendu que l'Algérie ne serait
pas touchée par la crise, « grâce aux mesures prises conformément aux
orientations du Président de la République », ils sont revenus aux vieilles
méthodes de gestion, faites d'injonctions et de décisions contradictoires, sur
un fond de dysfonctionnement institutionnel généralisé. Navigant au jugé,
décidant selon les humeurs du moment, ils ont éliminé tous les organismes de
concertation, y compris les plus dociles : l'Assemblée nationale, totalement
soumise, est pourtant interdite de débat, et des organismes comme le CNES n'ont
plus le droit de faire semblant d'être critiques !
Aujourd'hui, ceux qui ont ligoté l'économie
algérienne à coups d'injonctions et de décisions bureaucratiques prétendent
apporter le remède. En utilisant les mêmes méthodes, comme s'ils voulaient
absolument démontrer qu'ils n'ont rien retenu de la crise.
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Posté Le : 17/09/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abed Charef
Source : www.lequotidien-oran.com