Algérie

Des chômeurs par vagues successives



Des chômeurs par vagues successives
Des milliers d'élèves quittent, chaque année, les bancs de l'école. Les profils des « déserteurs » sont aussi nombreux que les maux de la société algérienne : il y a ceux qui veulent entrer plus vite dans la vie active pour aider leur famille, d'autres qui ne voient pas l'école comme un moyen de « s'enrichir » et puis tous ceux qui « décrochent » en raison de l'éloignement, de la qualité de l'enseignement ou de problèmes familiaux.

Disons-le tout net : l'école n'est plus considérée comme un tremplin pour la réussite. Les « modèles » de réussite ont changé au gré des bouleversements qu'a connu l'Algérie. « Je vais étudier toute ma vie pour avoir un salaire minable. Ça ne sert à rien. Là au moins, je gagne un peu d'argent, je suis utile à ma famille. "N'daber rassi", j'arrive à me prendre en charge », explique Mehdi, 16 ans, gardien de parking ayant quitté l'école après un échec au BEM. Même si le taux de déscolarisation ' durant le cycle obligatoire ' reste marginal (près de 5%), le mal semble profond.Les jeunes n'aiment pas les métiers manuelsLe ministère de l'Education ne veut pas dramatiser la situation. Boubekeur Benbouzid estime que « la réforme (qu'il a entamée en 2003, ndlr) endiguera le problème des déperditions scolaires ». « Les déperditions tendent à disparaître. Le taux de scolarisation est passé de 93,24% en 2000 à 97,3% aujourd'hui », nous a-t-il expliqué. Il ajoute : « Parmi les 5,2% qui ne sont pas scolarisés, certains présentent des handicaps lourds et sont pris en charge par les services du ministère de la Solidarité. Lorsque les parents d'enfants nomades se déplacent, il est difficile de trouver la trace de leurs enfants. Il y a également une part de problèmes sociaux et familiaux. Il est difficile d'atteindre 100%. » Le département de l'Education songe à créer des « internats » ou des « classes ambulantes » pour suivre les familles nomades dans leurs déplacements.Le phénomène de la déperdition scolaire touche surtout (à hauteur de 66%) les zones rurales. Les difficultés des zones enclavées sont celles de la plupart des villes algériennes, mais poussées à l'extrême. Les enfants habitant ces régions sont parfois obligés de marcher plus de 2 km pour aller à l'école et retourner chez eux. C'est là l'une des raisons principales du décrochage scolaire. Mais là encore, le ministère de tutelle adopte un ton rassurant. « Désormais, il n'y a pas un douar sans école primaire et pas une commune sans lycée. Nous avons ouvert des écoles dans lesquelles il n'y avait que 12 élèves. A Bordj Bou Arréridj, il y a une école ouverte pour une seule élève. Pas moins de 4300 bus scolaires et 1703 cantines. 73% des élèves bénéficient de la cantine. Aujourd'hui, les classes ne sont plus aussi surchargées qu'avant. Nous voulons encourager les enfants à rester dans l'école », affirme M. Chaib Drâa, cadre au département de l'Education. Dans la mesure où « tous les moyens » ont été mis en place pour assurer aux élèves de bonnes conditions, il n'y a plus aucun prétexte pour quitter l'école.Le bilan que brossent les cadres du ministère de l'Education sont plutôt flatteurs, mais la réalité semble plus complexe. Les options qui se présentent aux enfants exclus de l'école (après la 4e année moyenne) paraissent minces. Ils ont le choix entre la formation professionnelle, l'enseignement à distance, l'école privée ou la rue. La désaffection des jeunes pour les métiers manuels est grande. Les chiffres alimentent le scepticisme de la société civile. Dans une intervention médiatique, M. Khiati, président de la Forem, a porté un jugement sévère sur la gestion de ce dossier. « La formation professionnelle, supposée offrir une alternative aux flux des malchanceux de l'école, ne peut répondre annuellement qu'à moins de 48% de la demande. Ces jeunes ne peuvent même pas prétendre à des espaces de loisirs ou de sports pour noyer leur chagrin ou se détourner des idées sombres (à peine 7% des jeunes et moins de 4,5% des enfants scolarisés sont affiliés à des associations sportives ou adhèrent à des associations de jeunesse) », a-t-il constaté.La déscolarisation forcée des fillesPour le ministre de l'Education, les ambitions des scolarisés sont parfois démesurées. « Les Algériens veulent tous être docteurs. Ce n'est pas possible. Un ingénieur gagne moins qu'un spécialiste en plomberie », souligne-t-il. Un dispositif pour la création d'une « école de la deuxième chance » en Algérie a été présenté par le ministère de tutelle. Selon l'Observatoire des droits de l'enfant, 2,2 millions d'enfants ont abandonné l'école durant la période 1999-2003. Par ailleurs, les chiffres révélés par le Conseil national économique et Social (CNES, rapport 2001) montrent près de 61% des enfants âgés de 16 à 18 ans sont dans la rue faute d'avoir trouvé une place dans la formation professionnelle ou toute autre possibilité de préparation à l'emploi.Mais le ministère de l'Education nationale n'inclut pas les élèves de 1re année, de 2e année secondaire et même ceux de terminale ayant échoué au bac dans la déperdition scolaire. « Il n'y a qu'au Japon que l'école est obligatoire jusqu'au bac.A partir de la 4e année moyenne, les élèves qui quittent l'école ne sont pas comptabilisés dans les statistiques des déperditions scolaires. Cela ne peut être une déperdition puisqu'ils sont orientés vers la formation professionnelle. A travers la formation professionnelle, nous les préparons à une formation supérieure. Nous les préparons à la vie », affirme le ministre de l'Education nationale, Boubakeur Benbouzid. Les garçons qui quittent l'école plus tôt sont généralement tentés par l'informel. Même si la déscolarisation forcée des filles est encore ancrée dans la société algérienne, elles sont plus combatives et choisissent la « voie classique » de la réussite.




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