Algérie

Des chiffres et des hommes



Il y a des chiffres qui inquiètent, surtout lorsqu?ils relèvent du domaine social. Une quinzaine d?années après l?apparition du syndrome des salaires impayés, aujourd?hui encore, plus de 21 000 travailleurs attendent de percevoir leur dû. La plupart depuis plusieurs mois, si ce n?est plusieurs années. Une chose est sûre : tous sont ou ont été des employés des entreprises publiques. Beaucoup parmi les concernés paient ainsi les frais d?une privatisation mal assurée et mal assumée. Tandis que d?autres, aussi nombreux, sont victimes d?une restructuration qui tarde à se concrétiser pour les entreprises publiques en difficulté, en dépit des assainissements financiers successifs, et surtout que l?on continue à maintenir sous perfusion au mépris de toute logique économique, de toute considération sociale. Bien au contraire, puisqu?il y a une dizaine d?années, alors que l?on tergiversait sur des choix décisifs en matière industrielle, le pic de 40 000 travailleurs concernés par les arriérés de salaires avait été atteint. Il faut toutefois reconnaître que la situation financière du pays n?était pas aussi favorable que maintenant. L?essentiel des ressources extérieures était « englouti » dans le remboursement de la dette qui avait, elle aussi, atteint un pic record. Pour en revenir aux chiffres actuels communiqués par un représentant de l?UGTA à la Chaîne III de la radio nationale, ceux-ci étaient loin de représenter une source d?inquiétude pour la centrale syndicale autoproclamée et maintenue par les pouvoirs publics comme unique partenaire social représentant les travailleurs. Avoir réduit de moitié en dix ans le syndrome passerait donc pour un exploit pour ce représentant syndical pour qui, par ailleurs, le recours de manière systématique au contrat de travail à durée déterminée est plus une « rançon » de la mondialisation qu?un débat de fond dans le monde du travail. C?est là aussi un facteur qui tend à favoriser la précarité, qui se mesure en termes de salaires impayés, de plus de 20 000 enfants livrés à la rue recensés uniquement dans cinq wilayas? Au niveau national, les chiffres pourraient être encore plus importants, si l?on tient compte des femmes et des personnes âgées. C?est dire toute l?importance qui doit être accordée à la « couverture sociale » des catégories les plus exposées de la population. Ce qui est loin d?être le cas, à en croire l?enquête récente de l?Office national des statistiques qui a révélé que, l?an dernier, plus de la moitié des travailleurs salariés ne bénéficiait pas des prestations de la sécurité sociale. Un travail « au noir » en somme systématisé et dont abusent non seulement les employeurs privés, mais aussi les entreprises publiques fortement éprouvées financièrement. Autant de situations anachroniques qui ne semblent pas émouvoir les parlementaires, alors que l?on s?apprête à renouveler l?APN dans quelques semaines. Deux législatures se sont succédé sans qu?à aucun moment le problème de ces salaires impayés ne soit soulevé dans l?hémicycle du Palais Zighoud. Si l?on voulait une preuve de l?éloignement des élus des questions immédiates liées à la lutte contre la précarité, on aurait assurément l?embarras du choix.


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