Algérie

Des comptes «sonnants et trébuchants»



La décision du gouvernement de faire adopter, enfin, la loi de règlement budgétaire pour contrôler l'utilisation des finances publiques, s'inscrit dans sa logique de moderniser le système budgétaire dont le programme a été approuvé, il y a deux ans. Annoncée, en 1984, par le gouvernement Brahimi par une loi-cadre, la loi de règlement budgétaire n'avait pas trouvé preneur en ce temps. Il faut dire que c'était, à cette époque, que les sales affaires commençaient à pointer du nez, dans un pays où l'argent perdait son odeur... de sainteté. N'est-ce pas ce même Brahimi qui, en 1988, avait balancé mais sans insister, l'affaire de la dilapidation de 26 milliards? Ce qu'il en reste pour l'histoire, c'est juste le choix de cet ex-chef du gouvernement de vivre sous des cieux plus sûrs. Alger a aussi hérité des «26 milliards» pour les donner comme nom à un de ses quartiers luxueux construit du haut des Sources. C'était hier que le ministre des Finances, Karim Djoudi, a annoncé la mise en branle du processus d'adoption de la loi de règlement budgétaire dont l'esprit devra viser, en principe, le contrôle et la transparence dans l'utilisation des finances publiques. Son application permettra au parlement d'interpeller le gouvernement sur l'efficacité de son action. En clair, elle l'obligera à rendre des comptes sur l'utilisation des budgets alloués aux différents secteurs par la loi de finances. Ceci sur le plan théorique. Mais dans la pratique, la démarche est loin d'être simple. Surtout quand on entend dire les spécialistes que la loi en question va de pair avec le programme de modernisation du système budgétaire que le gouvernement a adopté, il y a deux années de cela. «Il faut que le contrôle suive, à défaut, il risque d'être un frein au développement de n'importe quel domaine et donc à cette modernisation», est-il souligné dans les milieux financiers. Pour plus de précisions, on indique que «jusqu'à aujourd'hui, le système en vigueur est purement financier et ne contrôle que les procédures mais avec ces changements, il deviendra un système de contrôle des objectifs et des impacts», nous dit un cadre de la finance qui précise que «le tout est d'atteindre l'obligation de résultats». La modernisation du système budgétaire alignée à la loi de règlement budgétaire, imposera aux responsables de refonder le système financier en vigueur. Elles obligent toutes les deux, disent les spécialistes, «à la rationalisation, la transparence, l'intégration, la corrélation et la cohérence parce qu'elles doivent entraîner une mutation profonde dans la gestion». C'est dire que le processus de cette refondation nécessite de la grande compétence chez un nombre important de cadres, des logiciels puissants, enfin des capacités humaines et financières adéquates. Il faut, aussi et surtout, «que les décideurs aient une vision claire, nationale, régionale et sectorielle et des stratégies de développement précises». Il faut que les politiques agissent en fonction de prospectives et d'anticipations bien définies sur la base d'une volonté forte et saine de faire dans la transparence. «Les institutions et structures devront, désormais, passer d'un système de gestion des actions à un autre de gestion des programmes». De l'action d'urgence par laquelle il a toujours agi, «le gouvernement doit passer vers l'action planifiée dans une économie libérée», avec le recul que lui imposeront toutes les dimensions de la tâche. Pour cela, il doit, nous dit-on, «élaborer des projets consistants sur la base de schémas directeurs précis». Le schéma national d'aménagement du territoire en fait, principalement, partie. «C'est la base de tout projet identifié» sur laquelle doivent reposer les schémas régionaux en plus d'autres sectoriels. Toujours selon les spécialistes, l'Etat devra dessiner la dimension des grandes infrastructures et initier des politiques économiques (industrielle, agricole...) qu'il fera soutenir par des politiques territoriales». Ce n'est qu'à partir de là que l'évaluation de l'action de l'Etat ou du gouvernement pourra se faire par impact à partir de la mise en oeuvre de programmes dont les objectifs sont précisés préalablement. Parce que jusque-là, nous dit un haut responsable, «pour toute évaluation, on aligne des chiffres mais personne ne comprend rien, c'est le flou total». Il explique que «le passage qualitatif, c'est le fait d'atteindre des objectifs précis et de voir leurs impacts sur l'économie, sur l'occupation des territoires et sur les conditions de vie». Ce qui, dit-il, «fera apparaître les effets de ce qui va être fait». Fait majeur de changement qui devra être introduit dans la gestion des finances publiques, intégrer le budget de fonctionnement dans celui d'équipement. «Les deux doivent en faire un seul puisqu'ils sont débloqués pour financer des programmes par objectifs pour une évaluation par impacts», nous dit-on. A la chefferie du gouvernement, on signale que le programme de modernisation du système budgétaire est appliqué dans quatre ministères: la Santé, l'Enseignement supérieur, les Travaux publics et les Finances. «Ce sont des ministères pilotes qui appliquent ce programme et qui en évaluent la faisabilité au fur et à mesure qu'ils avancent», nous dit-on. Première remarque, «il y a un retard dans la mise en oeuvre de ce programme en raison du décalage des capacités des cadres à l'appliquer convenablement», nous disent de hauts fonctionnaires. «Les techniciens chargés de cette tâche doivent, aujourd'hui, intégrer la dimension territoriale dans leurs travaux», ajoutent-ils. C'est parce que «toutes ces démarches et notions de gestion moderne s'imbriquent les unes dans les autres, que les responsables doivent, absolument, créer des synergies entre les politiques de toute échelle qu'ils initient, les programmes qu'ils élaborent et les projets qu'ils identifient». C'est, en principe, le ministère des Finances qui en sera l'arbitre en terme de comptes «sonnants et trébuchants». Si le programme de modernisation du système budgétaire ne pourra être appliqué dans sa globalité que vers l'horizon 2009 «ou même 2011 à cause des redéfinitions qu'il exige et qu'il impose», disent les spécialistes, la loi de règlement budgétaire, si elle est adoptée d'ici à la fin de l'année, ne pourra, pour sa part, être effective que deux ans après puisqu'elle ne pourra être appliquée que pour évaluer la loi de finances de deux exercices avant. «C'est une approche par deux ans parce que techniquement on ne peut évaluer une loi de finances que quand l'exercice où les comptes sont clôturés», disent les spécialistes. «C'est ce qu'on appelle la bonne gouvernance», ajoutent-ils.
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