Le ministère de l'Industrie a annoncé en grande pompe, la semaine dernière, la création d'un réseau de PME dans la filière de l'industrie automobile et de la mécanique marquée, depuis de nombreuses années, par un très fort désinvestissement.Il s'agit, selon les initiateurs de ce projet, de rendre ce secteur plus attractif pour les IDE «en apportant aux industriels porteurs de projets la certitude d'approvisionnements locaux compatibles, en quantité et en qualité, avec leurs besoins». Ce projet, il faut le dire, s'apparente à un aveu d'échec des précédentes politiques et stratégies industrielles conçues depuis 2007, qui avaient pour objectif de développer la filière mécanique et la préparer, entre autres, à accueillir les grands constructeurs de renommée mondiale. Il apporte un début de réponse aux différentes interrogations autour des réticences qu'expriment les constructeurs automobiles de taille mondiale, comme Renault, à implanter leurs usines en Algérie en l'état actuel des choses.
Ce n'est qu'après cette «défaillance» inattendue de la part de ces investisseurs dont la venue en Algérie était plus que souhaitée, que les pouvoirs publics ont réalisé que la relance du secteur dépend d'un travail en amont, concentré notamment sur le tissu des PME et d'entreprises sous-traitantes.
à la recherche de foncier
Pourtant, les professionnels du secteur avaient, depuis bien longtemps, attiré l'attention des autorités en charge du secteur sur la nécessité de créer un véritable réseau de PME spécialisées dans l'industrie mécanique. Selon Brahim Bendris, président de l'Union des professionnels de l'industrie automobile et mécanique (UPIAM), la proposition de créer des clusters date de longtemps : «Nous avons essayé de faire admettre aux pouvoirs publics le principe du développement de clusters pour regrouper les entreprises qui sont à même de fabriquer pour les grandes entreprises, telle que la SNVI, ou les usines de fabrication mécanique de Sidi Bel Abbès et Constantine.»
Un plan d'action a été arrêté aux fins de faire bénéficier ces PME spécialisées des conditions nécessaires pour leur activité, notamment en matière de terrains, de locaux et d'équipements appropriés. Car le plus grand problème auquel font face les entreprises, selon l'UPIAM, est celui du foncier. «Des entreprises algériennes sont capables de fabriquer des pièces mécaniques, mais elles travaillent dans des conditions qui n'ont rien à voir avec l'industrie mécanique.
L'Etat doit mettre à la disposition de ces entreprises, à travers ces clusters ou grappes d'entreprises évoluant dans des zones d'activité industrielle spécialisées, des sites d'implantation pour travailler dans des conditions convenables», souligne M. Bendris. Actuellement, «un jeune ingénieur en mécanique, fraîchement sorti de l'université, ne trouve même pas un petit garage où travailler», se désole notre interlocuteur. Pour lui, les compétences en matière de sous-traitance mécanique existent. Il en veut pour preuve le fait que la SNVI, par exemple, achète pour l'équivalent de 4 millions d'euros par an de pièces de rechange auprès de sous-traitants algériens. «Ces sous-traitants ont réussi à fabriquer des pièces pour le montage de véhicules industriels, ce qui démontre le professionnalisme des entreprises algériennes dans ce domaine», souligne M. Bendris.
Un secteur privé quasi inexistant
Autre son de cloche du côté du Conseil national consultatif pour la PME (CNC/PME). Selon son président, Zaïm Bensaci, bien que soutenant l'idée de lancer une telle initiative à l'adresse des PME, le tissu d'entreprises spécialisées dans la sous-traitance mécanique n'est pas en mesure de répondre, pour l'heure, aux exigences techniques et de qualité de n'importe quel constructeur qui souhaiterait lancer une unité de production mécanique en Algérie. «Pour ce qui est du privé, il n'y a pas véritablement de sous-traitants capables de répondre à la demande d'un constructeur automobile. A part une ou deux exceptions, je ne vois pas quelle est l'entreprise qui serait à même de répondre aux exigences d'un constructeur automobile.
Et pour qu'un constructeur décide de s'installer dans un pays, il a besoin d'abord de connaître quelles sont les unités sous-traitantes qui peuvent travailler avec lui, et ce, pour s'assurer de la fiabilité des pièces fabriquées pour lui et qui doivent être homologuées et conformes à des critères définis», soutient M. Bensaci.
Pourtant, il est aujourd'hui plus qu'indispensable que l'Algérie dispose d'une industrie automobile : «Il est inconcevable que le pays ne dispose pas d'une vraie unité de construction de véhicules, compte tenu du grand marché dont il dispose et de sa position géographique. Peu importe le choix du constructeur qui sera lié par un accord de partenariat, mais ce type d'industrie doit nécessairement être lancé pour peu qu'on encourage la création d'unités sous-traitantes.»
A la question de savoir comment y procéder, M. Bensaci se réfère au dernier projet de construction automobile lancé par le Maroc où, selon lui, «Renault a fait venir les équipementiers avec lesquels il a l'habitude de travailler pour lui fournir l'ensemble des équipements nécessaires. Ces équipementiers ont ensuite constitué, autour d'eux, leur réseau de sous-traitants qui sont en mesure, aujourd'hui, d'assurer au fabricant la fourniture de pièces mécaniques». Mais en Algérie, la situation est différente, poursuit-il, «en ce sens que nous sommes tributaires des importations pour tout ce qui est approvisionnement en produits électroniques et autres matériels de haute précision».
C'est la raison pour laquelle «il faudrait commencer par une opération d'audit au niveau de chaque société du secteur de la mécanique pour déterminer sa capacité, sa qualification et tracer ensuite une véritable stratégie qui organise l'ensemble du réseau des sous-traitants. Ces derniers doivent être accompagnés, aidés et suivis sur une période d'au moins cinq années», note-il. Pour le président du CNC, les sous-traitants, liés de manière indissoluble aux entreprises donneuses d'ordres, sont aujourd'hui exposés plus que toutes les autres aux aléas d'un marché concurrentiel très exigeant. Il paraît donc plus indiqué, dans un tel contexte, d'appréhender la sous-traitance comme un moyen de promouvoir la création d'entreprises et de consolider ou reconvertir celles qui existent déjà. La véritable question, ajoute-il, «est celle de la place de la sous-traitance comme facteur de développement technologique mais aussi de consolidation et de renforcement du tissu de PME et, partant, de relance de l'économie nationale». Néanmoins, «l'espoir demeure permis car, de par le monde, les entreprises sous-traitantes se spécialisent chaque jour davantage, améliorent leurs performances et innovent pour répondre aux exigences des grands donneurs d'ordres au niveau international»,
conclut-il.
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Posté Le : 07/03/2012
Posté par : archives
Ecrit par : Lyes Mechti
Source : www.elwatan.com