Algérie

DES DIRIGEANTS D'ENTREPRISES PUBLIQUES DEMANDENT LA SUPPRESSION DU CODE DES MARCHES PUBLICS ! La porte grande ouverte à toutes les dérives


Le Conseil des ministres le pratique de plus en plus souvent ; les walis ont pu l'obtenir (sous prétexte de livrer les projets dans les délais) : le gré à gré dans les marchés publics est en train de devenir la règle au lieu d'être l'exception. Maintenant, c'est au tour des dirigeants d'entreprises publiques de prendre le relais : ils considèrent que la réglementation actuelle des marchés est devenue un obstacle au développement de leur société. Rien que ça !
Depuis 2003, le Conseil des ministres présidé par le chef de l'Etat a autorisé à maintes reprises l'utilisation du gré à gré pour des marchés plus ou moins importants. Il faut rappeler que dans la réglementation sur les marchés publics (contenant de nombreuses insuffisances), le gré à gré doit être l'exception, et encore en le balisant par des garde-fous. Or, à ce rythme, le gré à gré est devenu la règle, ouvrant ainsi la voie à toutes les corruptions possibles. La corruption dans les marchés publics est un phénomène universel qui est répandu partout dans le monde. Les événements des dernières années ont prouvé qu'il ne concerne pas seulement les pays en développement dont les gouvernements sont faibles et les fonctionnaires mal payés. Les scandales majeurs dans le domaine des commandes publiques sont fréquents et leurs conséquences désastreuses : tous les secteurs d'activité sont touchés, tant au niveau central qu'au niveau local. Le processus d'attribution et d'exécution des contrats publics permet à de nombreuses formes de corruption de se développer. Favoritisme, fraudes et détournements en tout genre en sont quelques exemples qui seront développés dans le cadre de ce chapitre. Les responsables publics, qui engagent les deniers de l'Etat, en sont tout autant responsables que les acteurs du secteur privé, national et international, qui cautionnent et perpétuent ces pratiques malhonnêtes.
Le gré à gré fait des ravages
La passation et l'exécution des commandes publiques sont l'aboutissement de processus souvent longs qui donnent aux intervenants, à tous les stades de la procédure, de nombreuses opportunités de corrompre. Les pratiques malhonnêtes peuvent intervenir au cours des deux grandes phases du processus, lors de l'attribution puis de l'exécution du contrat. La phase de passation du marché donne lieu à des pratiques visant l'attribution illégitime du contrat ou sa «vente» au plus offrant. Au cours de l'exécution du contrat, les pratiques ont pour objectifs le recouvrement des sommes dépensées pour «l'achat» du contrat, le détournement de fonds en complicité avec le contractant ou la simple extorsion lorsque le contractant n'est pas impliqué dans les pratiques malhonnêtes. La réglementation sur les marchés publics, à force de remaniements, n'existe pratiquement plus. Les grands projets d'infrastructures et les acquisitions de gros équipements sont attribués à des firmes internationales déjà éclaboussées par des scandales de corruption. Les autorisations et autres «feux verts» du Conseil des ministres et du gouvernement, pour faire fi du code des marchés publics, autorisations accordées aux ministres, aux walis et aux dirigeants d'établissements publics et entreprises d'Etat se multiplient. C'est la porte ouverte à toutes sortes de dérives et de passe-droits. Le risque corruption est de plus en plus élevé, et l'impunité des agents publics hypothèque toute perspective d'Etat de droit.
Impact négatif sur le cadre et la qualité de vie
S'il est difficile de chiffrer les coûts de la corruption dans la gestion des marchés publics de par la nature même des pratiques en cause, il est clair que, compte tenu du niveau des enjeux, l'économie ne peut se permettre d'en supporter le poids, surtout dans un pays comme l'Algérie où ce fléau fait déjà des ravages. En termes de coûts directs, la corruption entraîne des pertes financières énormes pour l'Etat, la réalisation d'achats ou de projets non prioritaires, voire totalement inutiles, le renchérissement des prix et la baisse de la qualité des services publics. En termes de coûts indirects, la corruption provoque la fuite des investisseurs étrangers, crée des distorsions dans le fonctionnement de l'économie de marché et porte un préjudice socio-économique aux entreprises compétitives. Elle a un impact négatif sur le cadre et la qualité de vie (architecture, services publics, santé, etc.), sur les ressources humaines où la «confiance» prévaut sur la compétence et peut générer un climat de risque où les responsables intègres sont parfois menacés de violence. Comme nous l'avons déjà évoqué à plusieurs reprises dans ces colonnes, l'existence d'une volonté forte et sincère du gouvernement est un préalable pour lutter efficacement contre la corruption dans les marchés publics. Cette volonté devrait se traduire par l'élaboration d'une stratégie nationale articulée autour d'un certain nombre de mesures : la sensibilisation, en informant et mobilisant l'opinion publique, notamment à travers les médias, sur les cas de corruption ; la prévention, par la réforme et la réhabilitation des textes législatifs et réglementaires sur les marchés publics, la formation et la sensibilisation des agents publics et l'élaboration de codes de conduite ; la surveillance de la pratique des marchés publics, en renforçant la transparence et en facilitant l'implication d'acteurs, autres que les donneurs d'ordre et les entreprises, tels la société civile et les médias ; l'évaluation et le contrôle de l'application des procédures de marchés publics ; et la sanction des pratiques malhonnêtes.
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