Algérie

Des diplomates français suggèrent des pistes au futur président Réévaluer «sans délai» la politique maghrébine de Paris



Dans la longuetradition des courses à l'Elysée, l'initiative est plutôt rare pour ne pascapter les regards.Un groupe dediplomates français a fait irruption, à sa manière, dans la campagne, endéfinissant le contenu de ce que devrait être la politique de Paris au Maghrebet au Machrek.Toujours enfonction, ces acteurs ont cru utile de suggérer au futur président «quelquespistes de réflexion». Issus de «sensibilités politiques différentes», ils sonten prise, depuis des années, avec les relations franco-arabe. D'ou leur travailau sein d'un groupe informel dit «Avicenne» au sein duquel siègent deschercheurs portés sur le monde arabo-musulman.A s'en tenir àcertains faits dont les récents attentats d'Alger et de Casablanca, laréflexion a été menée de fraîche date. Avant d'être bouclée, sous forme derapport, le lendemain du premier tour de la présidentielle. Un rapport devingt-six pages dont les constats et les propositions «pourraient être utiles ànos décideurs». De bout en bout, les rédacteurs du rapport développent unevision dans la pure tradition du Quai d'Orsay ou de la politique arabe de laFrance. Qu'il s'agisse des constats ou des propositions, le ton de la réflexionest aux antipodes de la politique US mise en branle, avec les dégâts que l'onsait, par les néo-conservateurs de la Maison blanche. Le groupe «Avicenne» appelle le futurprésident - patron de la politique étrangère de par les us de la Ve République- à oeuvrer en faveur d'une plus grande action de Paris dans ces régions.«Traditionnellement très présente» dans le monde arabe, la France «se doit d'yêtre active et de faire preuve d'initiative. Elle en a les moyens, elle doitavoir la volonté d'en user». Et le plus tôt sera le mieux.  Familiers des latitudes arabes del'Atlantique au golfe, les rédacteurs du rapport brossent un état des lieux«préoccupant». Censée sécuriser la région pour mieux la démocratiser, la«guerre contre le terrorisme» engagée par Bush a débouché, au contraire, sur unbilan «bien sombre».  Conflits attisés, désordres à n'en plus finir: les dommages collatéraux n'en finissent pas de précipiter la région dans lechaos. L'inventaire des diplomates d'»Avicenne» prend des alluresapocalyptiques. En Afghanistan, «l'influence des talibans s'étend». L'Irak«s'enfonce» dans la guerre civile, le Liban court le risque d'une «guerrecivile silencieuse» nourrie par les querelles internes et les effets del'agression israélienne. Quant au conflit israélo-palestinien, son règlement sefait plus que jamais désirer. Avec l'irruption de conflits communautaires, lesrisques d'un conflit nucléaire avec l'Iran et le regain d'activisme kurde enTurquie sous l'effet d'autonomie du Kurdistan irakien, l'évolution ne paraîtpas de bon augure. Aussi, le groupe «Avicenne» n'écarte pas l'hypothèse d'une«somalisation» d'une partie de la région. «Si l'on ajoute, aux deux extrêmes,le Pakistan et la Somalie ainsi que la vaste zone du Sahara, on voit sedessiner un arc de crises ouvertes, une extension du domaine des guerres, unesimultanéité de celles-ci, sans précédents dans l'histoire de la région». Faceà ces «turbulences d'une ampleur inconnue», le groupe de diplomates ès-mondearabo-musulman appelle à une restauration des relations traditionnelles deParis avec la région. Du Maghreb au Machrek, la diplomatie hexagonale souffred'un «climat désenchanté» et de «priorités contestées». Illustration de cettesituation, la France joue «un rôle majeur dans les problèmes mineurs et un rôlemineur dans les problèmes majeurs». Dans le second cas, le dossier palestinienconstitue l'exemple «le plus probant».  Le groupe «Avicenne» s'en explique davantage: «nous n'avons plus, comme au temps du général De Gaulle, une vision précisede ce qui fait l'originalité, la constance et la force de notre rapport avec leMaghreb ou avec l'Egypte». D'où, «à l'évidence», la nécessite de mettre enoeuvre un certain nombre de choses. Le rapport suggère, entre autres, lareconstruction d'un «système de priorités», la redéfinition d'une «perspective»sur la base d'objectifs «intelligibles et réalisables pour nos opinions».  Le Maghreb se taille une bonne place dans lesinterrogations sur la «validité» des priorités diplomatiques de Paris. Legroupe de diplomates se demande si la France n'a pas «laissé s'effriter lapriorité qui nous lie naturellement au Maghreb». Sans doute, constatent les membresd'»Avicenne», la coopération y reste-t-elle «importante en chiffres». Reste que «l'investissement politique, laplace dévolue à la relation économique, la valeur de l'aide française nesemblent pas à la mesure de ce que représente et représentera le Maghreb pournotre sécurité, notre prospérité et aussi pour l'harmonie de notre constructionnationale au 21ème siècle». Et les rapporteurs de peser davantage sur la charge: «Au Maghreb, les gouvernements attendent de nous concours et, pour chacund'entre eux, soutien exclusif. Les populations sont plus attentives à lacoopération, à la liberté de circulation et à la situation des immigrés cheznous». D'un point de vue structurel, le groupe «Avicenne» reproche à ladiplomatie française une approche maghrébine «archaïque, figée etfondamentalement bilatérale». En dépit de sa proximité et de la densité de sesrapports avec la France, le Maghreb est des plus absents dans les réflexionsfrançaises sur le monde arabe.  La France, selon les rédacteurs du rapport,gère «tant bien que mal un acquis sans vision d'ensemble, ni perspective». Sonapproche de la région est «fractionnée au profit de relations diplomatiquesmarquées d'une forte subjectivité, influencée elle-même par des préjugésdurables». A cette aune, font-ils remarquer, «l'Algérie est difficile, crispéesur ses complexes et ses préjugés durables et on n'en fera jamais assez pour sefaire pardonner. La Tunisie, à la fois molle et policière, est d'unefréquentation douteuse. Le Maroc, sorte de fils préféré, est noble, attirant etfragile».Pour en finiravec le fractionnement, le subjectivisme et les préjugés, le groupe dediplomates suggère au futur chef de l'Elysée une réévaluation «sans délai» de lapolitique maghrébine de Paris. Cela permettra de «la situer dans uneperspective d'ensemble qui s'inscrive elle-même dans l'action globale» que laFrance entend mener au niveau méditerranéen et sous d'autres cieux. Un redéploiementde la politique maghrébine au Quai d'Orsay ne pourrait être fécond sans une«meilleure organisation» de la politique étrangère de la France pour l'ensembledu monde arabe. Aujourd'hui, l'ampleur et la diversité des instrumentsadministratifs et financiers français pour le Maghreb sont telles que deschangements s'imposent.Le rapportrecommande la mise en place d'un «pilotage interministériel spécifique» pour larégion. Pour ses rédacteurs, il pourrait «être opportun» d'étudier la créationd'un «Secrétariat général de Comité interministériel» (SGCI) pour le Maghreb.Une entité appelée à évoluer à terme vers une SGCI-Méditerranée pour être«pilotée» par le Quai d'Orsay. Pour «Avicenne»,une gestion interministérielle du dossier maghrébin «s'impose d'autant plus quela France se doit d'être ‘plus maghrébine' que chacun de ses trois partenairesmajeurs au Maghreb en prenant elle-même l'initiative de projets nécessairesd'intégration régionale que ces Etats sont trop divisés pour promouvoir à cestade».


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