Algérie

Des choses qui arrivent de Salah Badis Tranches de vies


Publié le 24.12.2023 dans le Quotidien l’Expression

Publiées chez Barzakh Edition, ces neuf nouvelles, traduites de l’arabe par Lotfi Nia décrivent le quotidien tourmenté d’une ribambelle de personnages, dans une Algérie aujourd’hui, flanquée parfois dans les souvenirs amers ou joyeux du passé…

Il n'a que 29 ans mais il semble en connaître davantage sur l'Algérie, entre passé et présent tourmenté. «Des choses qui arrivent» est son second recueil de nouvelles. Ces dernières sont traduites de l'arabe par Lotfi Nia. «Des choses qui arrivent» a bien marché durant le Sila, du moins, son éditeur Barzakh, a bien veillé au grain car il croit en son potentiel. Celui qui a bénéficié déjà d'un article élogieux sur le journal Le Monde, le vaut bien, en effet. À travers ces neuf textes courts, Salah Badis brosse le portrait d'une Algérie mélancolique qui cherche à s'en sortir, à trouver des solutions aux problèmes du quotidien. Salah Badis s'emploie à décrire la ville, l'environnement aussi bien interieur, qu'exterieur au scalpel. L'atmosphère est quelquefois pesante. L'écriture imagée est souvent déclinée dans son menu détail. Salah Badis ose dans le choix des sujets traités. La vie est, en effet, rendue telle quelle, sans fioriture, c'est ce qui nous frappe au premier abord. Est-ce une histoire de génération? La littérature de Salah Badis est rehaussée de quelques mots arabes qui font la réalité de notre vécu.

Description d'un réel tourmenté
Elle est aussi arborée dans un naturel désarmant, ponctuée d'une forme poétique, baignant dans une sorte d'aura psychologique, où elle est, non pas enfermée, mais vers laquelle se tourne le plus souvent l'auteur, de façon à lui insuffler autrement plus d'épaisseur et de réalisme. Entre Alger,- Béjaïa-, Marseille, sur les routes ou dans une laverie, le jour ou dans une nuit déserte, un appartement qui grouille de monde, de jeunes fêtards ou dans la solitude enivrante d'un balcon donnant sur la baie, le recueil de nouvelles «Des choses qui arrivent» est riche de personnages divers, en proie à leur vicissitudes journalières, volatiles comme autant de gens qui nous entourent dans une société minée d'obstacles. Un couple qui rêve d'ouvrir une laverie automatique à Alger pour gagner de vie et s' extraire de sa morosité et manque d'argent, un musicien amateur et mythomane dont le père meurt soudainement en Turquie, un étudiant qui s'interroge sur «le bonheur potentiel de ses journées», un éditeur pris entre le manuscrit d'un écrivain tunisien des années 1930 et les affres du terrorisme contemporain, une dame qui tient un salon de coiffure tout en tentant de régler les problèmes de fuite d'eau de son appartement. Et de se remémorer le faste vécu, jadis, lors de sa jeunesse, avec son mari, premier journaliste algérien ayant interviewé le Che, Monsieur Krimou et son récit sur sa Peugeot 505, une jeune femme dans sa ville sinistrée par un tremblement de terre, une femme qui rêve obstinément d'un appartement, un preneur de son ballotté entre ses désirs...autant de récits qui happent!

Des individus en butte aux contradictions de leur société
Ils sont plus ou moins jeunes, commerçants, étudiants, salariés, ils cherchent à faire la fête, à s'aimer, ou à vivre dignement, plus âgés qui reviennent sur leur glorieux ou tragique passé, tout en scrutant sur stigmates du temps qui passe... Salah Badis en auteur omniscient accompagne ses personnages dans des scènes grotesques, ubuesques, voire parfois absurde ou dramatiques comme cet homme, qui pendant la décennie noire, tente d'échapper au ninja, le corps ensanglanté, qui court dans les escaliers, tentant de rejoindre son chez soi....Les nouvelles de Salah Badis, nous laissent parfois sur un goût d'inachevé. Comme c'est le cas ici d'ailleurs. Salah Badis parvient en tout cas, à épingler notre attention, à susciter d'emblée notre curiosité. Ses nouvelles sont un condensé d'informations que notre cerveau parvient à reproduire et à imaginer aisément, car ses petites histoires sont empruntes de notes existentielles où le vécu est super bien rendu. L'on passe du vestige du passé, saupoudré de moments de nostalgie par endroit, à l'incertitude désespérée d'un présent qui déchante, en passant par l'appel incommensurable d'une jeunesse avide d'amour et de tendresse...L'espace de narration pour chaque nouvelle fait suspendre le temps qui nous est conté, pour nous plonger en plein rêverie, et ce, a chaque fois dans un lieux différent, un personnage nouveau et une trame socio-politique encore différente, que ce soit dans années 1980, durant la nébuleuse décennie noire ou encore lors d'un passé pas si lointain sous le règne du président Abdelaziz Bouteflika.. Né en 1994, Salah Badis est pour info, journaliste, poète et écrivain de langue arabe. Il est diplômé en sciences politiques de l'université d'Alger et collabore avec plusieurs médias arabes. En 2006 parait son premier recueil de poésie suivi en 2019 de son recueil de nouvelles, tous deux publiés aux Éditions Al-Mutawwassit (Milan-Bagdad). En tant que traducteur il a traduit vers l'arabe le roman de Joseph Andras «De nos frères blessés» (Actes Sud, 2015) et le récit d'Eric Vuillard Congo (Actes Sud, 2012). Pour sa part, Lotfi Nia est poète et traducteur. Il a vécu à Beyrouth et Alger. Il a traduit des ouvrages pour Actes Sud et Le Seuil. Il vit à Marseille où il travaille comme interprète dans une structure de soins psychologiques.
O. HIND

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